Etats-Unis. «Les flics de New York nous considèrent comme des proies humaines»

Membre de la Warant Squad
Membre de la Warrant Squad

Par Lichi D’Armelio

Dix jours après l’assassinat de Michael Brown, âgés de 18 ans, les manifestations de larges secteurs de la population afro-américaine, latino et aussi blanche de Ferguson – rejointe par des délégations solidaires de diverses villes des Etats-Unis – continuent. Elles révèlent non seulement l’acuité des discriminations raciales, mais aussi la ségrégation sociale qui ne cesse de s’accentuer. La Garde nationale – cette armée de l’intérieur propre à chaque Etat – a été mobilisée dans l’Etat du Missouri. C’est la première fois qu’un tel engagement de la Garde nationale est ordonné depuis 1992 – cela se passait à Los Angeles – afin de briser une forme de soulèvement contre une répression policière systématique visant en particulier les jeunes Noirs. Les médias internationaux mettent en lumière le pillage de quelques magasins et les «attaques contre la police». Or Ron Conway, capitaine responsable de la surveillance des autoroutes dans la région de Ferguson et favorable aux méthodes les plus dures, confiait toutefois à la chaîne états-unienne CNN, le 18 août 2014 au soir, que «des provocateurs avaient à nouveau infiltré une démonstration légitime et pacifique» (The Guardian, 19 août).

Nous publions ci-dessous un article qui illustre la politique de la brigade de la police new-yorkaise chargée de la recherche de personnes contre lesquelles court un mandat d’arrêt (Warrant Squad). Des membres de cette brigade portent un T-shirt qui assimile leur travail à une forme spécifique de chasse, qu’ils aiment, la chasse à l’homme. Une analogie explicite avec la chasse aux animaux.

Cet article, datant de juin 2013, illustre en quoi les méthodes policières contre les jeunes Noirs, utilisées à Ferguson (Missouri), sont une facette d’un ensemble qui marque des relations entre la police et les dites minorités raciales aux Etats-Unis. A ce propos, on peut lire un ouvrage fort documenté, qui a eu le statut de best-seller, celui de Michelle Alexander, The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, The New Press, 2012. Michelle Alexander a occupé des postes importants dans diverses institutions (dont l’Amercan Civil Liberties Union) et est actuellement professeure à l’Ohio State University. (Rédaction A l’Encontre)

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Le département de police de New York est depuis longtemps accusé de traiter beaucoup de résidents comme des sous-hommes. Certains de ses officiers semblent actuellement déterminés à donner raison à ceux qui les critiquent.

La semaine dernière des membres de Warrant Squad du département de police de la ville de New York, qui est chargée de rechercher les gens sous mandat d’arrêt pour les amener au tribunal, portaient des T-shirts imprimés qui assimilaient leur travail à celui de chasseurs d’animaux. La photo a été envoyée à SocialistWorker.org par une personne qui travaille dans le système judiciaire. Comme le montre la photo, le dos du T-shirt porte une citation d’Ernest Hemingway: «Aucune chasse n’égale la chasse à l’homme et tous ceux qui ont chassé des hommes armés pendant assez longtemps et l’ont aimé ne s’intéressent désormais à rien d’autre.»

Sur le devant, les T-shirts portent les mots «Fugitive Enforcement NYPD» et ce qui semble être en emblème officiel du département.

La ville de New York vient de se défendre dans un procès sur la politique de «stop-and-frisk» (arrêter et fouiller) qu’elle applique et qui a entraîné la détention chaque année de milliers de jeunes qui sont arrêtés, interrogés et souvent fouillés, le plus souvent uniquement sur la base de la couleur de leur peau.

Beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que les tribunaux se prononcent contre la ville de New York dans cette affaire et le Département de la justice des Etats-Unis a récemment annoncé qu’il envisageait d’assigner un surveillant pour superviser le département. Il paraît incroyable que le préfet de police Ray Kelly permette aux policiers de porter en activité des T-shirts aussi offensants au moment même où son département suscité une telle attention.

Le fonctionnement de la Warrant Squad ne provoque en général pas beaucoup de publicité, mais quelques articles récents dans les médias font des portraits flatteurs de ces flics, les dépeignant comme des hommes d’action. Un témoignage récent de WABC’s Eyewitness News [réseau online d’information] commençait ainsi: «Ils constituent une équipe d’élite de policiers dont le travail quotidien consiste à traquer des criminels fugitifs. Ils opèrent dans un monde de murmures et de signaux silencieux, car tout bruit et tout mouvement pourraient faire la différence entre la vie et la mort.»

Si l’on juge d’après ces T-shirts, les policiers de la Warrant Squad se voient également de cette manière. En réalité ils passent la plupart de leur temps à rechercher les personnes pauvres accusées d’infractions et de délits mineurs qui composent la vaste majorité des New-Yorkais qui sont pris dans le système de la justice pénale.

En fait, l’officier de police que l’on voit sur cette photo était en train de conduire une femme au tribunal des délits mineurs lorsque la photo a été prise. Quelle «chasse» glorieuse!

Mais l’attitude déshumanisante que révèlent ces T-shirts ne prête pas à sourire. Il y a quelques années, la ville a réglé une action en justice dans laquelle la Warrant Squad était accusée d’enfoncer la porte d’une grand-mère du Queens [un des cinq arrondissements de New York, où règnent une forte pauvreté et une ghettoïsation] avant d’accuser à tort son petit-fils de meurtre et de le passer à tabac. Les policiers ont permis à leur chien de le mordre et l’ont menacé de le brosser contre une barrière dans une manœuvre connue sous le nom de «râpe à fromage».

L’année passée, un des policiers impliqués, Hassan Hamdy, a tiré sur Noel Polanco et l’a tué sur une route principale du Queens en arguant que Polanco aurait coupé la route à la voiture de police de Hamdy.

Lawrence Hayes, autrefois membre des Panthères noires et depuis longtemps un militant du mouvement social, explique: «Pour moi la citation d’Hemingway révèle une mentalité qui a été réservée à la chasse aux animaux (…). Un tel slogan n’a aucune place dans une force de police dont le devoir est de protéger les citoyens. La Warrant Squad devrait être démantelée et Ray Kelly devrait être renvoyé pour avoir permis que ce genre de mentalité contamine la force de police de New York.» (Article publié sur le site socialistworker.org. Traduction A l’Encontre)

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