Brésil. Face aux défis de 2017

Par André Freire

Nous sommes enfin arrivés à la fin 2016, cette année pleine de conflits politiques, avec quelques défaites importantes et des luttes de résistance menées par la classe travailleuse et par les jeunes.

Nous avons vu la fin des gouvernements de conciliation de classe du PT (Parti des travailleurs). Après avoir beaucoup déçu la majorité de ceux et celles qui avaient voté pour lui, le PT a été vidé du gouvernement à la suite non pas d’une action indépendante de la classe travailleuse, mais d’un manœuvre parlementaire de destitution [de Dilma Rousseff, en fin août 2016] par les partis bourgeois et la vieille droite. Partis soutenus par des manifestations des secteurs les plus mécontents des classes moyennes dirigés par des secteurs réactionnaires. Ce mouvement a installé au pouvoir un gouvernement illégitime, dirigé par Michel Temer et Henrique Meirelles [ministre des Finances de Temer ; il avait été nommé comme président de la Banque centrale par Lula en 2003]. Ce gouvernement est en train d’imposer des attaques très dures contre les droits du peuple travailleur.

L’approbation de la PEC 241 et 55 (Proposition d’amendement constitutionnel) qui gèle pour 20 ans les dépenses sociales ainsi que la contre-réforme de l’enseignement des études secondaires par décret provisoire démontre clairement les objectifs pervers de ce gouvernement. En outre, ces objectifs révèlent des contours encore plus graves avec les projets de réforme de la prévoyance sociale et des retraites: le premier a déjà été envoyé au Congrès, et le deuxième a été annoncé dans la grande presse.

Contre ce véritable paquet de coups tordus, les travailleurs, la jeunesse et l’ensemble des exploité·e·s et des opprim·é·es sont déjà en train d’organiser des luttes marquantes telles que des occupations des lycées et des universités, des grèves des fonctionnaires, des manifestations du mouvement populaire, entre autres. Ces actions ont fait partie du premier «round» de protestations. Elles sont fondamentales mais encore insuffisantes pour empêcher la mise en œuvre de ces attaques.

En 2017 nous allons vivre une véritable guerre. D’un côté, il y a les patrons, tous les gouvernements, le Congrès national et le pouvoir judiciaire qui vont chercher à approfondir leur offensive qui vise à faire porter tout le poids de la crise économique par la majorité de la population; de l’autre côté, il y a les masses laborieuses, des secteurs de la jeunesse et les opprimé·e·s qui tous luttent pour renverser les mesures insensées qui ne font qu’augmenter l’inégalité sociale – déjà terrible – dans notre pays.

Pour s’armer en vue des affrontements à venir, les activistes des mouvements sociaux combatifs et en particulier les organisations de la gauche socialiste, devront tirer les leçons des durs combats menés en 2016.

Le Mouvement pour une alternative indépendante et socialiste (MAIS – courant issu de PSTU) propose quelques tâches considérées comme primordiales pour l’année à venir. Ces propositions sont faites avec la modestie de ceux qui participent à la construction d’une petite organisation socialiste qui a fait ses premiers pas au cours du deuxième semestre de 2016.

Notre axe d’activité doit être le front unique pour la lutte

Face la gravité de la conjoncture et à l’étendue comme à la profondeur des attaques du gouvernement illégitime de Temer, nous ne pouvons hésiter: il est indispensable d’unir dans les luttes toutes les forces qui sont opposées à ces mesures brutalement réactionnaires; et cela indépendamment de qui dirige les organisations et les mouvements qui participeront à ces luttes.

Pour organiser des grèves, des mobilisations, de marches, des occupations, nous devons être disposés à unifier tous les mouvements, y compris ceux qui constituent la base de soutien des gouvernements du PT. Pour vaincre ces attaques terribles, nous devons sans cesse exiger publiquement des directions majoritaires telles que la CUT (Centrale unique des travailleurs), l’UNE (Union nationale des étudiants), le MST (Mouvement des sans-terre) et même le PT, qu’elles s’engagent dans les mobilisations et cela aux côtés des organisations de la gauche socialiste.

En ce début 2017 nous devons rapidement nous atteler à la réalisation d’un plébiscite national populaire sur les contre-réformes réactionnaires de Temer et à la convocation et la préparation à partir de la base d’une nouvelle journée nationale de lutte contre les projets frappant la prévoyance sociale et la loi sur le travail.

Une alternative politique à la conciliation de classe

Cependant ce serait une grave erreur que d’étendre le même critère de l’unité d’action – valable pour les mobilisations – à la construction d’une alternative politique. Notre alternative politique doit certes partir du refus énergique de l’actuel gouvernement de la vieille droite, ce gouvernement qui cherche à infliger des attaques d’une ampleur historique au peuple travailleur. Mais il ne faut pas s’arrêter là.

