Venezuela-débat. «Des élections qui ne disposent d’aucune légitimité» (I)

Maduro et la «question électorale»…

Entretien avec Javier Antonio Vivas Santana conduit par Gabriel Brito

La crise politique vénézuélienne – bien que sans les manifestations massives et la répression sanglante du gouvernement, encore visibles il y a des mois – continue de susciter l’inquiétude, l’indignation, le débat et la critique. Le régime de Nicolás Maduro a décidé d’anticiper les élections présidentielles de 2019. D’abord pour le 22 avril 2018. Puis, pour essayer de réduire les pressions internationales et donner un semblant de légitimité à l’exercice électoral, il les a à nouveau repoussées, cette fois-ci jusqu’au 20 mai 2018. Le Conseil national électoral (CNE), organe collatéral du parti au pouvoir, a annoncé un «accord sur les garanties électorales» entre le parti de Maduro (le PSUV-Parti socialiste unifié du Venezuela) et le candidat présidentiel Henri Falcón, dissident de l’opposition de droite (1). Dans ce contexte «politique», la débâcle économique, sociale et humanitaire transforme la vie quotidienne des Vénézuéliens et Vénézuéliennes en un enfer, provoquant l’émigration de milliers d’entre eux vers d’autres pays d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Uruguay).

Ce tableau dramatique est à la fois l’analyse socio-économique implacable et les conclusions politiques controversées (libérales dans plus d’un sens) du professeur et éducateur Javier Antonio Vivas Santana, ancien professeur et éducateur de la Mission Sucre, un programme éducatif créé par Hugo Chávez pour inclure les couches populaires dans l’enseignement supérieur. L’entrevue a eu lieu avant l’annonce de la nouvelle date fixée pour les élections. (Introduction Correspondencia de Prensa, Uruguay, traduction sur la base de l’entretien publié sur le site brésilien Correio da Cidadania, en date 1er mars 2018)

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Correio da Cidadania: Comment analysez-vous l’anticipation des élections présidentielles, convoquées par le président Nicolás Maduro et prévues en avril prochain?

Javier Antonio Vivas Santana: La situation propre à l’anticipation des élections a été le résultat d’une convocation décidée par l’«Assemblée constituante» dont caractère est illégal et illégitime. Devant ce panorama, et face à l’échec du dialogue entre une partie de l’opposition intégrée dans sa quasi-totalité dans la MUD (Table d’Unité Démocratique)

et les dirigeants «maduristes» en République Dominicaine, le CNE (Conseil national électoral) a annoncé la date du 22 avril pour les élections, non seulement en avançant d’au moins six mois le processus électoral, mais en violant la loi qui régit nos campagnes.

Il est intéressant de noter que la loi à laquelle je fais référence a été signée par Diosdado Cabello [militaire clé dans le système de pouvoir] en 2009, alors qu’il était président de l’Assemblée nationale, soit par le même porte-parole qui, dans cette «Constituante», dit que les élections présidentielles devraient avoir lieu au premier trimestre de 2018.

Mais cette décision engendre un flot de contradictions au sein du gouvernement, car il faut se rappeler une des excuses que le CNE avait avancée en 2016 pour éviter le référendum de révocation populaire contre Maduro, ainsi que les élections des gouverneurs [des Etats «régionaux»] qui auraient dû avoir lieu la même année: «Il n’y avait pas assez de temps pour organiser les élections à la demande de l’opposition et un processus électoral régional.»

Dans ce contexte, il est clair que ces élections n’ont aucune légitimité publique et seront rejetées par une majorité des électeurs qui se sont engagés jusqu’à présent à ne pas voter. Il y a une grande méfiance à l’égard de la CNE, dont le conseil d’administration est composé de cinq membres, quatre femmes liées au «madurisme», même si certaines ont «démissionné» en tant que militantes du parti au pouvoir (PSUV), lorsqu’elles ont été nommées à ce pouvoir lié aux processus électoraux

Cette élection, Maduro pourrait l’emporter par absence d’opposants, surtout si l’on tient compte du fait que plusieurs aspirants à des candidats ont été rendus inaptes à se présenter, comme c’est le cas de Henrique Capriles Radonski, qui a affronté Chávez en 2012 et a perdu contre Maduro en 2013 par une différence de 1,5% des suffrages. C’est également le cas de Leoopoldo López, assigné à résidence, ainsi que les partis s’y référant Primero Justicia (PJ) et Voluntad Popular (VP), arbitrairement écartés par le CNE, au motif que ces organisations n’ont pas participé aux élections municipales de 2017.

