Eats-Unis: un maximum de mensonges à propos du salaire minimum

1353105861117_jpg_CROP__rectangle3-largePar Samantha Valente

Le combat visant à augmenter le salaire minimum aux Etats-Unis est une lutte durable qui a connu un peu de vivacité au cours des quelques dernières années. Des grèves incroyables se sont déroulées ces derniers mois – des travailleurs et travailleuses de Wal-Mart lors du Black Friday [le lendemain de Thanksgiving, fin novembre, marquant le début des ventes de la période de Noël] jusqu’à celles et ceux de fast-food à New York – revendiquant, entre autres, une hausse des salaires pour certains des jobs parmi les moins payés aux Etats-Unis.

Augmenter le salaire minimum fédéral de 7 dollars 25 de l’heure [6,70 CHF – 5,4 euros] est une revendication importante. Elle tient également du bon sens. En raison des augmentations du coût de la vie, en particulier dans des villes comme New York, certains économistes affirment que le salaire minimum horaire devrait s’élever à au moins 10 dollars 50 [9,7 CHF – 7,8 euros] [1].

Une revendication apparemment aussi banale, cependant, soulève encore des discussions aux Etats-Unis. Les politiciens prétendent qu’augmenter le salaire minimum affectera les petites entreprises alors que des firmes comme McDonald’s menacent d’opérer des licenciements massifs si le minimum fédéral accru [2].

Ces affirmations relèvent du mythe, élaboré avec la volonté de contrer l’opinion croissante selon laquelle le salaire minimum devrait être un salaire viable.

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Certains patrons prétendent comprendre pourquoi les travailleurs estiment qu’un salaire horaire de 7,25 dollars – soit 15’000 dollars annuels [13’870 CHF – 11’130 euros], pour un emploi à temps plein tout au long de l’année – n’est pas un salaire viable. Ils poursuivent toutefois en affirmant qu’ils ne peuvent se permettre de payer des salaires plus élevés. Cela obligerait, par conséquent, les entreprises augmentant les salaires à licencier des travailleurs afin de pouvoir poursuivre leurs activités. De nombreux rapports ont constaté que cet argument était complètement faux.

Selon le National Employment Law Project [organisation défendant les droits des travailleurs à bas salaire], 66% des employeurs engageant des travailleurs à bas salaires, en 2011, ne figuraient pas parmi les petites entreprises. La majorité appartenait à de vastes firmes employant plus de 100 travailleurs. Ces firmes ont non seulement récupéré des effets de la Grande Récession [2007-2010], mais 75% d’entre elles indiquent des chiffres d’affaires supérieurs à ceux d’avant la récession.

Contrairement aux affirmations selon lesquelles une augmentation du salaire minimum  obligera les entreprises à licencier des travailleurs, la plupart des firmes peuvent se permettre de payer des salaires plus élevés et continuer à réaliser des profits. Lorsque des Etats ont augmenté le salaire minimum au-dessus du standard national, ces derniers ont enregistré une diminution du chômage, une augmentation des dépenses de consommation ainsi qu’une situation économique plus solide [3].

La plupart des emplois mal payés sont, en outre, concentré dans un petit nombre d’entreprises. Au sommet figurent Wal-Mart, McDonald’s et Yum! Brand – cette dernière compagnie réunit Pizza Hut, Taco Bell et KFC [Kentucky Fried Chicken]. La restauration compte pour 60% de tous les jobs à bas salaires, payant les travailleurs moins de 10 dollars. Chez McDonald’s, même les «managers» moyens ressortent de jobs à bas salaires [4].

L’augmentation du salaire minimum ne concernera qu’un petit nombre d’industries, parmi lesquelles des méga-entreprises réalisent des profits records.

L’affirmation selon laquelle une entreprise comme McDonald’s ne peut se permettre de payer des salaires au-dessus du minimum est une chose absolument insultante lorsque l’on compare le salaire de son CEO avec l’un des membres d’une équipe travaillant dans l’un des fast-foods.

Au cours de l’été j’ai travaillé chez McDonald’s à New York. J’ai pu y faire un petit calcul. James Skinner, l’ancien CEO [PDG] de McDonald’s, a obtenu en 2011 un salaire de 8,75 millions de dollars avec compensation [8,09 millions de CHF – 6,5 millions d’euros], selon des données compilées par Bloomberg [5]. Les équipes de travailleurs reçoivent un salaire horaire de 7,25 dollars, soit environ 15’000 dollars par année – à condition qu’ils conservent leur emploi tout au long de l’année.

Prenons le total du salaire de Skinner pour 2011. Considérons qu’il travaille 40 heures par semaines. Cela suppose donc que son salaire horaire s’élève à 4’200 dollars. En d’autres termes, le CEO réalise un salaire 580 fois plus élevé qu’un «travailleur moyen» de McDonald’s. 33’600 dollars par jour, ce qui représente le double du salaire pour toute une année d’un travailleur de McDonald’s. Si l’on observe ces chiffres sous un autre angle, on constate qu’un «travailleur moyen» devra travailler près de 600 ans pour obtenir un salaire équivalent à celui de Skinner pour 2011. En une année Skinner reçoit plus que ce que je pourrai recevoir en plus de six vies, en étant optimiste.

