Si on totalise les coupes effectuées dans les budgets du Servicio público de empleo estatal-SEPE (Service public d’Etat de l’emploi) depuis 2012 jusqu’au budget 2016 présenté ces jours aux Cortes espagnoles, par rapport au budget 2011, on voit que le sauvetage des banques qui a coûté 41,3 milliards d’euros, ce sont les chômeurs espagnols qui l’ont payé.
Cette conclusion, absolument choquante, ne souffre d’aucune nuance. Les chiffres sont ce qu’ils sont: 41,346 milliards d’euros face à 41,3 milliards d’euros.
Le 22 juin 2012, le ministre de l’économie, Luis de Guindos, sollicitait officiellement à Bruxelles une aide pour recapitaliser les banques espagnoles. Pour cela, le ministre de l’économie Luis de Guindos remettait une lettre au président de l’Eurogroupe [réunion des ministres des Finances qui n’est pas une institution officielle de l’Union européenne], qui était alors Jean-Claude Juncker, dans laquelle il demandait que les conditions [d’une aide] soient connues avant le 9 juillet pour qu’elles puissent être débattues au sein de l’Eurogroupe. Dans sa totalité, le sauvetage bancaire alors sollicité s’éleva à quelque 41,3 milliards d’euros [les banques ont aussi reçu 70 milliards d’aide de l’Etat espagnol, autrement dit des contribuables].
Le 14 juillet 2012, le Bulletin officiel de l’Etat espagnol publiait le Décret-loi royal du 13 juillet, qui formulait les mesures pour garantir la stabilité budgétaire et l’encouragement de la compétitivité. Dans ce décret étaient ébauchées une série de coupes budgétaires qui impliquaient une grave atteinte à la situation des milliers de chômeurs qui se voyaient jetés de leurs emplois par la Réforme du droit du travail, quasi sans indemnisation. Ces coupes étaient, entre autres: environ 30% en moins de prestation de chômage de dix-huit mois soumise à impôt; l’autorisation d’un versement en plusieurs fois des indemnités de chômage; le report à 55 ans du subside préalable à la retraite qui devenait plus difficile à obtenir.
Au 2e trimestre de 2015, sur 5’450’138 personnes au chômage en Espagne, il y en a 3’702’577 qui ne touchent aucune indemnité de chômage et, parmi celles-ci, plus d’un million avec charges de famille. Alors qu’au 2e trimestre de 2011, avant les effets de la politique du Prti Populaire], il y avait 4’844’221 personnes au chômage en Espagne.
Le 20 juillet 2012, les ministres de l’économie de l’Eurozone ont approuvé, lors d’une conférence téléphonique qui n’a duré que deux heures, le sauvetage des banques de l’Etat espagnol à hauteur de 100 milliards d’euros ainsi que le mémorandum prescrivant les conditions exigées en échange.
Si on additionne les coupes dans le budget du SEPE, à partir de son budget 2011, réalisées entre 2012 et 2015 et qu’on y ajoute la coupe prévue dans le budget 2016 proposé aujourd’hui, la conclusion qu’on en tire, c’est que le sauvetage bancaire, les 41,3 milliards d’euros prêtés par la Mécanisme Européen de Stabilité (MES), ce sont les chômeurs et chômeuses qui l’ont déjà payé.
DIFFERENCE AVEC LE BUDGET 2011 ET COUPE TOTALE EN CINQ ANS
SOURCE : Comptes et budgets de l’Etat. Données en millions d’euros
La conclusion de ce suivi des budgets annuels du SEPE est simple. Le gouvernement, année après année, a coupé dans les fonds des politiques de l’emploi une quantité équivalente au prêt qu’il a reçu en faveur de la banque. Le sauvetage des banques, ce sont les chômeurs qui l’ont remboursé avec moins de prestations de chômage et moins de possibilités d’emplois suite aux coupes dans les politiques actives d’emploi de l’Etat. Cette conclusion, absolument choquante, ne souffre aucune nuance. Les chiffres sont ce qu’ils sont : 41,346 milliards face à 41,3 milliards d’euros.
Qui plus est, comme le budget du SEPE a diverses sources, dont les impôts et les cotisations sociales, le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy a diminué de 70% en cinq ans la contribution issue de l’impôt. Alors que l’Etat apportait au SEPE 45% de son budget en 2011, en 2016 ce ne sera plus que 16,4%, d’un montant total en baisse. Mais pendant ces cinq ans, il baissait de 45% l’impôt sur les revenus annuels supérieurs à 60’000 euros (http://www.nuevatribuna.es/articulo/economia-social/pp-ha-retirado-77-aportaba-estado-politicas-empleo/20150805105735118797.html )
Tout gouvernement qui prétend être une alternative au Parti Populaire doit nécessairement corriger cette situation et s’engager, dès le premier moment, en modifiant ce budget honteux pour 2016, à rendre aux chômeurs et chômeuses des prestations pour le moins similaires à celles du budget 2011.
Les personnes au chômage ont déjà payé dans leur propre chair une crise qu’elles n’ont pas provoquée. Elles en ont souffert en perdant leur emploi et donc leurs moyens d’existence. Le PP a fait en sorte qu’elles ne reçoivent pas les indemnités de licenciement qui leur revenaient en modifiant la règle légale. Il a permis qu’on les licencie des motifs divers. En outre, le PP les a dépouillées des mesures dont elles avaient besoin: salaires de remplacement, formation, expérience professionnelle, afin de payer le sauvetage des banques. Il ne peut pas y avoir une alternative sans qu’on leur rende ce qu’on leur a enlevé. Il faut un engagement à maintenir le budget du SEPE à 40 milliards d’euros, pour le moins, tant que le chômage ne descendra pas en dessous de 3 millions de personnes. (Article publié dans nuevatribuna.es, le 11 août 2015; traduction A l’Encontre)
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[1] Quatre banques ont été «nationalisées» en 2012: Bankia, Catalunya Caixa, Nova Caixa Galicia et Banco de Valencia, avec l’objectif soit de les revendre, soit de les restructurer dans un ensemble une fois «nettoyées» des prêts «douteux». En outre, une «bad bank» a été créée ayant pour nom «Société de gestion des actifs procédant de la restructuration bancaire», dans laquelle l’Etat détient 45%. Les prêts immobiliers pourris des banques «nationalisées» y sont placés avec l’objectif d’une revente (des biens immobiliers) sur une période de 15 ans. L’Etat, le gouvernement et les dirigeants du système bancaire, ces derniers ayant la main, ont combiné: recapitalisation des banques (grâce à l’injection de liquidités); nationnalisation fonctionnelle pour le capital d’un certain nombre avec l’objectif de les remettre en mains privées; réduction du nombre de banques, donc concentration et centralisation du capital bancaire. Le résultat: les banques ont dégagé des profits dès le second trimestre 2013. De quoi faire la démonstration de la fonction de l’Etat par rapport aux besoins et exigences des dominants. (Réd. A l’Encontre)
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