Toute alternative politique la gauche socialiste se doit de construire est de même dans l’obligation de surmonter le projet de conciliation de classe qui a été pratiquée par les gouvernements du PT durant 13 ans, ce projet – voué à l’échec – d’entente avec les grandes entreprises, les riches et les puissants.

La politique économique mise en œuvre par le PT ne s’est à aucun moment opposée aux intérêts des grandes entreprises; elle n’a laissé au peuple que des miettes des prétendues politiques sociales compensatoires.

Il est erroné de prétendre que la direction du PT a fait une quelconque autocritique ayant trait aux choix qu’elle a effectués au cours de ses administrations successives. Il pourrait en être autrement si elle s’était montrée disposée à changer «complètement» son orientation politique. Mais c’est le contraire qui s’est produit: elle continue à faire des «erreurs» analogues à celles commises lorsqu’elle était au gouvernement. Cela apparaît clairement lorsque certains des gouverneurs du PT appliquent dans leurs Etats des réformes très semblables à celles pratiquées par le gouvernement Temer. Par exemple, lorsque le gouverneur du PT, Camilo Santana, fait passer l’adoption d’une PEC par l’Assemblée législative de l’Etat du Ceara [au nord du Nordeste, capitale Fortaleza] qui gèle pour 10 ans les dépenses sociales.

Aucune confiance politique doit être donnée à la direction du PT. Lors des élections municipales qui ont suivi coup parlementaire et la destitution, le PT s’est une fois de plus allié avec le PMDB [Parti du mouvement démocratique brésilien, parti de Michel Temer] dans des centaines de municipalités. Et, en ce moment même, la majorité des sénateurs du PT envisage de soutenir la candidature de Eunicio de Olivera (PMDB-nénateur représentant le CEARA) à la présidence du Sénat fédéral [suite à la démission contrainte, pour corruption, de Renan Calheiros].

La direction du PT n’est donc pas disposée à changer [ce qui traduit la configuration sociale de ses cercles dirigeants]. Elle maintient intacte sa politique de conciliation de classe. Une alliance avec les grandes entreprises et les partis de la vieille droite appelés «progressistes» est maintenant présentée avec un nouveau nom: Frente Amplio.

Notre proposition doit être toute autre. Dans chaque lutte de la classe travailleuse, de la jeunesse et des opprimés, nous devons affirmer une alternative politique qui aille dans le sens de défendre clairement l’indépendance politique des travailleurs, un véritable Front de la gauche socialiste formé par le PSOL (Parti du socialisme et de la liberté), le PSTU (Parti socialiste des travailleurs unifié), le PCB (Parti communiste brésilien), des mouvements sociaux combatifs et des organisations socialistes n’ayant pas de légalité formelle.

Réorganiser et renforcer la gauche socialiste et révolutionnaire

Dans le processus de construction d’une alternative politique qui s’affronte au gouvernement de la vieille droite et au projet de conciliation de classe de la direction du PT, nous devons relever le défi de réorganiser et de renforcer une alternative socialiste et révolutionnaire dans notre pays. Nous ne pensons pas qu’une seule organisation politique ait le monopole d’un projet marxiste révolutionnaire dans notre pays, c’est la raison pour laquelle il est indispensable et urgent de regrouper les marxistes révolutionnaires.

En ce début d’année 2017 nous allons commémorer le premier centenaire de la Révolution russe de 1917. Ce sera un moment très important pour assumer la tâche fondamentale d’actualiser notre programme de manière à ce qu’il soit prêt à affronter les nouvelles tâches de la lutte dans la perspective d’une révolution socialiste brésilienne.

Nous défendons le projet d’une organisation qui surmonte aussi bien l’opportunisme de la conciliation de classe que le sectarisme qui empêche une intervention concrète dans les processus réels de la lutte de classe. Depuis sa fondation, la MAIS ne se considère pas comme une organisation aboutie. Au contraire, il essaie de mener ses débats programmatiques de manière ouverte avec les militant·e·s. Il s’est engagé dans des échanges politiques avec plusieurs organisations et groupes politiques pour tester la possibilité de cette unification afin de concrétiser et défendre un programme et une conception révolutionnaire.

Ce sont ses trois importantes tâches qui devront guider notre action. Ce sont heureusement des idées qui ne sont pas uniquement défendues par les militants du MAIS. Nous souhaitons donc entamer un dialogue permanent avec toutes les activistes qui les défendent, afin que nous cherchions ensemble les meilleures voies à suivre pour les réaliser. (Article publié sur le site Esquerda online, le 26 décembre 2016; traduction A l’Encontre)

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