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 mcd-5-nov-08-003Un autre mythe au sujet des jobs à bas salaires est que ceux-ci seraient «offerts» principalement à des adolescent·e·s. L’image du «McJob» dans les représentations populaires est souvent celle d’un blanc, jeune homme travaillent dans un restaurant fast-food avant d’obtenir un travail «réel».

Bien que des entreprises telles que McDonald’s emploient de nombreux jeunes et personnes âgés [qui doivent travailler pour survivre], la plupart des travailleurs à bas salaires sont, en fait, des adultes qui ont plus d’une personne à charge. Sur l’ensemble des travailleurs qui travaillent pour le salaire minimum ou à un salaire horaire proche de cette limite, 76% sont des adultes de 20 ans et plus [6].

La majorité des travailleurs à bas salaires sont, en outre,… des travailleuses. Selon le National Women’s Law Center, sur chaque 100 personnes travaillant à temps plein pour des bas salaires, 64 sont des femmes [7]. Sur ce nombre, une part disproportionnée est constituée de femmes de couleur.

Les femmes Afro-américaines et Latinas composent 12% du nombre total des femmes travaillant [officiellement] en 2011. Les Afro-américaines occupent pourtant le 15% des emplois féminins à bas salaires, alors que leurs collègues Latinas atteignent le 16% de ces emplois [8]. Des études indiquent également que les personnes de couleur, déjà surreprésentées dans les emplois à bas salaire de la restauration, sont payés significativement moins que leurs collègues blancs.

Une augmentation du salaire minimum ne bénéficiera pas seulement à quelques adolescents. Ce combat à un effet direct sur 35 millions de personnes dont les salaires sont «misérables» [9]. Si les travailleurs occupant des emplois à bas salaires luttent pour une augmentation du salaire minimum, tous les travailleurs et travailleuses en bénéficieront.

Les employés de la restauration, par exemple, occupent parmi les jobs les plus marginalisés et les plus exploités de l’ensemble de la force de travail. L’obtention de droits du travail dans ces secteurs serait une victoire qui pourra avoir un impact positif dans tous les secteurs économiques, d’un point de vue élémentaire.

Pour que cette lutte soit victorieuse, il s’agira de prendre en compte les questions du racisme et du sexisme sur la place de travail, lesquels sont utilisés afin de justifier de telles conditions de travail d’exploitation. La lutte contre ces formes d’oppression est indissociable du combat pour une augmentation du salaire minimum.

Ce n’est pas comme si McDonald’s n’était pas conscient des salaires injustes qu’il paie ou des conditions de travail intolérables qu’il impose. La raison pour laquelle ces entreprises ne paient pas des salaires plus élevés tient dans le fait que le succès de business dépend de l’exploitation des travailleurs et travailleuses. McDonald’s œuvre avec pugnacité afin de maintenir ses intérêts en faisant pression sur le gouvernement ainsi qu’en maintenant les travailleurs rivés à des emplois instables et marginalisés.

Ronald Beavers, alors vice-président de McDonald’s, déclarait en 1995: «Ils [les équipes de travailleurs] n’ont pas de droits du travail garantit. Ils n’ont pas de garantie de l’emploi, ni de conditions d’emploi garanties.» Le fondateur de McDonald’s, Ray Kroc, était clair au sujet de ce que fait son entreprise lorsqu’il disait: «Nous leur vendons un rêve et les payons aussi peu que possible.»

Les profits de McDonald’s sont un produit direct de l’emploi à bas salaire et donc d’une exploitation très dure. Nous ne devons donc pas attendre que McDonald’s modifie sa politique parce que ce jour n’arrivera jamais. Les militants doivent poursuivre l’organisation de la lutte pour l’augmentation du salaire minimum, laquelle a gagné en force au cours des dernières années. Cette lutte peut avoir un impact significatif sur le mouvement des travailleurs et travailleuses ainsi que sur les vies de millions d’entre eux/elles. (Traduction A l’Encontre)   

Cet article a été publié le 22 janvier sur le site SocialistWorker.

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[1] http://www.raisetheminimumwage.com/facts/entry/nearly-64-in-100/

[2] http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324660404578197712511565672.html

[3] http://www.huffingtonpost.com/2013/01/02/san-francisco-minimum-wage_n_2397920.html

[4] http://www.epi.org/page/-/pdf/bp251.pdf

[5] http://www.bloomberg.com/news/2012-12-12/mcdonald-s-8-25-man-and-8-75-million-ceo-shows-pay-gap.html

[6] http://nelp.3cdn.net/02b725e73dc24e0644_0im6bkno9.pdf

[7] http://www.raisetheminimumwage.com/facts/entry/nearly-64-in-100/

[8] http://www.nwlc.org/resource/fair-pay-women-requires-increasing-minimum-wage-and-tipped-minimum-wage

[9] http://arc.org/downloads/food_justice_021611_F.pdf

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