Vendredi 31 juillet 2015 au matin était découvert l’incendie criminel revendiqué par l’organisation juive terroriste politico-religieuse Tag Mehir d’une maison palestinienne à Douma. Le jeudi soir 30 juillet, un juif ultraorthodoxe poignardait six participant·e·s à la Gay Pride à Jérusalem; une jeune fille de 16 ans décédait dimanche 2 août. Les incendiaires inscrivent leurs agissements dans la perspective d’extension de la colonisation, l’étayant sur des considérations religieuses. L’auteur de l’attaque contre la Gay Pride – Yishai Schlissel, un Haredi [1], récemment sorti de prison, qui avait déjà poignardé trois participants à la Gay Pride de 2005 [2] – se réfère à une idéologie religieuse dont les piliers sont Daat Thora (Ce que dit la Torah) et Emounat hahamim (La foi dans les sages). Cette mouvance a trouvé un relais politique avec des partis comme le Shass, qui défend les intérêts de ce secteur ultraorthodoxe.
Samedi 12 août, des milliers d’Israéliens ont manifesté dans plusieurs villes d’Israël, à l’appel du mouvement «La paix maintenant» contre l’attentat perpétré à Douma et l’attaque contre les manifestants de la Gay Pride.
Suite aux déclarations du premier ministre Benyamin Netanyahou qui condamne ces crimes et promet leur punition, tant les Palestiniens que la gauche officielle israélienne lui attribuent la responsabilité de l’impunité des extrémistes juifs et d’une politique étatique constante de conquête et de terreur qui ne peut que leur donner la conviction qu’ils sont justifiés dans leurs activités terroristes. A propos de l’incendie criminel, Noam Sheizaf, le 3 août, dans la publication israélienne en ligne +972, indique, à juste titre, que la responsabilité repose tout autant sur ceux qui, dans «la gauche officielle» (Parti travailliste), pensent que «l’occupation est acceptable» et doit se perpétuer, si ce n’est s’étendre. Il en conclut que «sans combattre l’occupation il n’y a pas de chance de bataille victorieuse contre le terrorisme juif».
«Le prix à payer»… de la colonisation
Vendredi dernier, en pleine nuit, deux extrémistes juifs, du milieu des colons en Cisjordanie occupée, jetaient par la fenêtre un cocktail Molotov dans la maison où dormait une famille palestinienne à Douma, un village de 3000 habitants près de Naplouse, dans le nord des Territoires occupés. L’incendie fut immédiat. Un bébé d’un an et demi, Ali Dawabsheh, mourait calciné. Sa famille est hospitalisée dans un état grave, sa mère, Reham, est brûlée au troisième degré sur 90% de son corps, son père Saad, au deuxième degré sur 80%, son frère, Ahmad, au deuxième degré sur 60%. Les voisins ont trouvé les trois blessés gisant devant la maison en feu et le bébé calciné à l’intérieur. Les attaquants ont incendié la maison voisine aussi mais elle était vide. Ils ont écrit dessus «vengeance» en hébreu et dessiné une étoile de David. Les voisins les ont vus fuir vers la colonie de Maale Efraim, toute proche, considérée illégale par les Nations Unies et les gouvernements de ladite communauté internationale.
D’après la police israélienne, les deux incendiaires appartiendraient à l’organisation extrémiste juive Tag Mehir, «Le prix à payer», qui prétendait réagir ainsi contre la destruction deux jours auparavant par les forces israéliennes de deux maisons de colons juifs à Beit El, près de Ramallah, qui avaient été déclarées illégales par la Cour suprême, et contre l’expulsion de quelques dizaines de colons d’une autre colonie illégale près de Naplouse. Face aux colons qui manifestaient leur indignation, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, avait aussitôt annoncé la construction de 300 nouvelles maisons dans la même colonie d’implantation de Beit El. Ces groupes comme Tag Mehir agissent pour démontrer la faiblesse du pouvoir colonial gouvernemental qui ne voudrait pas vraiment accentuer sa mainmise sur la Cisjordanie. Et chaque crime contre des habitants palestiniens s’accompagne d’une formule: «Il faut leur donner une leçon.» Une analogie peut être tracée avec les actions de l’OAS (Organisation armée secrète) en Algérie dès 1961, qui s’attaquait aussi bien aux Algériens qu’à certaines personnalités françaises, officielles ou non, «prêtes à lâcher l’Algérie française».
