Brésil. Le 15 mars: battre la contre-réforme du système des retraites pour abattre Temer

Avenida Paulista: 15 mars 2017

Par Fernando Silva

Ce 15 mars 2017 se sont développées des manifestations réunissant des centaines de milliers de personnes dans 19 capitales de la République fédérative du Brésil et dans des centaines de villes, des grèves partielles dans au moins 28 branches, avec un centre de gravité dans le secteur de l’éducation et dans diverses branches des transports publics. Elles se sont déroulées aussi bien dans le secteur public que dans le privé, parmi les employé·e·s des ministères et de la direction de l’INSS (Institut national de la sécurité sociale) et dans d’autres institutions. A cela s’est ajouté le blocage des routes. Cette journée de lutte – marquée par d’authentiques combats, des manifestations et des grèves nationales – a fait la démonstration de la centralité de l’opposition à la contre-réforme du système des retraites comme de la capacité de mobilisation. Une question qui occupe l’agenda de tous les acteurs sociaux incluant les exploité·e·s et des opprimé·e·s.

De même ont eu lieu des manifestations d’importance rejetant le gouvernement de Michel Temer, issu du coup d’Etat institutionnel. Ce n’est pas un hasard si l’un des principaux slogans de lutte des manifestations de la journée du 8 mars – présents à nouveau le 15 mars – était: «Le droit à la retraite doit rester! Temer doit partir». Même les caméras de la chaîne de TV Globo, dans sa couverture prudente du 15 mars, a réussi à cacher les banderoles et les affiches populaires, jouxtant les journalistes, portant le mot d’ordre: «Dehors Temer!»

Indiscutablement, le 15 mars, peut ouvrir une nouvelle perspective quant à la résistance sociale face aux contre-réformes ultra-libérales dans la mesure où s’affirment une continuité et une capacité de maintenir l’unité d’action dans le but de stimuler de nouvelles mobilisations et initiatives, en particulier afin de freiner ladite réforme des retraites.

Cet élan de résistance sociale est encouragé par le contexte d’aggravation de la crise politique et institutionnelle au sommet de la République, la multiplicité des affaires de corruption qui atteignent le gouvernement de Michel Temer, les dirigeants des deux chambres du Congrès, des figures de proue du PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) et, à nouveau, du Parti des travailleurs (PT).

A cela s’ajoutent le discrédit, la déconsidération du gouvernement Temer, l’aggravation de la crise économique et sociale. Nous disposons donc d’une conjoncture où s’ouvre une énorme brèche avec la possibilité réelle d’empêcher la contre-réforme du système des retraites. Ce ne serait pas n’importe quelle victoire, car elle pourrait politiquement liquider le gouvernement Temer et son utilité pour la bourgeoisie. Cela pourrait être la voie la plus concrète pour concrétiser le «Dehors Temer», car les deux questions sont ici étroitement liées.

Malgré l’ampleur de l’attaque gouvernementale telle que, par exemple, la place qu’y occupe la «réforme» du Code du travail en réponse aux besoins du grand capital ou encore la force du «Dehors Temer» qui s’exprime dans toutes les manifestations – comme ce fut le cas lors du carnaval cette année –, l’étendard qui rallie le plus de forces sociales et doit jouer le rôle central dans la mobilisation populaire est celui qui capte l’opposition à la contre-réforme du système des retraites. Cette lutte de masse concerne tous et toutes car la «réforme» mettra fin au droit à la retraite dans une proportion qui n’a pas de similitudes avec tout ce qui se passe dans le continent. Il est donc très facile de l’expliquer et d’être compris par le peuple. En outre, le 15 mars, a été confirmé qu’il existe une large compréhension du sujet.

En ce qui concerne les manifestations, quelques commentaires sur la présence controversée de Lula [ex-président] sur l’Avenida Paulista (la principale artère de São Paulo]. Bien que nous soyons dans un moment d’unité d’action la plus large – ce qui implique de ne pas opposer son veto à la présence de toute personne, que ce soit dans un front uni des syndicats, des mouvements sociaux ou des partis d’opposition au gouvernement Temer et à ses réformes – il devrait être clair pour toute la population que ce mouvement ne doit pas être un tremplin pour la candidature de Lula en 2018 [les prochaines élections auront lieu en octobre 2018].

Parmi les raisons que l’on peut invoquer: quand il était président, son premier projet fut la contre-réforme de la sécurité sociale dans le secteur public. Mais surtout parce que le modèle de la conciliation de classe et l’entretien des privilèges en faveur des banquiers et des agro-entrepreneurs (agrobusiness), au cours du cycle des gouvernements petistes [de 2003 à 2011, Lula; de janvier 2011 au 31 août 2016, Dilma] a aidé à ouvrir les portes à la défaite que le mouvement social a subie lors du coup d’Etat parlementaire.

La lutte contre la «réforme» des retraites unifie l’ensemble du mouvement et à gauche; ce n’est pas le cas pour Lula. Les mouvements de gauche et sociaux font face à deux défis majeurs. Le premier est pratique: gagner contre Temer, son gouvernement et ses réformes; le second se situe sur un axe plus stratégique: matérialiser un projet, un programme pour le Brésil qui dépasse également le cycle d’un modèle de conciliation de classe qui vient de prendre fin.

Revenant sur les défis immédiats, il est nécessaire, actuellement, qu’une nouvelle journée de mobilisation se construise en combinant les manifestations de rue, de nouvelles grèves et toutes sortes d’initiatives (plébiscite, pétitions, etc.) et, de la sorte, aider à rassembler et à impliquer l’écrasante majorité de la population dans toutes les actions qui auront pour centre de gravité de mettre en échec la contre-réforme du système des retraites. Il faut tirer parti de la brèche ouverte le 15 mars et de la dynamique qui s’y est exprimée. (Article publié dans Correio da Cidadania en date du 17 mars 2017; traduction A l’Encontre)

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Fernando Silva est journaliste, membre des contributeurs au Correio da Cidadania, et membre de la direction nationale du PSOL (Parti du socialisme et de la liberté).

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