C’est une mobilisation historique. Des centaines de syndicalistes et de travailleurs ont occupé, hier, la rue Aïssat Idir, où se trouve le siège de l’UGTA, pour réclamer en chœur le départ du patron de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd. Cet imposant rassemblement va de pair avec le processus révolutionnaire enclenché le 22 février dernier.
Ensemble, les syndicalistes ont scandé des heures durant le slogan «Dégagez», adressé plus particulièrement au secrétaire général et aux membres du secrétariat national de la centrale syndicale.
Sidi Saïd fait partie des principales cibles du mouvement populaire avec le président Bouteflika, qui a depuis démissionné, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, depuis limogé, et l’homme d’affaires Ali Haddad, patron des patrons, pour l’heure incarcéré.
Les travailleurs qui veulent le départ de Sidi Saïd manifestent, aujourd’hui, pour la réappropriation de l’UGTA. Ils revendiquent une UGTA indépendante, démocratique et combative qui soit au seul service de la classe ouvrière.
Très tôt le matin, un dispositif de sécurité important a été déployé sur les lieux, mais les policiers ne se sont pas mêlés à la foule, se contentant juste d’encadrer cette action de protestation.
Drapés de l’emblème national, les syndicalistes ont également brandi des banderoles où l’on pouvait lire : «L’UGTA est la propriété des travailleurs et non de la bande du système», «Sidi Saïd dégage», «L’UGTA n’est pas à vendre, elle est le bien des travailleurs», «Libérez le syndicat», «Tu prolonges le mandat, on prolonge le combat».
Les syndicalistes venus des quatre coins du pays et représentant différentes institutions veulent le respect de la volonté populaire et promettent de lutter jusqu’à la récupération de l’UGTA pour la mettre au service des travailleurs et la remettre ensuite sur la voie tracée par les défunts Aïssat Idir – son fondateur – et Abdelhak Benhamouda. Sidi Saïd en a eu pour son grade, il est accusé d’avoir transformé l’UGTA en un appareil au service du patronat. Il est aussi reproché au patron de la centrale, l’un des partisans du 5e mandat, sa proximité avec les cercles du pouvoir et son attitude conciliante avec la politique sociale de Bouteflika.
Des militants de partis politiques, notamment ceux du PT, et des syndicalistes autonomes étaient présents à ce rassemblement pour apporter leur soutien à leurs camarades sans pour autant s’immiscer dans les affaires internes de l’UGTA.
Taazibt du PT estime que ce mouvement est profond, car il vient de la base syndicale, qui désire récupérer la centrale qui lui échappe depuis des années. «C’est un mouvement de recomposition syndicale en phase avec les aspirations de millions de travailleurs, qui ont souvent combattu seuls, sans le soutien de l’UGTA, les politiques antisociales et antiéconomiques des différents gouvernements», note ce militant des droits des travailleurs, pour qui l’UGTA est un sigle lourd à porter.
Il est né lors de la Guerre de Libération nationale et pour lequel des sacrifices énormes ont été consentis depuis 1956 avec Aïssat Idir et ses camarades, et après l’indépendance du pays avec Abdelhak Benhamouda et les centaines de syndicalistes tués durant la tragédie.
Lyes Merabet, représentant le syndicat autonome des praticiens de la santé, espère voir émerger dans la démocratie et le respect du choix des travailleurs affiliés à l’UGTA, une nouvelle direction avec laquelle ils peuvent travailler et se projeter vers l’avenir, car beaucoup de difficultés les attendent sur le plan économique et social. «Nous suivons avec intérêt ce qui se passe au sein de l’UGTA.
Et nous sommes témoins, sur les différents lieux de travail, du désaccord affiché des délégués syndicaux affiliés à cette centrale, mais surtout de la colère de beaucoup de travailleurs qui se disent trahis et donc non représentés par le secrétaire général de l’UGTA», témoigne le Dr Merabet.
Par ailleurs, des syndicalistes et travailleurs, issus des différentes entreprises publiques, ont saisi cette opportunité pour réitérer leurs revendications sociales, telles que la suppression de l’impôt sur le revenu global (IRG), notamment pour les retraités. (Article publié dans El Watan, en date du 18 avril 2019)
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