Ainsi, lorsque le président d’Israël, Reuben Rivlin, déclare qu’il ressent «…honte et douleur… pour eux qui ont choisi le chemin du terrorisme et ont perdu leur humanité», il reçoit de suite des menaces de mort sur les réseaux sociaux de la part de ces extrémistes. Et sur Facebook, la qualification suivante s’affirme: «Rivlin, youpinet traître, que ta mémoire soit oubliée.»
L’organisation israélienne de défense des Droits humains, B’Tselem a comptabilisé depuis août 2012 neuf maisons de Palestiniens en Cisjordanie incendiées par des civils israéliens, en plus de mosquées et de cultures. B’Tselem rappelle qu’il y a quelques semaines, un groupe de personnes a lancé un cocktail Molotov dans un taxi dans lequel voyageait une famille palestinienne qui fut grièvement blessée. Les Nations Unies ont compté depuis le début de l’année jusqu’au 6 juillet 112 agressions par des extrémistes juifs contre des Palestiniens ou leurs propriétés, dont 39 ont fait des blessés. En 2014, il y avait eu 312 agressions de ce type. Pour B’Tselem, «un événement comme l’assassinat d’un bébé d’un an n’était qu’une question de temps». B’Tselem attribue cela à la passivité des autorités israéliennes: «Cette politique crée l’impunité pour les crimes de haine et encourage les attaquants à continuer.» La police israélienne soupçonne les attaquants d’être en relation avec l’attaque incendiaire au mois de juin de l’église de Tabgah, près de Tibériade au nord d’Israël, où la tradition situe le miracle de Jésus des pains et des poissons. Pour B’Tselem, «le fait que la police n’a pas résolu ces cas n’est pas le fait du destin, mais de la non-application de la loi contre les colons violents» [3].
Il faut toutefois rappeler que la majorité des Palestiniens tués en Cisjordanie le sont par l’armée israélienne, baptisée du nom de IDF (Armée de défense d’Israël). En outre, Noam Sheizaf, dans l’article cité, indique que l’Autorité palestinienne dépense 25% de son budget pour la sécurité, «dont le but est plus de protéger les Israéliens que les Palestiniens». Des «opérations de sécurité» qui se font en collaboration avec les services israéliens.
Occupation coloniale et racisme
Dans son article du 3 août, contre «l’esprit malin» de l’extrémisme juif, l’écrivain israélien David Grossman écrit justement: «Avec une sorte d’obstinée négation de la réalité, le premier ministre et ses partisans se refusent à comprendre dans toute sa profondeur la vision du monde qui s’est cristallisée dans la conscience d’un peuple conquérant après presque cinquante ans d’occupation. C’est-à-dire l’idée qu’il existe deux types d’êtres humains. Et que le fait que l’un est soumis à l’autre signifie, probablement, qu’il est inférieur par sa nature même.» [4]
David Grossman condamne «la haine maligne» et le «maximalisme» des extrémistes juifs, mais il ne dit strictement rien dans son article de leurs justifications religieuses. Le théocratisme inspire de manière omniprésente les lois israéliennes qui privilégient ses citoyens juifs, qui attribuent un monopole d’Etat aux prescriptions des rabbins orthodoxes contre les rabbins «conservateurs» et «libéraux».
Ce théocratisme officiel, malgré les apparences de laïcité, ne peut que donner un avantage «moral» aux fanatiques religieux, violents ou non-violents, ainsi justifiés de se considérer plus conséquents et fidèles à l’idéal même de l’Etat d’Israël.
Et le Centre Alternatif d’Information de Jérusalem a raison de rappeler hier sur son site internet que le terrorisme juif a accompagné le sionisme dès le début. [5]
Le «djihadisme juif»
Le 3 août 2015, Libération publie un article de Nissim Behar sur l’univers halluciné des extrémistes religieux juifs violents. Il écrit: «On s’engueule beaucoup dans la salle des pas perdus des palais de justice israéliens. Et l’on s’y bat parfois. Jeudi à Nazareth, ce sont pourtant des cris de joie qui ont résonné devant la porte du tribunal de district (l’équivalent d’une cour d’appel) lorsque Moshe Orbach, 24 ans, a été autorisé à quitter la prison pour être assigné à résidence. Cette décision était tellement inattendue que son avocat en a eu la larme à l’œil.
