Etats-Unis. «La guerre, une réalité de notre temps»

Par Nathalie Guibert

La somme est tellement astronomique qu’elle en perd presque son sens: les Etats-Unis ont dépensé au bas mot 2000 milliards de dollars (1800 milliards d’euros) dans les guerres qu’ils ont menées depuis les attentats du 11 septembre 2001, selon les derniers chiffres disponibles.

«L’un des aspects les plus frappants de la puissance militaire américaine est de voir le peu d’attention portée à l’étude des éléments clés de son coût total, par guerre et par mission, et à celle du lien entre l’emploi des moyens et l’existence d’une stratégie efficace», souligne ainsi Anthony Cordesman, de la chaire de stratégie Arleigh Burke du Center for Strategic and International Studies (CSIS), dans un article publié lundi 10 juillet.

Si le pays n’avait pas vraiment cessé d’être en guerre depuis 194i, c’est à partir de 2001 qu’il s’est remis à combattre activement dans le monde entier, notamment en Afghanistan et en Irak, au nom de la lutte contre le terrorisme. Pourtant, «ce qui est encore plus surprenant, ajoute le chercheur, c’est l’échec des deux derniers présidents  [W.Bush et Obama] ainsi que du Congrès à analyser correctement et à justifier les coûts des guerres des Etats-Unis». A l’heure où le ministère français des armées bataille pour financer 1,3 milliard d’euros d’opérations extérieures en 2017, les chiffres de la première puissance mondiale donnent le vertige.

Pour le seul Afghanistan, de 2001 à 2017, les Etats-Unis ont dépensé plus d’argent – et pour un résultat très «critiquable» – que dans le plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après 1945. Depuis 2001, ce seront près de 841 milliards de dollars pour le seul département de la défense – si le budget 2018 est voté en l’état. Pour l’Irak, les dépenses cumulées au titre des «opérations extérieures contingentes» (OCO, comme on dit dans le jargon budgétaire américain) s’élèveront à 770,5 milliards de dollars, indique Anthony Cordesman.

Ces coûts consolidés encore supérieurs

Selon certains experts, rappelle l’auteur, les guerres d’Afghanistan, d’Irak et aujourd’hui de Syrie sont cinq fois plus coûteuses que la première guerre mondiale, et deux fois et demie plus que la guerre du Vietnam.

Les coûts, s’ils étaient consolidés, pourraient être bien supérieurs, certains chercheurs avançant des chiffres cumulés allant jusqu’à 12 000 milliards de dollars depuis 2001, en prenant en compte les fonds civils liés aux conflits, les pertes civiles et militaires, la gestion des vétérans, ou encore l’impact des guerres sur les intérêts de la dette, tous éléments mal évalués par le gouvernement ou le Congrès en dépit de nombreux rapports.

«La guerre et le risque permanent de la guerre sont une réalité de notre temps. Pourtant, l’administration américaine et le Congrès ont eu tendance à traiter l’engagement militaire comme une aberration temporaire – comme quelque chose à régler par des [dotations] complémentaires ou la création d’outils budgétaires de court terme comme les OCO. » D’où une certaine opacité, et une absence préjudiciable de stratégie politique, note M. Cordesman.

Le paradoxe est qu’«en dépit de leur coût élevé, ces guerres représentent un fardeau comparativement faible pour l’économie américaine s’il est rapporté au PIB, aux dépenses fédérales totales [ou] à l’industrie» : les guerres pèsent de l’ordre de 2,8 % de la richesse nationale des Etats-Unis en 2017. Et, insiste, le chercheur, il ne faut pas oublier que «la défense du territoire national est devenue plus chère que n’importe laquelle des guerres en cours». Soit 70 milliards de dollars pour la seule année 2017. (Publié dans Le Monde en date 13 juillet 2017)

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Consultez ce site pour avoir une vue approximative de ce que les contribuables américains paient, chaque heure, pour les «coûts de la guerre» depuis 2001: https://www.nationalpriorities.org/cost-of/war/

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