Algérie. La liste des détenus d’opinion ne cesse de s’allonger. Au moins 290 militants du hirak en détention provisoire

Par Nabila Amir

La liste des détenus d’opinion et militants politiques ne cesse de s’allonger. Des universitaires, des journalistes, des étudiants, des militants et activistes du mouvement populaire sont systématiquement poursuivis en justice: certains sont placés en détention provisoire, alors que d’autres sous contrôle judiciaire, mais ne bénéficient que rarement de la relaxe.

Le Comité national de libération des détenus (CNLD) livre un chiffre effarant : 294 détenus d’opinion sont, jusqu’à hier, en détention, dont 5 femmes, issus de toutes les sensibilités, de toutes les franges de la société, de tous les âges et de toutes les wilayas.

Rien que pour la journée de jeudi, 23 détenus d’opinion ont comparu devant le juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed (Alger). Selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), la présentation de ces militants pacifiques impliqués dans le dossier baptisé «CNLD» a duré jusqu’à 2h.

Le gros des charges retenues contre eux sont: «atteinte à l’unité nationale», «incitation à attroupement non armé», «financement et collecte d’argent sans autorisation» et «appartenance à des organisations subversives».

Après leur présentation devant le procureur de la République, ces prévenus ont été déférés devant le juge d’instruction qui a remis en liberté deux d’entre eux et placé 8 autres sous mandat de dépôt et 11 sous contrôle judiciaire, dont Fatiha Briki, enseignante universitaire à la retraite arrêtée le 7 juin.

«Délit de solidarité»

Membre du CNLD et fervente défenseuse des détenus d’opinion, Fatiha Briki a été arrêtée et son domicile perquisitionné alors que sa famille est restée sans nouvelles d’elle pendant plusieurs jours.

Au procureur qui lui reprochait d’aider des personnes qu’elle ne connaissait pas, Fatiha Briki a répliqué, rapportent ses avocats: «Si nos compatriotes ne nous avaient pas aidés à une certaine époque, mon frère et moi n’aurions pas pu survivre!»

L’autre universitaire qui a été également placé sous contrôle judiciaire est Abdesselam M’hana. Cet enseignant de l’USTHB [Université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène, à une quinzaine de km à l’est d’Alger] a répondu au juge qui l’accusait d’avoir «porté atteinte à l’unité nationale»: «J’envoie de l’aide à des Algériens en difficulté à Timimoun et vous m’accusez d’atteinte à l’unité nationale! Moi, je croyais que c’était ça l’unité nationale.»

Sara Ladoul, enseignante universitaire et membre de la Coordination nationale des universitaires pour le changement (Cnuac), a été aussi placée sous contrôle judiciaire. Elle a été arrêtée il y a une semaine à Alger, et son domicile familial perquisitionné.

Selon le CNLD, Nawal Laib, Zahir Bouguermouh, Nacer Debaghi, Abdelkader Maghni, Hassan Benkaoua et Mustapha Meknassi ont subi le même sort, contrairement à El Hadi Lassouli, Ali Hider, Abderrahmane Boutouchent et Farid El Hamel, tous membres du CNLD, qui ont été, eux, placés sous mandat de dépôt.

La présentation de ces détenus est intervenue après plusieurs nuits en garde à vue. La défense de ces détenus regrette que dans notre pays la solidarité est devenue un «délit».

«Non seulement aucune manifestation n’est autorisée, aucune expression libre et critique n’est permise mais aujourd’hui, avec les arrestations ciblées de militantes et militants solidaires des détenus d’opinion et de leurs familles, ce pouvoir franchit un nouveau pas», déplorent les défenseurs des droits de l’homme. (Article publié dans El Watan, le 26 juin 2021)

 

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