Pourquoi le Chili a encore dit «non» au deuxième projet de nouvelle Constitution?

Par Noam Titelman

Ces derniers temps, le Chili, qui était considéré comme une exception étrange et ennuyeuse dans la politique latino-américaine, est devenu le centre de l’attention en raison de l’intensité de ses joutes électorales. Celles-ci ont confirmé une mobilisation sociale résolument anti-politique. Le résultat du dernier référendum constitutionnel du 17 décembre confirme cette situation. Lors de cette consultation, où, pour la deuxième fois en moins de deux ans, l’électorat chilien devait choisir entre le «oui» et le «non» à propos du projet de Constitution, 55,7% ont voté contre et 44,2% ont voté pour.

Il n’existe pas d’exemple de ce type où un processus constitutionnel se termine par deux consultations populaires avec des résultats défavorables. A bien des égards, ce qui s’est passé au Chili est exceptionnel, mais, en même temps, cela semble fournir des indications sur l’approfondissement d’une tendance politique régionale. Deux moments (et deux images) permettent de résumer ce processus.

Moment 1. En mars 2021, date désormais lointaine, le pays était plongé dans la campagne électorale pour élire ses représentants à la Convention constitutionnelle (assemblée constituante), l’organe chargé de rédiger une proposition de nouvelle Magna Carta pour remplacer celle rédigée en 1980 et partiellement réformée au cours de la transition démocratique [1988-1994]. Comme le prévoit la loi chilienne, les différentes forces politiques ont eu le droit de diffuser leurs programmes dans un temps de télévision gratuit: la «franja electoral» («tranche électorale»). Parmi les nombreux candidats et spots télévisés, l’un d’entre eux a incontestablement retenu l’attention. Il s’agissait d’un message sur fond noir dans lequel des célébrités et des acteurs et actrices bien connus appelaient les gens à voter pour une liste de candidats indépendants: la «liste du peuple». Le message était on ne peut plus clair:

«Pas de multinationales, pas de tripatouillages, pas de mensonges, pas de tricheries, pas de partis politiques […] pour sauver la nouvelle Constitution des mêmes de toujours. Les partis qui ont confisqué la politique […] ont confisqué notre bonheur. Vous avez l’impression que personne ne vous représente et qu’ils sont tous des vendus? Rejoignez-nous ce 11 avril pour voter pour La Lista del Pueblo.»

Lors des élections [15-16 mai 2021], cette liste a obtenu un résultat spectaculaire [16,24%] qui allait marquer le premier processus constituant. Un processus avec un grand dynamisme des forces indépendantes de la gauche qui finira par produire un projet de Constitution avant-gardiste dans plusieurs aspects cruciaux pour le progressisme. Mais la proposition finira par être massivement rejetée lors d’un référendum un peu plus d’un an plus tard [4 septembre 2022], avec seulement 38% de votes favorables (le passage du vote facultatif au vote obligatoire semble avoir accentué le résultat négatif).

Moment 2. En décembre 2023, le Chili est à nouveau engagé dans un processus de votations. Cette fois, le vote porte sur un projet de Constitution élaboré par un nouvel organe, élu après l’échec de la Convention constitutionnelle initiale. Dans ce second processus constitutionnel, un organe [Conseil constitutionnel élu en mai 2023] à nette majorité de droite et d’extrême droite [Parti républicain] avait rédigé un texte qui était l’exact opposé de la proposition de 2022. Un texte maximaliste et contenant plusieurs éléments programmatiques clés pour la droite, tels que la constitutionnalisation des exemptions fiscales, le rôle prédominant du marché dans la fourniture de biens et de services publics, et une conception conservatrice de la patrie et du patriotisme, parmi beaucoup d’autres.