En outre, l’ancien ministre de l’Intérieur et de la Justice de Maduro, Rodríguez Torres, qui était également très proche de Chávez, mais qui est aujourd’hui un critique du gouvernement, a fini par être «inéligible» pendant 12 mois par le Contrôle, alléguant que sa déclaration de patrimoine, faite sous serment, n’était pas cohérente. En d’autres termes, le madurisme empêche qu’un candidat qui peut le diviser émerge de l’intérieur même du chavisme.

Dans ces conditions, cette élection, et l’insistance du madurisme à les mener à bien dans des conditions de large avantage électoral, finira par aggraver la crise politique, économique et sociale du Venezuela. Le remède sera pire que la maladie. Un exemple de ce que nous voyons déjà, avec le nombre croissant de Vénézuéliens qui migrent quotidiennement au Brésil par Boa Vista (dans l’Etat du Roraima ), ou en Colombie par Cúcuta (capitale du département Norte de Santander).

Correio da Cidadania: Pourquoi la présidence de Nicolas Maduro est-elle si mauvaise? Qu’avez-vous fait de si mal ces dernières années?

Javier Antonio Vivas Santana: Le gouvernement de Maduro a été une sorte de coterie formée par le dit «groupe des sept» qui se compose de: Nicolás Maduro, Diosdado Cabello, Tareck El Aissami (vice-président), Vladimir Padrino (ministre de la Défense), Jorge Rodríguez (ministre de la Communication), Delcy Rodríguez (sœur de l’ancien président et présidente de la frauduleuse «Constituante») et, bien sûr, Cilia Flores, épouse de l’actuel président de la République. Ils gouvernent le pays de manière sévère et néo-totalitaire.

Aujourd’hui, en raison de l’arrogance et de la vanité, y compris de la manière vindicative de gouverner d’un tel groupe, le Venezuela est face à une destruction de son industrie pétrolière. Il exportait 3,5 millions de barils par jour en 1998, avec 23 millions d’habitants à l’époque, aujourd’hui, selon les chiffres indiqués par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), elle produit 1,6 million de barils par jour, avec une population de 31 millions d’habitants, en soustrayant même environ 4 millions de Vénézuéliens qui ont émigré au cours des cinq dernières années. Cette situation démontre l’ampleur de la crise économique et sociale que subissent les Vénézuéliens.

Maduro lui-même a dit que pendant son administration, ont été payé 70 milliards de dollars pour le service de la dette extérieure. Et nous pouvons poser la question: à quel prix? Eh bien, supprimer les importations de nourriture et de médicaments dont le pays a besoin. Et cela dans une économie qui doit importer plus de 70% des biens pour maintenir la demande intérieure dans des conditions plus ou moins normales. Cette politique de préférence pour le service de la dette extérieure a engendré un énorme déficit budgétaire, y compris dans Petróleos de Venezuela S. A. (PDVSA), et implique le paiement d’un nombre pléthorique de fonctionnaires publics, qui dépasse 3 millions.

Imaginez que le madurisme, ne disposant pas des ressources pour payer ces salaires, a eu recours à l’impression massive des bolivars ce qui a conduit à l’hyperinflation, c’est pourquoi, maintenant, 4 millions de Vénézuéliens sont également «subventionnés» avec des «bons» que le gouvernement accorde et, dans le meilleur des cas, qui sont équivalents à environ 700’000 bolivars par mois. Sur le marché parallèle actuel des changes – qui gouverne l’économie – cela équivaut à environ trois dollars par mois (au Venezuela, il y a divers types contrôles des changes depuis 2003).

Mais la chose la plus aberrante dans cette situation, c’est que le gouvernement a créé ce qu’on appelle le «Carnet de la Patria», qui aboutit à une sorte d’affiliation forcée au gouvernement pour avoir accès à des «biens», ce qui a créé une sorte de citoyenneté de premier niveau et une autre de deuxième classe. Celui qui ne possède pas le carnet ne reçoit pas l’aide supposée. En tout cas, le madurisme utilise ce carnet pour forcer les gens à voter pour lui, ce qui, en plus de les «relever» et «affilier» socialement et électoralement, montre clairement que le gouvernement Maduro a détruit la démocratie au Venezuela, il y a longtemps.

Correio da Cidadania: Comment aurait-on pu éviter cette situation?

Javier Antonio Vivas Santana: Il est difficile de parler du passé en ces termes, mais beaucoup d’entre nous ont averti Maduro au début de son mandat des mauvaises politiques économiques et sociales qu’il menait. A ce moment-là, en 2013, le gouvernement pensait que la valeur des prix du pétrole atteindrait à nouveau trois chiffres. Cela ne s’est jamais produit et les mesures correctives n’ont jamais été prises.