»Considéré comme «extrêmement dangereux» par le Shabak (la Sûreté générale israélienne, plus connue en Europe sous son ancien nom de «Shin Beth»), cet habitant de Bnei Brak (une ville ultraorthodoxe jouxtant Tel-Aviv) est en effet soupçonné d’avoir participé à de nombreuses attaques anti-musulmanes. Il est également accusé d’avoir, avec trois autres individus, mis le feu le 18 juin à l’église de la Multiplication, un important lieu saint chrétien de Tibériade.
»Si Orbach avait été palestinien, il aurait été jugé de manière expéditive par un tribunal militaire siégeant à Beth El, une colonie de Cisjordanie, et aurait écopé vite fait d’une peine de prison d’au moins quinze ans. Mais en tant que ressortissant d’Israël, il est jugé par une cour pénale. Orbach est considéré comme un délinquant «ordinaire» et bénéficie des nombreux droits accordés aux prévenus.»
Pendant ce temps, continuer à abattre légalement des Palestiniens
Les manifestations de Palestiniens de vendredi ont vu deux jeunes manifestants tués par l’armée israélienne: Laith al Jaldi, 17 ans, résident du camp de réfugiés de Jalazon, a été abattu près de Birzeit, parce qu’il aurait lancé un cocktail Molotov contre les soldats, et Mohammed al-Masri, 17 ans aussi, près de la barrière de la bande de Gaza parce qu’il lançait des pierres contre les soldats et qu’il n’obtempérait pas aux ordres de se tenir à distance de la barrière. L’agence d’information Maan comptabilise depuis le début de l’année une vingtaine de tués par les forces de l’ordre israéliennes. [6]
Le gouvernement israélien, comme d’ailleurs à sa manière aussi la gauche officielle israélienne, fait campagne pour condamner «le terrorisme d’où qu’il vienne», des extrémistes juifs comme des Palestiniens. Donc dans la pratique, pour les premiers, mesures de sécurité avec gants de velours, pour les seconds, toute la gamme de la répression coloniale, avec son étayage légal, comme l’illustrent deux articles portant sur deux lois récentes lois et un projet de loi. (A l’Encontre)
[1] Les Haredim – haredi signifie «craignant Dieu» – sont des ultraorthodoxes juifs, divisés en divers courants.
[2] Haaretz, 2 août 2015.
[3] El Pais, 1er août 2015.
[4] El Pais, 3 août 2015.
[5] http://www.alternativenews.org/english/index.php/aicoment/959-silence-is-complicity.
[6] El Pais, 2 août 2015.
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Alimentation de force des grévistes de la faim palestiniens: écraser la dernière résistance
Par Haggai Matar
Un mois après la grève de la faim couronnée de succès du prisonnier administratif Khader Adnan, la Knesset a voté une loi pour autoriser l’alimentation de force des prisonniers palestiniens.
Jeudi dernier, tôt le matin, la Knesset a voté une loi qui autorise l’alimentation de force des prisonniers faisant la grève de la faim dans les prisons israéliennes. La loi a été votée à une faible majorité de 46 contre 40.
La prétendue loi de la grève de la faim, considérée plus «douce» que le projet de loi que le gouvernement a présenté en juin, prévoit qu’un juge peut autoriser l’alimentation de force, ou l’ingestion de force d’un médicament, s’il existe une menace pour la vie du prisonnier. Cela s’applique même si le prisonnier refuse.
Cette loi fait suite à la grève de la faim de plus de 50 jours couronnée de succès du prisonnier administratif palestinien Khader Adnan le mois dernier [voir à ce propos l’information donnée le 12 juillet par l’Alternative Information Center à la fin de cet article].
C’était la deuxième longue grève de la faim d’Adnan contre sa détention administrative. En 2012 déjà, il avait gagné sa libération par un accord semblable qui mettait fin à une grève de la faim de sa part. La plupart des grèves de la faim qui ont eu le plus de retentissement ont été le fait de détenus administratifs palestiniens qui sont maintenus en prison sans jugement ni procès.
L’Association médicale israélienne (IMA) déclarait depuis longtemps que ses médecins refuseraient de pratiquer la procédure. Par le passé, le président de l’Association médicale d’Israël, le Dr.Leonid Edelman, déclarait que l’IMA ne protégerait pas les médecins qui seraient mis en jugement par la Cour de justice internationale. La prise de position de l’IMA est louable, même si elle découle de la peur de sanctions par l’Association médicale internationale.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère l’alimentation de force comme une forme de torture. Dans l’histoire d’Israël, pas un seul prisonnier n’est décédé du fait de sa grève de la faim, grâce à la sage conduite tant des prisonniers eux-mêmes que de l’Etat qui en est souvent arrivé à des solutions diplomatiques. Par contre, cinq prisonniers sont morts quand on les a alimentés de force avant que la pratique soit arrêtée par le Service israélien des prisons (IPS). La Knesset nous ramène donc aujourd’hui à ces jours passés de graves blessures, tortures et menaces de mort contre les prisonniers.