A la différence du texte précédemment rejeté, dont les promoteurs étaient persuadés de son approbation jusqu’au dernier moment, la nouvelle proposition conservatrice a été massivement rejetée dans tous les sondages. Face à cette réalité et craignant de subir le même sort que le premier projet de Constitution, le courant de droite a abandonné une première stratégie de communication axée sur la défense du texte. Dans ce contexte, dans le spot le plus marquant de la campagne, est apparu le message suivant, porté par la voix de citoyens chiliens, au milieu des drapeaux nationaux et des images du pays en feu:

«Ceux qui ont brûlé tout un pays [référence à la mobilisation sociale d’envergure d’octobre 2019] pour avoir une nouvelle Constitution veulent maintenant laisser celle qui existe [introduite en 1980]. Ils veulent que tout reste en l’état […] Ceux qui se sont rendus célèbres en exigeant une éducation de qualité pour tous sont aujourd’hui au pouvoir. Et qu’ont-ils fait? Ceux qui croyaient que le Chili allait être guéri par des incendies dans les rues veulent maintenant continuer avec la Constitution actuelle […] Je vais voter pour [le projet de Constitution]. Et qu’ils aillent se faire voir (Y que se jodan).»

Ce message se drape dans une esthétique de droite, mais présente des similitudes indéniables avec celui de la Liste du Peuple: l’unité du peuple contre une politique qui défend le statu quo. Le «que se jodan» est apparu comme faisant écho au message de la Liste du Peuple contre les «mêmes de toujours» qui ne veulent rien changer. Après ce spot, cette formule a continué à être utilisée par la droite. Deux campagnes menées de part et d’autre de l’échiquier politique mais unies par le même objectif, celui de chasser «les politiciens».

Le deuxième processus constituant

Le débat portant sur le deuxième processus constitutionnel a été marqué par plusieurs éléments qui expliquent son résultat. L’échec du processus précédent a impliqué un effort conscient et soutenu pour s’assurer que cette fois-ci serait «différente». Mais cette deuxième tentative n’a jamais suscité d’intérêt significatif de la part des citoyens et citoyennes. Selon les sondages d’opinion, ils sont restés largement indifférents et sceptiques. Enfin, on a assisté à une présidentialisation croissante du nouveau processus constitutionnel, la précandidature de José Antonio Kast, le candidat de l’extrême droite, étant de plus en plus fortement associée au nouveau projet constitutionnel. Et le vote en sa faveur est apparu dès lors comme un plébiscite contre le gouvernement de Gabriel Boric.

Il est donc possible de diviser le second processus en trois étapes: la lune de miel consensuelle, la «Kastitución» et le «Que se jodan».

Lorsque le premier projet de nouvelle Constitution a été rejeté, l’une des interprétations répétées a été que la Convention constitutionnelle avait échoué parce qu’elle était allée à l’extrême (gauche). Par conséquent, pour que le nouveau processus soit couronné de succès, il était nécessaire de garantir des niveaux d’accord plus élevés. Le message du centre-droit allait dans ce sens. Les slogans de sa campagne contre la première proposition constitutionnelle étaient en faveur d’«une [Constitution] qui nous unit» et d’«une [Constitution] avec amour», en référence au mandat d’unir les différentes visions du Chili et de ne pas rester les défenseurs du texte de 1980. En d’autres termes, la campagne s’est concentrée sur la critique du premier processus constitutionnel, accusé d’avoir été trop à gauche et d’avoir laissé de côté de vastes secteurs de la société.

Dans cette optique, selon un sondage de Proyecto Ipsos – Espacio Publico [publié le 26 août 2022], 77% des Chiliens ont déclaré préférer des compromis, quitte à céder sur certains points; tandis que 61% ont estimé que ce n’était pas ce qui s’était passé [dans la Constituante]. En effet, selon l’enquête du Cadem, le rejet du premier texte était majoritaire parmi ceux qui s’identifiaient à la droite, au centre et parmi ceux qui ne s’identifiaient pas à l’axe gauche-droite. De même, vers la fin du premier processus, la demande déjà élevée d’experts pour rédiger le texte constitutionnel est passée de 63% à 80%.

Cette conviction a conduit à la création d’une Commission d’experts, nommée par le Congrès, qui reflétait la diversité idéologique des forces politiques chiliennes. Ces experts étaient chargés de rédiger un «avant-projet» qui servirait de base au débat que les représentants élus [qui le seront le 7 mai 2023] auraient à mener ultérieurement pour rédiger la nouvelle Constitution. Le meilleur exemple de la force de cette «lune de miel» consensuelle est peut-être le fait que la Commission d’experts a réussi à approuver le projet à l’unanimité, avec le vote de la droite la plus radicale et du Parti communiste. Ce résultat surprenant contraste avec la difficulté qu’a eue la politique chilienne à se mettre d’accord sur presque toutes les réformes importantes (telles que la santé et les retraites), ce qui a paralysé les débats au cours de la dernière décennie.