L’économie est tellement déformée que, alors qu’un carton d’œufs a une valeur équivalant de deux salaires minimums, actuellement fixés à 248’150 bolívares (la plupart des travailleurs gagnent environ un dollar par mois), un réservoir d’essence à 91 octanes de 36 litres coûte un bolívar par litre. En d’autres termes, dans sa totalité, sur la base du marché parallèle du peso, il se situe environ 0,15 US$. C’est de la destruction économique! Telle est l’ampleur des déséquilibres des prix relatifs et de l’économie pour donner une idée de la manière dont le Venezuela est gouverné.

Face à cette réalité, avec Nicolas Maduro, il ne sera jamais possible d’inverser la situation actuelle au Venezuela.

Correio da Cidadania: Que pensez-vous de la défense faite par les secteurs alignés sur le «Chavismo», même par rapport aux questions de politiques sociales et économiques, comme on peut le voir dans un article d’Ignacio Ramonet?

Javier Antonio Vivas Santana: Nous avons lu avec stupeur l’article d’Ignacio Ramonet, [ex-directeur du Monde diplomatique] qui pointait sur les «douze victoires» de Maduro en 2017 (2). C’est pourquoi nous regrettons le niveau d’ignorance dans lequel cet «intellectuel» est tombé, qui, tout en étant l’auteur de l’ouvrage La Tyrannie de la communication, a apparemment oublié ses propres approches dans la lutte contre la «pensée unique» dans chacune de ses constructions théoriques.

Ici, il faudrait demander à Ramonet: que dites-vous quand cette «pensée» est unique pour rester au pouvoir au Venezuela, détruisant son économie, appauvrissant la majorité de la population pour atteindre, pour de larges secteurs, des niveaux les plus profonds de misère? Serait-ce une autre victoire pour Maduro?

Honnêtement, les choix du «madurisme» sont en harmonie avec des intérêts personnels et des intérêts d’une mafia, mais jamais avec le bien-être de la population, surtout pas au Venezuela. Je suis désolée pour Ramonet. Il a perdu tout notre respect.

Correio da Cidadania: Que pouvez-vous nous dire sur la situation sociale actuelle du pays, sur ce qui se passe dans les rues et les quartiers?

Javier Antonio Vivas Santana

Javier Antonio Vivas Santana: C’est dramatique. Il y a des chiffres provenant de différentes organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme, qui nous disent qu’il existe au moins 2 millions de Vénézuéliens, y compris des enfants et des personnes âgées, qui renversent les poubelles pour y trouver tout ce qui peut soulager la faim. Ou, s’ils ne sont pas exposés à cette condition humiliante, ils mangent au maximum une fois par jour. Bien que près de 6 millions de personnes mangent deux fois par jour et environ trois fois par jour, seulement 30% de la population répond aux besoins minimums en calories.

Face à la crise sociale, le madurisme a conçu la livraison de quelques cartons de biens alimentaires assurés par les CLAP (Comités locaux d’approvisionnement et de production) qui sont livrés à la population tous les 45 et 60 jours, dans la meilleure des hypothèses.

Nous pourrions les définir comme la carte de rationnement alimentaire du XXIe siècle. Dans ces boîtes ou sacs de nourriture, les familles reçoivent un kilo de farine, de riz ou de macaroni, de l’huile, de sucre et, espérons-le, de certains produits en conserve, qui ne peuvent soulager la faim que pendant quelques jours dans les groupes sociaux qui en bénéficient. La vérité, c’est que notre pays a une population souffrant de malnutrition à tout âge et parmi les hommes et femmes. Même l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance) a évoqué la question de la malnutrition infantile au Venezuela.

La crise hospitalière est terrible. Dans les centres de santé, il n’y a pas de thermomètres, d’oxygène ou de matériel médico-chirurgical. Il n’y a pas d’antibiotiques, pas d’antiallergiques. Il n’existe pas de médicaments pour la tension artérielle, le diabète ou l’épilepsie. Dans ce dernier cas, c’est un problème dont je souffre dans ma propre chair. Les pilules contraceptives ont disparu du marché. Au cours des trois derniers mois, seulement dans les Etats andins de Táchira et Mérida [deux des 23 Etats ], les facultés de médecine montrent que plus de 1000 médecins ont émigré, surtout en direction de l’Europe, des Etats-Unis, du Chili, de l’Uruguay, de l’Argentine et du Brésil.

En ce qui concerne l’effondrement de l’industrie pétrolière, la crise liée aux pénuries de carburant dans tout le pays est constante. Plus de 80% des transports publics sont paralysés car il n’y a pas de lubrifiants, de courroies de transmission ou de batteries. Même le métro de Caracas, qui était une référence internationale dans le transport moderne et souterrain, est devenu en partie inemployé. Il a également été «envahi» par le crime, qui est présent dans tous les domaines de la société. Il y a des protestations constantes au sujet de la terrible distribution de l’eau, de l’électricité et du gaz dans toutes les villes ou zones rurales, sans sous-estimer le fait que jusqu’à ce moment, en 2018, il y a 1000 cas de pillage de centres de distribution de nourriture et de points de vente publics ou privés, et aussi contre les camions chargés de nourriture.

