Avec le début de la grève des cheminot·e·s, la possibilité s’ouvre de mettre un coup d’arrêt aux politiques de régression sociale engagées depuis des décennies [voir ci-dessous les conférences de presse unitaires des 22 et 30 mars].
Les mardi 3 et mercredi 4 avril, la mobilisation des cheminot·e·s a été d’une ampleur rarement égalée avec 40% de grévistes officiellement reconnus, dont la quasi-totalité des contrôleurs et contrôleuses et des aiguilleurs et aiguilleuses et plus des trois quarts des conducteurs et conductrices.
Après des semaines de matraquage contre les cheminot·e·s nantis, le pouvoir et ses soutiens durcissent le ton. Pour le député LREM Gabriel Attal,«l’important serait peut-être de sortir de la gréviculture». Pour Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports,le gouvernement tiendra bon». Face à l’exceptionnelle mobilisation des cadres, Guillaume Pépy [PDG de la SNCF] octroie une prime de 150 euros à ceux qui sont habilités à remplacer les conducteurs et conductrices. La CGT évoque le recours possible à des «cheminots du Royaume-Uni» ou «la possibilité d’effectuer des réquisitions de cheminots, par exemple sur la ligne D du RER». Et, pour faire bonne mesure, la direction affirme vouloir comptabiliser les jours de repos comme jours de grève.
Pas d’isolement
Mais les cheminot·e·s ne sont pas isolés. À Air France, la grève pour une augmentation de salaire de 6% en était à son quatrième jour avec des préavis déposés pour les 7, 10 et 11 avril. Les électricien·ne·s et gaziers sont mobilisés pour la défense du service public de l’énergie, contre sa libéralisation. En Île-de-France, à Marseille et dans de multiples localités, les éboueurs sont en grève pour la «reconnaissance de la pénibilité», un «statut unique», public/privé, et des «départs anticipés» à la retraite pour tous. Les salarié·e·s des EHPAD [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] et des hôpitaux publics restent mobilisés et la mobilisation gagne du terrain dans les universités. L’importance du nombre de grévistes chez Carrefour pour les salaires, contre les suppressions de postes, est significative d’une colère qui monte chez les salarié·e·s du privé.
Une bataille aux multiples enjeux
Les directions syndicales sont confrontées à l’ambition macronienne de les marginaliser, dans la plus libérale des logiques. La CFTC, la CFE-CGC et la CFDT refusent tout affrontement pour préserver leurs prérogatives dans le dialogue social. L’échec de la mobilisation contre la loi El Khomri a fait renoncer définitivement la direction de FO à toute confrontation importante. Solidaires est peu soumis à ces enjeux, qui concernent les syndicats les plus intégrés, mais ce n’est pas le cas de la CGT, qui connaît d’importantes confrontations en interne et dont la stratégie est des plus hésitantes. Un nouvel échec contre le plan Macron mettrait en cause l’ensemble de la représentation syndicale.
Au-delà de la fermeté affichée, la bataille de l’opinion publique est au cœur du dispositif gouvernemental. Une conquête assise sur les difficultés rencontrées par les usagers et usagères et qui serait facilité par un affaiblissement du mouvement notamment avec la défection espérée des syndicats les plus prêts à négocier.
Quelle stratégie pour gagner?
Les assemblées générales de grévistes ont reconduit le plus souvent à l’unanimité la grève pour mercredi. Les modalités d’organisation de la lutte par les directions syndicales, tant à la SNCF que dans les autres secteurs, sont largement débattues dans les assemblées générales, dans les syndicats.
Face à la volonté affichée du gouvernement d’aller jusqu’au bout, la lutte des cheminot·e·s ne peut être victorieuse qu’à deux conditions. La première, essentielle, est l’auto-organisation de la lutte, seule capable de faire face à toutes les divisions, d’impliquer le plus grand nombre dans le développement de la lutte, sa popularisation. L’autre consiste, à partir de cette lutte, à construire un front de mobilisation élargi à l’ensemble des salarié·e·s autour de la volonté de sauvegarde du service public mais aussi de celle de combattre la souffrance au travail, la précarisation des emplois, les suppressions de postes, les licenciements. Et partout discutons, décidons, d’une date rapprochée de centralisation des mobilisations par la grève et des manifestations.
La volonté du gouvernement est d’infliger aux cheminot·e·s la défaite la plus complète possible non seulement pour permettre la privatisation de la SNCF et mettre à mort le statut des cheminot·e·s mais aussi pour aller vers la destruction de l’ensemble des services publics. Et, dans la foulée, accélérer les contre-réformes?: assurance chômage, apprentissage, formation professionnelle et retraites.
Face à de tels enjeux, l’unité et la solidarité sont des enjeux décisifs. Un collectif unitaire réunissant NPA, PCF, Génération. s, Groupe parlementaire France insoumise, AL, EÉLV, Ensemble, Gauche démocratique et sociale, Nouvelle Donne, PCOF, Parti de gauche, République et socialisme, appelle à construire des collectifs de soutien à la mobilisation à la SNCF et dans les services publics.
Construire ces collectifs, c’est un pas que nous pouvons toutes et tous faire dans les prochains jours. Sur nos lieux de travail, nous devons débattre de la construction de ce grand mouvement, toutes et tous ensemble, qui, profitant de la locomotive que constitue la grève à la SNCF, ferait reculer ce gouvernement. (Article publié sur le site du NPA, le 5 avril 2018)
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