Cependant, les espoirs de convergence se sont heurtés à un mur lors de l’élection des membres du nouveau Conseil constitutionnel, qui ont pris le projet des experts comme une contribution non contraignante. Le résultat des élections du 7 mai 2023 a porté un coup au nouvel optimisme des forces modérées. Le centre-droit a obtenu des résultats bien inférieurs à ses attentes et le centre-gauche n’a pas réussi à élire un seul représentant. Cette dernière défaite a été particulièrement douloureuse, car la liste des candidats était remplie d’éminents personnages historiques de la politique chilienne pendant la transition, avec un grand nombre d’anciens ministres et parlementaires. Il ne fait aucun doute que les grands gagnants de cette élection de mai 2023 ont été les candidats d’extrême droite du relativement nouveau Parti républicain de Kast [créé en juin 2019]. Ainsi, ni la modération ni l’expérience n’ont gagné.

Le poids de la droite – traditionnelle et radicale – signifiait que la nouvelle Constitution pouvait être approuvée sans une seule voix du centre, du centre-gauche ou de la gauche. De plus, l’extrême droite avait obtenu un droit de veto sur tous les articles à discuter. La même droite qui s’opposait à l’idée d’une nouvelle Constitution – puisqu’elle défendait la Constitution de 1980 – s’est soudain retrouvée aux commandes de la rédaction du nouveau texte.

A partir de ce moment-là, le changement de ton du débat constitutionnel a été très perceptible. Lors de l’installation du nouveau Conseil constitutionnel, sa présidente, la conseillère du Parti républicain Beatriz Hevia, a répété avec insistance l’importance de l’unité et des accords. Mais dans le discours de clôture de cette même entité, lors de la remise du document soumis à référendum, la phrase maîtresse du discours final de cette même conseillère était qu’il s’agirait d’une Constitution pour les «vrais Chiliens». Entre-temps, la lune de miel consensuelle avait été rompue et, à sa place, la nouvelle Constitution portait la marque indélébile du Parti républicain et, surtout, de son pré-candidat à la présidence, José Antonio Kast. Si, lors du premier processus, le sort d’«Apruebo» semblait parfois lié au soutien apporté au président Gabriel Boric, lors du second, le soutien au nouveau texte a évolué parallèlement à l’appui apporté à Kast, qui a réussi à rallier derrière lui (et la proposition constitutionnelle) l’ensemble du centre-droit et à étouffer les quelques voix de résistance qui subsistaient.

Toutefois, les sondages montraient constamment un rejet majoritaire du second texte constitutionnel. Au fur et à mesure que les forces politiques passaient du «pour» au «contre», il devenait de plus en plus évident que le fait d’associer l’une de ces positions à une force politique constituait davantage un handicap qu’un soutien. Conscientes de cet état de fait, les forces de centre-gauche ont mis l’accent sur le lien entre le texte constitutionnel et Kast. L’idée qu’il s’agissait d’une «Kastitución» et d’un plébiscite pour la candidature présidentielle de Kast s’est avérée être un obstacle de taille pour la campagne pro-Kast. La «Kastitución» n’a pas convaincu.

Face aux prévisions négatives des sondages, la campagne du «pour» a misé sur un nouveau changement de stratégie discursive. Il s’est reflété dans ses tranches télévisées. Tentant de détourner l’attention de la future candidature de Kast, la campagne du «oui» a essayé de capitaliser sur le sentiment anti-politique de l’opinion publique en associant ceux qui étaient contre au gouvernement [de Gabriel Boric] et, en général, à la politique. Non sans controverse interne, le centre-droit est passé de l’appel à une «Constitution avec amour» au «qu’ils aillent se faire foutre» de la dernière ligne droite de la campagne, avec des intentions clairement polarisantes.

