Par Gerardo Iglesias
Il y a des faits qui valent des flots de mots, des milliers d’images ou une infinité de bytes. Qui révèlent le véritable visage d’une personne ou d’un groupe social.
Il y a à peine deux semaines, dans l’Etat du Pará [Etat du nord, centré autour du bassin de l’Amazone], l’autorité locale de l’Institut National pour la Colonisation et la Réforme Agraire (INCRA) a octroyé une terre à ceux qui, en mai 2012, ont commandité l’assassinat de José Cláudio Ribeiro et de Maria do Espírito Santo, un couple de militants en faveur de la terre et de l’écologie. José Rodrigues Moreira, le principal inculpé, accusé d’avoir ordonné la mort de ces deux piliers de la résistance contre l’avancée des entreprises du bois dans la forêt amazonienne, était inscrit à l’INCRA comme prétendant à une propriété, de même que son épouse, Antonia Nery de Souza, ce qui constitue une société de fait.
Le 14 décembre 2012, le superintendant local de l’INCRA, Edson Luis Bonetti, a signé une résolution octroyant à Antonia Nery le lotissement même sur lequel son mari a envoyé un homme de main tuer José Cláudio et Maria. Il ne s’agit pas d’une «erreur liée à une inattention» ou d’une «action fortuite», mais d’une cruelle confirmation: des consortiums d’industriels du bois et des latifundistes continuent à disposer de la vie, de la nature et même de la mémoire des personnes dans les «territoires libérés de la loi fédérale» [de l’Etat fédéral brésilien]. Non seulement ces gens prétendent incarner la loi et l’ordre contre ceux qui leur opposent résistance, mais ils restent également impunis et remplissent de crainte ceux qui voudraient leur opposer résistance.
Contacté par la Rel [réseau d’information UITA] Francisco de Assis da Costa, secrétaire à la Fédération des Travailleurs en Agriculture (FETAGRI) de l’Etat du Pará, a expliqué: «Il ne s’agit pas d’un fait isolé ni nouveau, mais d’un exemple de plus d’une politique systématique de protection et même, dans le cas présent, de favoritisme envers quelqu’un qui a ordonné l’assassinat de deux paysans sans défense. C’est pour ces gens une récompense, et cela constitue un message adressé à toute la société du sud-est de l’Etat du Pará à qui ils proclament qu’ils font ce qu’ils veulent, quand ils le veulent.»
Selon da Costa, il y a déjà un certain temps que la FETAGRI avait officiellement mis en garde autant les autorités locales et fédérales de l’INCRA que le Ministère Public contre le fait que cette femme, épouse du commanditaire des assassinats, continuait aujourd’hui à figurer sur la liste des prétendants à une propriété. Da Costa a ajouté: «C’est pour cette raison que nous sommes surpris. Nous pensions que le degré élevé d’exposition de ce cas ferait reculer les consortiums. Mais nous nous sommes trompés. La réalité a été au-delà de la fiction la plus absurde.»
La réaction de la FETAGRI, de la Commission Pastorale de la Terre (CPT) et de nombreuses autres organisations sociales ne s’est pas fait attendre et l’information a acquis rapidement une répercussion nationale. Il y a à peine quelques jours, trois mois après l’adjudication du lotissement, l’INCRA a décidé de prendre l’initiative dans cette affaire. Elle a destitué Edson Luis Bonetti, le superintendant de l’organisme dans la région. Francisco da Costa, de son côté, a estimé: «Il n’est pas suffisant de destituer un fonctionnaire corrompu. Il s’agit d’une politique délibérée visant à favoriser les consortiums d’industriels du bois et les latifundistes. Jusqu’à ce que cette politique soit modifiée en profondeur et qu’une réforme agraire intégrale se mette en place, ces choses continueront à se produire. Pour notre part, nous continuerons à dénoncer et à lutter. Nous avons maintenant, par exemple, rendu public le fait que plusieurs familles vivaient depuis des années sur le lotissement qui a été adjugé au commanditaire des assassinats. La Police s’est alors présentée auprès d’eux et leur a ordonné d’abandonner rapidement leurs terres, alors que l’on sait que l’adjudication n’est pas légitime». De plus, Francisco da Costa a signalé le fait que des paysans, qui occupaient des terres dans différentes parties de terre de la zone et ne faisaient rien de plus mal que de réclamer de la terre pour y vivre et y produire, étaient l’objet permanent de menaces, d’insultes et de provocations de la part de grandes propriétaires et de policiers.
L’ultime ironie de cet épisode est que maintenant le Ministère Public doit chercher la voie légale adéquate pour annuler l’adjudication qui a été établie de manière réglementaire. Le Ministère public annonce donc déjà que «les choses ne seront pas simples». (Real-UITA, 24 mars 2013, traduction A l’Encontre)
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