Brésil. Résister et construire une alternative

Fernando Haddad fait le bilan, après la défaite, avec Lula…

Par Virginia de la Siega

Dès le lendemain de son élection, Jair Bolsonaro a violemment attaqué le PT (Parti des travailleurs), le PSOL (Parti Socialisme et Liberté, gauche radicale) et les deux grands mouvements sociaux du pays, le MST (Mouvement des sans-terre) et le MTST (Mouvement des travailleurs sans-toit) sont taxés de «terrorisme». Les enseignants, accusés de propager une idéologie «communiste» et«antipatriotique», font eux aussi l’objet d’une offensive en règle. Le futur gouvernement comprendra une large brochette de militaires à la retraire et son ministre de la Justice sera Sergio Moro, le juge soi-disant «anti-corruption» qui a décidé sans aucune preuve de l’emprisonnement de Lula. Les perspectives ne sont pas plus roses au plan socio-économique [voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 4 novembre].

Le programme du président élu prévoit entre autres une vague de privatisations de grandes entreprises, une nouvelle contre-réforme des retraites, des coupes drastiques dans les programmes sociaux bénéficiant aux plus pauvres, et pour les salarié·e·s la pure et simple suppression du 13e mois.

Le mouvement ouvrier et social se prépare ainsi à de très lourdes attaques, antisociales et antidémocratiques. Le prochain gouvernement sera-t-il pour autant «fasciste»? Bolsonaro est une sorte de néofasciste et beaucoup de ses ministres le seront aussi. Mais sans un bouleversement des rapports des forces sociaux et politiques, il n’a pas les moyens d’imposer un régime fasciste. Rappelons qu’il n’a obtenu les voix que de 37 % des inscrits, que son parti qui reste peu nombreux et peu structuré ne dispose que de 52 députés fédéraux sur 513, ainsi que de très peu de gouverneurs, en outre localisés dans quelques Etats, pour l’essentiel de moindre importance. Surtout, la grande bourgeoisie ne veut pas aujourd’hui liquider les formes démocratiques-bourgeoises, parce qu’elle n’en a aucun besoin et que le risque ne vaut pas d’être couru. Ce à quoi il faut s’attendre est un redoublement des mesures autoritaires et répressives, peut-être assorties, lorsque de grandes luttes surgiront, à des débuts d’interventions de groupes fascistes et/ou paramilitaires.

Le mouvement ouvrier et de masse – partis, syndicats, mouvements sociaux – conserve cependant tous les moyens d’y faire face et y compris, si les moyens étaient réellement mis en œuvre, de défaire l’attaque et de passer à la contre-offensive. Pour cela, un front unique de toutes les organisations concernées, qui s’organise dans les quartiers, localités, entreprises, universités et écoles, pour agir dans la rue et par la grève, est indispensable. Que le régime ne soit pas fasciste dès demain ne signifie pas qu’un tel danger n’existe pas. N’oublions pas qu’en Italie, Mussolini était arrivé au pouvoir en 1922, mais le régime n’était devenu effectivement fasciste qu’en 1926, lorsque la grande bourgeoisie avait donné son blanc-seing face à l’aggravation de la crise et la persistance d’une certaine montée révolutionnaire consécutive à la révolution d’Octobre.

Naturellement, un tel front unique devra garantir la totale indépendance de la gauche révolutionnaire, plus que jamais confrontée à la nécessité pressante de construire une alternative politique de gauche au PT. Ce n’est pas tant la corruption, consubstantielle de tout le système politique brésilien et plus forte encore à droite, qui a mené ce parti à sa perte.

C’est d’abord sa politique, sur tous les terrains. Du néolibéralisme un peu social des gouvernements Lula (2003-2010) et du premier gouvernement (2011-2014) Dilma, le PT est passé à une politique directement austéritaire quand le pays a sombré dans la crise suite à l’effondrement du cours des matières premières. Lorsque la bourgeoisie a jugé que même l’austérité made in PT n’était pas suffisante, qu’il fallait reprendre toutes les concessions et tous les acquis des luttes ouvrières, et pour cela se débarrasser de Dilma, le PT a refusé de mobiliser dans la rue, en faisant aveuglément confiance à la Justice et aux institutions politiques bourgeoises.

Même chose deux ans plus tard face à l’emprisonnement de Lula. Tout comme en avril 2017, quand une grève générale contre la réforme des retraites avait bloqué le gouvernement Temer et ouvrait la possibilité d’une contre-offensive.

Les organisations révolutionnaires, dans et hors le PSOL, se trouvent ainsi devant de très lourdes responsabilités. Notre solidarité politique et militante ne doit pas leur faire défaut. (Source: hebdomadaire du NPA, L’Anticapitaliste)

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