Le changement du narratif semblait avoir porté ses fruits. En général, les sondages tendaient à montrer qu’à mesure que les partisans du «oui» s’éloignaient de la discussion sur le contenu du projet constitutionnel et le présentaient comme un rejet du gouvernement et de la politique, l’opinion favorable au nouveau projet augmentait. Par exemple, après ce changement de narratif, le sondage Cadem a montré une hausse du «oui» qui, après avoir stagné à hauteur de 40%, a passé à 46% le 7 décembre (qui était le dernier sondage disponible avant le référendum). En outre, quelques jours avant le référendum, une succession d’événements marquants – notamment l’arrestation de deux fonctionnaires du gouvernement pour corruption (l’affaire du transfert d’argent à la fondation Democracia Viva) et l’arrestation d’un gracié de 2019 accusé d’enlèvement – a renforcé l’atmosphère de protestation antigouvernementale. On ne saura jamais combien de voix ont été mobilisées grâce à ces péripéties de dernière minute, mais ce qui est indéniable, c’est que le contexte précédant immédiatement le plébiscite n’aurait pas pu être plus favorable à la stratégie du «qu’ils aillent se faire voir» («que se jodan»).

Que veulent donc les Chiliens?

Au-delà de ce qui figure sur le bulletin de vote, les référendums soulèvent toujours plusieurs questions à la fois. C’est particulièrement vrai dans le cas d’un vote dont l’enjeu est un texte juridique complexe et vaste tel qu’une Constitution. Il n’est donc pas surprenant que des facteurs contextuels au-delà du débat constitutionnel aient joué un rôle important lors du premier et du second rejet.

Il existe deux schémas d’interprétation qui ont défini la politique chilienne au cours de la dernière décennie et qui nous permettent de comprendre les récents résultats électoraux. Tout d’abord, un conflit traditionnel que l’on pourrait qualifier d’intra-politique. En d’autres termes, la première proposition constitutionnelle était perçue comme étant de gauche, tandis que la seconde était perçue comme étant de droite. Conformément à cette interprétation, les sondages ont montré un soutien très majoritaire à la première proposition parmi ceux qui s’identifient à la gauche, mais pas dans tous les autres secteurs idéologiques de la société, et la deuxième proposition constitutionnelle a reçu une nette majorité de soutien parmi ceux qui s’identifient à la droite.

Le problème de ce schéma interprétatif est qu’il peut être insuffisant. Cela est d’autant plus vrai que la population chilienne abandonne progressivement les catégories idéologiques traditionnelles de la politique. Selon les données du Centro de Estudios Públicos, le pourcentage de personnes s’identifiant à un parti est passé de 53% de la population en 2006 à 19% en 2019. De même, le pourcentage de citoyens et citoyennes s’identifiant à certaines positions sur l’axe gauche-droite est passé de 88% dans les années 1990 à seulement 38% en 2019. En d’autres termes, au-delà des préférences de ceux qui s’identifient à la gauche ou à la droite, la grande majorité des Chiliens ne s’identifient ni à l’une ni à l’autre, et c’est un horizon anti ou extra-politique qui les mobilise. Cette situation a été exacerbée par le fait que le premier référendum constitutionnel a coïncidé avec la mise en œuvre du vote obligatoire au Chili, qui a amené entre quatre et cinq millions de nouveaux électeurs et électrices, dont le niveau de relation historique avec la politique était faible.

Ainsi, l’étude du Centro Estudio de Conflicto y Cohesión Social (COES) montre un nouvel ensemble d’électeurs et électrices encore moins identifiés à l’axe gauche-droite, avec une vision plus anti-élitiste et des positions plutôt traditionalistes ou conservatrices lorsqu’il s’agit de ce que l’on appelle les «questions sociales». En outre, l’enquête de l’UDD (Universidad del Desarrollo) démontre que ces nouveaux électeurs ont tendance à être plus religieux et à accorder plus d’importance à leur religion. Sur des questions telles que l’ordre public et la sécurité, le droit à l’avortement et la diversité sexuelle, ces électeurs affichent des positions typiquement associées au conservatisme chilien, mais encadrées par un fort anti-élitisme et une très faible identification aux espaces de médiation politique. Ces nouveaux électeurs, selon une étude récente (Journal of Politics in Latin America, 13 novembre 2023) de David Altman et al., ont massivement penché vers le rejet lors du premier processus. En d’autres termes, en ce qui concerne le schéma interprétatif qui mobilise ces nouveaux électeurs, il a été possible d’expliquer leur vote à la fois en termes de sentiment anti-politique et de préférences idéologiques plus traditionalistes.