L’IMA doit faire circuler une pétition massive parmi les médecins israéliens qui refusent de pratiquer cette procédure. Elle doit procurer une formation spéciale tout particulièrement pour les médecins travaillant dans les hôpitaux qui soignent les grévistes de la faim, ainsi que pour les médecins du Service des prisons, afin de leur expliquer pourquoi ils ne doivent pas participer à des alimentations de force, et à quels dangers ils s’exposent s’ils violent l’éthique médicale, et quelle sorte de soutien ils recevraient si et quand ils refuseraient de prendre part à cette pratique.
En outre, il faut rendre bien clair que des prisonniers qui font la grève de la faim ne menacent pas l’Etat d’Israël. Le vrai danger réside dans la glissade qui commence par un régime militaire vieux de 50 ans dans les Territoires occupés, et qui continue au travers de la suppression de toute forme de résistance palestinienne – tant violente que non violente – et par la tentative d’écraser la dernière et seule forme de protestation qui reste aux prisonniers.
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Haggai Matar est un ancien journaliste des quotidiens israéliens Ha’aretz et Ma’ariv et il est un des cofondateurs du site +972. Cet article a été publié le 30 juillet 2015.
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Alternative Information Center précise: Khader Adnan avait été libéré le 12 juillet dernier, après 55 jours d’une grève de la faim qu’il avait entamée le 8 mai dernier. En janvier dernier, il avait fait une grève de la faim d’une semaine pour avertir qu’il ferait une grève de la faim illimitée si sa détention sans accusation ni jugement était renouvelée. Durant sa grève de la faim, il ne prenait que de l’eau et du sel, et il était attaché dans son lit de l’hôpital Assaf Harofeh.
Sa libération a eu lieu à l’aube et n’avait pas été annoncée à sa famille, afin de prévenir une manifestation de bienvenue et de célébration de sa libération comme une défaite du système israélien de détention administrative.
Il y avait début juillet plus de 400 prisonniers palestiniens en détention administrative. Deux d’entre eux, Muhammad Allan et Uday Isteti sont en grève de la faim depuis 25 et 24 jours.
Le Réseau Samidoun de Solidarité avec les Prisonniers Palestiniens (http://samidoun.ca/) a félicité Khader Adnan et rappelle qu’il y a environ 5000 Palestiniens dans les prisons israéliennes.
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De nouvelles lois répressives
Une semaine après le vote par la Knesset d’une nouvelle loi instaurant des peines de 10 à 20 ans de prison pour les lanceurs de pierres «sans que la justice ait à démontrer leur intention de nuire, Ayelet Shaked, la ministre de la Justice du gouvernement Netanyahou, membre de son associé de coalition gouvernementale Foyer juif, d’extrême-droite, a élaboré un projet de loi de 137 articles, le plus long de l’histoire législative de l’Etat d’Israël, pour durcir toutes les dispositions légales répressives.
Ce projet de loi prévoit: jusqu’à 25 ans de prison pour des soupçons ou accusation de «complicité de terrorisme»; l’assimilation à des organisations terroristes des fondations caritatives musulmanes opérant à Jérusalem-Est, en Israël même, ainsi qu’en Cisjordanie occupée; l’impossibilité absolue de libérer des prisonniers condamnés pour terrorisme dans le but de les échanger contre des Juifs enlevés, comme le caporal Gilad Shalit, libéré ainsi de Hamas à Gaza en octobre 2011, contre un millier de prisonniers palestiniens, échange qui avait suscité la campagne électorale de Foyer juif.
Dans les prochains mois, la ministre Ayelet Shaked déposera des lois pour que les ONG israéliennes de défense des droits humains qui reçoivent des subventions de l’étranger pour plus de 50’000 dollars, comme par exemple B’Tselem, de la part de l’UE et de la Suisse, doivent payer des impôts de 37% alors qu’elles en sont exemptées aujourd’hui. (Selon l’article de Serge Dumont, dans Le Temps, 28 juillet 2015).
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