L’éducation du secondaire à l’université est un véritable chaos. Je le dis à partir de mon propre «sondage»  en tant qu’enseignant. Nous avons un taux d’abandon scolaire qui, dans certains Etats, avoisine 60% de la population étudiante et 30% des enseignants. Le programme d’alimentation scolaire a pratiquement disparu des institutions éducatives publiques. Et si l’on parle de politique publique «éducative», on arrive à cet extrême paradoxal que le madurisme accorde un versement mensuel de 700’000 bolívares pour des étudiantes ayant des problèmes de comportement – ou qui tombent enceintes suite à une «relation subie» par un malfaiteur ou un criminel du quartier – alors qu’une jeune femme qui excelle dans ses études n’a même pas accès à une bourse d’études ou une subvention pour acheter un crayon ou un cahier. Le Venezuela vit une tragédie dans tous les aspects de l’espace social.

Correio da Cidadania: Comment résumer pour le lecteur brésilien l’évolution de la crise institutionnelle, exacerbée depuis que la Cour suprême a déclaré invalide le travail de l’Assemblée nationale?

Javier Antonio Vivas Santana: C’était le premier coup de couteau que le madurisme a donné non seulement à l’Assemblée nationale, mais aussi à la démocratie vénézuélienne. Examinons les événements: l’opposition a remporté les deux tiers du corps législatif en 2015, ce qui aurait permis de changer la structure législative de l’Etat, sauf le pouvoir exécutif! L’Assemblée nationale a été autorisée par les Vénézuéliens à modifier les directives de la Cour suprême de justice, du CNE et du «Pouvoir moral» (Ministère public, l’instance de Contrôle publique et la Défense publique).

Face à cette réalité, le madurisme a inventé quelques «enregistrements», dans ces bandes audio un supposé dirigeant de l’Etat amazonien (à la frontière avec le Brésil) offrait la «preuve» permettant d’invalider l’élection de trois députés, y compris un indigène, qui ont été «sélectionnés» par cette juridiction. Avec cette manœuvre politique, le pouvoir a empêché l’opposition d’obtenir et d’agir avec les deux tiers des députés, évitant dès lors les possibles changements institutionnels dont il vient d’être question.

Mais le plus rare, c’est que la Cour suprême, dans une autre décision, a déclaré un prétendu «mépris» de l’Assemblée nationale pour ce «fait» de modification du résultat électoral, non seulement en invalidant les députés de cet Etat, mais en cessant de convoquer des élections dans cette circonscription où ces élections sont censées se répéter. C’était la mort politique de l’Assemblée nationale en termes «juridiques», ce qui signifiait l’origine néo-totalitaire et néo-dictatoriale du gouvernement Maduro.

Le niveau de persécution politique contre le pouvoir législatif est tel qu’il ne s’est pas vu attribuer un budget depuis la fin de 2015. Les députés vivant dans les différents Etats ne trouvent généralement pas de billet d’avion pour se rendre dans la capitale et participer à diverses sessions. Et s’ils le font par voie terrestre, ils sont «assaillis» par l’armée ou la police, lors d’embuscades et de blocus.

Nous sommes arrivés à une telle barbarie qu’en juillet 2017, une foule de maduristes est apparue avec des bâtons et des pierres et a attaqué certains députés dans le cadre même de l’assemblée législative, avec de graves blessures, ce que je considère comme l’un des épisodes de la plus grande incivilisation politique et d’impunité dans notre histoire institutionnelle contemporaine. Le reste de l’Assemblée nationale appartient à l’histoire. (Traduction A l’Encontre) (A suivre)

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[1] Henri Falcón est un militaire retraité, âgé de 56 ans. Il s’est présenté comme candidat le mardi 27 février 2018, s’opposant ainsi à la décision de la MUD (Table de l’Unité démocratique), dont il fait partie, de boycotter les élections. Peu avant l’inscription de sa candidature, la MUD, qui connaît la plus grande crise politique depuis 2008, avait exigé que Falcón retire sa candidature pour «ne pas faire le jeu de Maduro» (Correspondance de Presse).

[2] Voir l’article de «Las doce victorias del Presidente Maduro en 2017» («Les douze victoires de Madioro» et la réponse de Vivas Santana: «Las doce victorias del Presidente Maduro en 2017: entre la degradación intelectual y la prostitución de la conciencia”»: https://democraciaparticipativa.net/noticias-news-a-blogs/actualidad-venezolana-venezuelan-affairs/13265-vivas-santana-vs-ignacio-ramonet-las-doce-victorias-del-presidente-maduro-en-2017-entre-la-degradacion-intelectual-y-la-prostitucion-de-la-conciencia.html

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