La victoire du camp «contre» [en décembre] a définitivement enterré l’idée que ce n’est qu’en faisant appel à leurs positions traditionalistes que la droite aurait pu gagner ces électeurs alors qu’elle ne rendait pas compte que leur sentiment anti-politique les visait autant que les représentants gauche. En d’autres termes, lors de ces votations, les électeurs chiliens semblent avoir dit «oui, qu’ils aillent se faire voir», mais ils ont ajouté «qu’ils aillent tous se faire voir». Ni la droite ni la gauche ne semblent capables ce capter ce sentiment anti-politique.

Et maintenant, que se passe-t-il? Le parallèle avec «Que se vayan todos» (Qu’ils s’en aillent tous)

Le résultat du référendum marquera les prochaines étapes électorales vers l’élection présidentielle de 2025. D’une part, le centre-droit avait complètement capitulé face à José Antonio Kast. Après ce référendum, le malaise des secteurs libéraux et institutionnalistes augmentera et entraînera probablement quelques tentatives de rébellion.

Dans les partis de droite, la défaite du projet constitutionnel a jeté le trouble dans la maison et a permis l’émergence de leaderships plus modérés; en particulier, la figure de la maire [depuis 2016 de Providencia, commune aisée dans la conurbation de Santiago] Evelyn Matthei. Elle a maintenu une position beaucoup plus tiède de soutien à la proposition constitutionnelle – presque sans faire campagne – et s’est consolidée en tant qu’alternative modérée à Kast.

En outre, le parti au pouvoir et la gauche s’affrontent à un contexte qui rend très difficile la mise en œuvre de leur programme. Bien que le résultat ait mis un terme au retour de l’extrême droite, il consolide également l’humeur anti-politique. La pire chose que ces gauches pourraient faire est d’interpréter cela comme un soutien à leurs idées, comme l’a fait la droite suite à l’obtention d’une majorité au Conseil constitutionnel. En fin de compte, le «contre» de la gauche était une position très inconfortable, puisqu’en triomphant le «non» laisse en place la «Constitution de Pinochet» qui, bien que maintes fois réformée, a été l’une des cibles des manifestations de 2019.

Le débat constitutionnel était-il condamné à se terminer ainsi, ou aurait-il pu faire l’objet d’une trêve entre les élites et le soutien populaire? Un indice pour répondre à cette question réside dans le fait qu’une fois la discussion constitutionnelle terminée, les acteurs les mieux évalués dans les sondages ont été les experts qui ont joué un rôle au début [en élaborant un projet de Constitution transféré au Conseil constitutionnel] et sont parvenus à un accord transversal. L’antipolitique a aussi sa version «experte» ou technique. Le sentiment anti-politique n’est pas le même que le sentiment anti-élite. Beaucoup se demandent aujourd’hui s’il était possible de maintenir la lune de miel consensuelle qui a marqué le début du processus.

Quoi qu’il en soit, la voie constitutionnelle pour répondre au malaise social se termine dans une impasse apparente. En d’autres termes, le malaise est toujours là, mais la «bombe» constitutionnelle a fini par s’éteindre sans atteindre le résultat escompté après le soulèvement de 2019. Au lieu de parvenir à une stabilité fondée sur un nouveau pacte social inclusif, les prochaines élections risquent d’aggraver encore la dégradation de la politique nationale. Le Chili s’approche peut-être d’un moment similaire au «Que se vayan todos» de l’Argentine. Après tout, le «qu’ils aillent se faire voir» n’est pas très différent de «Que se vayan todos» [en Argentine avec Javier Milei]. (Article publié dans la revue Nueva Sociedad de décembre 2023; traduction rédaction A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Répondre à Patricio Paris Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*