Alors que l’appel interjeté (le recours) par l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva s’approche de la date de sa décision, les manifestations de soutien à son égard s’intensifient dans tout le pays. Le 24 janvier, le Tribunal fédéral de deuxième instance de la ville de Porto Alegre déterminera si l’actuel candidat à la présidence du Parti des travailleurs (PT) pourra se présenter à l’élection d’octobre 2018 ou si sa décision initiale rendant impossible sa présentation sera définitive.
En plus des manifestations qui sont en préparation, un manifeste est diffusé pour soutenir l’ancien président condamné en première instance. Il est signé par des personnalités politiques, artistiques et intellectuelles du monde latino-américain, dont José Mujica (Uruguay, Frente amplio), Cristina Fernández de Kirchner (Argentine), Rafael Correa (Equateur), Ernesto Samper (ex-président de la République de Colombie et depuis 2014 secrétaire général de l’Union des nations sud-américaines), Noam Chomsky, Boaventura de Sousa Santos (économiste, Portugal), Oliver Stone (cinéaste qui, en autre, a commis un documentaire élogieux sur Poutine), Costa Gavras (cinéaste), Chico Buarque de Holanda (chanteur brésilien). Le manifeste, rédigé par l’ancien chancelier du gouvernement Lula, Celso Amorim (ministre des Affaires étrangères du Brésil, sous la présidence de Lula, de 2003 à 2010) et l’économiste Bresser Pereira (nombreuses fonctions, entre autres à la tête de la Fondation Getulio Vargas). Il insiste sur le fait qu’une élection présidentielle sans Lula serait «une farce».
Si la sentence du juge Sergio Moro est confirmée, Lula devra retirer sa candidature à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, en raison de la loi dite «du casier vierge» Et, selon ses partisans et une partie de ses critiques, c’est la vraie raison du procès.
Mais l’ancien président pourra maintenir sa candidature tant qu’il n’y aura pas de décision finale. Si les trois juges de Porto Alegre décident la semaine prochaine contre Lula, comme on peut s’y attendre, il pourra faire appel de la sentence, jusqu’à ce qu’elle soit jugée par le Tribunal suprême fédéral.
Lula, qui depuis des mois est à la tête des intentions de vote pour l’élection présidentielle, a été condamné en juillet dernier à neuf ans et demi de prison. Les défenseurs de Lula soulignent qu’il a été condamné sans preuves matérielles concrètes, citant à titre d’exemple le fait que le triplex dans la station thermale de Guarujá [dans l’Etat de São Paulo] qu’ils lui attribuent n’est pas en son nom ni au nom de sa femme décédée, mais au nom de l’entreprise de construction OAS [une des principales entreprises de construction du Brésil]. Lula est accusé d’avoir reçu la propriété en guise de pot-de-vin offert pas cette société. La défense de Lula le nie avec véhémence.
Les derniers sondages d’opinion montrent même qu’il pourrait gagner la présidence directement, au premier tour, des élections d’octobre.
Le procès impliquant l’ancien président est l’événement politique le plus médiatisé des premières semaines de l’année. Plus encore que la nomination de Cristiane Brasil [membre du Parti travailliste brésilien depuis 2003] comme nouvelle ministre du Travail du gouvernement de Michel Temer; et cela malgré la condamnation du Tribunal du travail qui l’a disqualifiée pour occuper ce poste. Cristiane Brasil, du Parti travailliste brésilien (Ptb), est la fille de l’ancien député Roberto Jeferson, actuel président de ce parti, qui a été reconnu coupable de corruption dans l’affaire du mensalão [somme versée aux députés et sénateurs pour assurer leur vote, ceci sous le gouvernement du PT], puis amnistié en 2015 par la présidente de l’époque, Dilma Rousseff. La plupart des analystes politiques considèrent que la nomination de Cristiane Brasil est inconstitutionnelle. Elle répond au besoin du gouvernement d’obtenir le soutien nécessaire au Congrès pour adopter un certain nombre de réformes controversées considérées par le mouvement syndical comme préjudiciables aux travailleurs et travailleuses, telles que la réforme des retraites.
La pression du gouvernement pour que la contre-réforme des retraites soit approuvée en février – car elle n’a pas pu être votée avant le début du mois de décembre – s’intensifie chaque jour, avec des mises en garde émises par les ministres et le président lui-même. Temer a déclaré que si elle n’est pas approuvée, l’Etat brésilien ne sera pas en mesure de respecter certains engagements pour le paiement des retraites. Le gouvernement a également profité du fait que Standard & Poor’s, une agence de notation qui ne cache pas son soutien à une telle contre-réforme, a abaissé la notation du Brésil comme argument pour faire pression sur le Congrès.
Toutefois, une commission d’enquête du Sénat – dirigée par les sénateurs Paulo Paim (PT-Rio Grande do Sul) et Helio José (PMDB-District fédéral) – a conclu qu’il n’y avait pas de déficit dans les comptes de la sécurité sociale et que ce qu’il y avait relevait d’une mauvaise gestion et d’un usage abusif des fonds dans d’autres cas, sans parler des illégalités, telles que les dettes accumulées (non-versement des primes) par les firmes face à la sécurité sociale.
Ce n’est qu’au mois d’août que les derniers candidats à l’élection présidentielle seront connus, et l’incertitude n’affecte pas seulement le Parti des travailleurs, mais aussi les forces qui soutiennent le projet politique du gouvernement actuel. Actuellement, les candidats à cette dernière candidature sont le gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin (Parti de la social-démocratie brésilienne-PSDB), le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia (Les Démocrates), et le ministre des Finances, Henrique Meirelles, du Parti social-démocrate (PSD et nommé par Lula à la Banque centrale en 2003). La possibilité que Luciano Huck, un des animateurs de la puissante Rede Globo, une personnalité des médias extérieure aux cercles politiques proprement dits, est également discutée dans la presse.
Compte tenu des profondes divisions qui existent dans le projet politique de Michel Temer et du fort soutien populaire que Lula continue d’avoir, certains analystes soulignent que le Congrès pourrait réformer le système électoral pour en faire un régime parlementaire ou semi-présidentiel, sans consulter les citoyens, et comme un moyen de limiter les pouvoirs du président élu. (Article publié dans l’hebdomadaire Brecha; traduction A l’Encontre)
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