En Tunisie, la répression monte encore d’un cran. Au moins huit personnes ont été tuées dimanche 9 janvier 2011 et plusieurs blessées par balles à Thala et Kasserine, à 290 km au sud de Tunis. Plusieurs sources syndicales locales affirment que le bilan devrait s’alourdir dans les heures à venir en raison d’un «grand nombre de blessés graves». Sur les huit tués dans des affrontements avec la police, trois ont été tués par balles et identifiés. Il s’agit de Raouf Bouzid, Mohamed Amine Mbarki et Rabah Nasri, indique Sadok Mahmoudi, membre du bureau exécutif du syndicat régional de Kasserine.
Contacté par téléphone à Tunis par Mediapart, dimanche en milieu d’après-midi, Nizar Amami, dirigeant de la section PTT de l’Union générale des travailleurs tunisiens, en pointe dans le mouvement, affirme que le bilan pour la seule ville de Thala serait «d’au moins 5 morts» tués par des soldats tunisiens, qui auraient «bouclé la ville, désormais sous couvre-feu total.»
Selon Ahmed Nejib Chebbi, dirigeant du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale), le bilan serait d’au moins 20 morts, tués par balles dans des affrontements avec la police samedi et dimanche à Thala et Kasserine, situées au centre-ouest de la Tunisie, non loin de Sidi Bouzid, là où le mouvement a commencé le 19 décembre.
De son côté, le gouvernement a déclaré dans un communiqué publié dimanche 9 janvier que huit personnes, et non deux comme l’affirmait le précédent communiqué de ce matin, étaient mortes au total dans des affrontements avec la police au cours des dernières 24 heures. Les autorités tunisiennes ont affirmé que la police avait ouvert le feu dans un acte de «légitime défense».
Partie des jeunes diplômés de Sidi Bouzid – une ville du centre-ouest tunisien, située à 265 km de Tunis et en proie à des manifestations depuis le 19 décembre –, la révolte s’est peu à peu étendue à l’ensemble du pays. Et à mesure que le mouvement montait en puissance, la répression est, elle aussi, allée crescendo. Ce fut tout d’abord l’encerclement des campus étudiants, à Tunis notamment, et les enlèvements et mesures d’intimidations contre les avocats, qui manifestent régulièrement devant les cours de justice, et appellent les autorités à cesser la répression. Le 24 décembre, la police a fait feu sur la foule, tuant Mohammed Ammari, 18 ans, et blessant grièvement Chawki Hidri, qui décédera deux jours plus tard.
Lors de son discours télévisé du 28 décembre, le président Ben Ali avait promis de «frapper fort» contre les «extrémistes» qui animaient le mouvement. Les observateurs attentifs de la Tunisie pouvaient déjà présager d’une répression dans le sang.
Car depuis la grève générale de Gafsa en 2008-2009, et la mort d’un jeune manifestant tué par l’armée dans la ville de Redeyef, on sait en Tunisie ce que «frapper fort» veut dire.
Cette répression du week-end pourrait répondre à la crainte des autorités de voir le mouvement s’amplifier encore durant la semaine à venir. L’UGTT des PTT a appelé les Tunisiens à la grève générale à partir du mercredi 12 janvier. Les branches de l’enseignement supérieur et des médecins ont d’ores et déjà prévu de faire de même à la fin de la semaine.
* Publié dans Mediapart
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