Lundi 25 décembre 2017, pour la deuxième journée d’affilée, plusieurs milliers de personnes étaient rassemblées pour dénoncer «l’abandon» de la ville et «les conditions de vie difficiles» de ses habitants, a indiqué à l’AFP Said Zeroual, un responsable local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH). Les manifestants ont notamment dénoncé «l’injustice» et la «marginalisation» de cette localité située à une soixantaine de kilomètres d’Oujda (nord-est du Maroc, à proximité de la frontière algérienne).
Agés de 23 et 30 ans, deux frères sont morts vendredi 22 décembre en effectuant des prélèvements dans les galeries clandestines d’une mine de charbon désaffectée. Leurs corps ont été extraits samedi. Ces décès ont suscité colère et émoi au sein de la population locale et cette ville de quelques dizaines de milliers d’habitants est depuis en «effervescence».
Les deux mineurs ont été enterrés en début d’après-midi, en présence de plusieurs centaines d’habitants, tandis qu’un important dispositif sécuritaire était déployé devant le cimetière Achouhada.
La ville de Jerada est connue pour avoir longtemps abrité une importante mine de charbon, où travaillaient encore quelque 9000 ouvriers au moment de l’annonce de sa fermeture à la fin des années 1990.
L’activité minière constituait alors la principale ressource des habitants, dont le nombre est passé depuis cette date de 60’000 à moins de 45’000. «Chaque année, deux à trois hommes meurent en silence dans les mêmes conditions. Faute d’alternatives économiques, des jeunes souvent diplômés sont contraints de creuser des mines clandestines, parfois jusqu’à 100 mètres de profondeur, en vue d’extraire le charbon et de le vendre à certaines personnes à Jerada ayant des permis de commercialisation du produit», explique un acteur associatif local.
Selon des données du Haut-Commissariat au plan (HCP), l’organisme statistique marocain, Jerada est l’une des communes les plus pauvres du Maroc. Des «projets économiques» avaient été envisagés par l’Etat après la fermeture de la mine. Depuis la fermeture officielle de la mine «l’extraction du produit s’est opérée de manière clandestine, quoique au vu et au su des autorités.»
Mais «les alternatives n’étaient pas suffisantes (…), la ville n’a pas d’autres ressources, il n’y a pas d’emplois, pas d’usines. Les gens vivent dans la précarité», explique M. Zeroual.
Selon le site Yabiladi (24 décembre 2017), Mohammed Jaabouk, indique que le décès des deux frères :« a relancé de nouveau la contestation sociale. Il y a une dizaine de jours, Jerada a connu des manifestations plutôt modestes contre la hausse des factures d’eau et d’électricité. Mais cette fois, la colère de la population est montée d’un cran, en témoigne le cordon humanitaire mis en place, dans la nuit du samedi à dimanche, par de nombreuses personnes autour du cimetière de la ville afin d’empêcher les autorités locales d’inhumer discrètement les deux dépouilles.» La famille «réclame au préalable d’élucider les circonstances du décès et demande une réparation».
La protestation du dimanche 24 décembre a connu une forte participation. «La police n’est pas intervenue pour disperser les manifestants. Mais les renforts sont déjà présents dans les casernes et stationnées dans les entrées de la ville», confie Said Al Manajami, membre d’une association. Il ajoute: « Pour l’instant, la colère des habitants est «spontanée, aucune force politique ou syndicale n’en est l’instigatrice. Les habitants réclament seulement des projets de développement».
Mohammed Jaabouk, sur le site Yabiladi, en date du 25 décembre 2017, précise que l’inhumation des deux frères a révélé la colère sociale de la population: «Les manifestants ont refusé que des représentants des autorités locales et les forces de sécurité organisent les funérailles, bloquant le passage aux ambulances portant les deux corps depuis la morgue vers le cimetière.»
Il ajoute:« L’affrontement était imminent, avant que les forces de l’ordre ne se retirent et laissent aux habitants le soin d’inhumer les deux frères. Une fois l’opération accomplie, commence alors une marche en direction de la préfecture. Celle-ci s’est tenue sans heurts et n’a connu aucune intervention policière.
Ce calme contraste considérablement avec le recours à la force, dans la nuit du dimanche à lundi. Des éléments de la police ont en effet dispersé le sit-in observé par des jeunes devant le cimetière pour empêcher l’enterrement clandestin des deux victimes et procéder à leur détention pendant quelques heures».
Les autorités se sont mobilisées, craignant une extension du mouvement, mais le type de représentation des habitants reste en suspens. (26 décembre 2017)
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