Par Jacques Chastaing
Les informations qui nous parviennent d’Égypte au travers des grands médias se résument à la montée du terrorisme islamiste, à la forte répression du régime à l’encontre des Frères Musulmans et à la crise du tourisme. Si l’on cherche l’information du côté des forces révolutionnaires démocratiques, l’accent sera mis sur l’incroyable violence répressive du régime militaire de Sissi, non seulement contre des Frères Musulmans mais aussi – avec l’aide d’une partie de l’opposition laïque, démocrate, nassérienne et de gauche qui a soutenu ou soutient encore Sissi – contre la liberté d’expression, des journalistes, des artistes, des intellectuels, des athées, des homosexuels et de tous ceux qui les défendent. L’arbitraire et la férocité répressive de Sissi ont en effet largement dépassé ceux de tous ses prédécesseurs, Moubarak compris.
Une répression terrible et ses conséquences
Aujourd’hui, le régime condamne à mort des centaines de Frères Musulmans y compris Morsi, emprisonne nombre de figures de la révolution de 2011 et des milliers et des milliers de militants révolutionnaires ou simplement laïcs, athées, démocrates ou syndicalistes, censure la presse, interdit les manifestations et étrangle le droit de grève, dissous les clubs de supporters de foot «Ultra» en décrétant que ce sont des organisations terroristes, menace de classer le «Mouvement du 6 avril» parmi les groupes terroristes, accuse les «Socialistes Révolutionnaires» de conspirer avec des forces étrangères pour semer le chaos dans les rues égyptiennes, discute d’interdire les syndicats indépendants et interdit la grève aux employés de l’État…
La répression est telle qu’il semble ne plus que lui rester à dissoudre le peuple ou à l’interdire… En même temps, il libère, amnistie et réintroduit dans le système ceux que la révolution avait renversé, à commencer par Moubarak, sa famille et les membres de son parti, le PND (Parti national démocratique), policiers et militaires violents, hommes d’affaires corrompus, qui envahissent à nouveau les coulisses du pouvoir.
Ainsi, bien des militants démocrates révolutionnaires réprimés, persécutés, emprisonnés, parfois tués sont le plus souvent découragés. Le paysage politique pour eux s’en trouve fortement déprimé, borné à la bipolarité des deux impasses que sont l’État militaire et les Frères Musulmans. Bref, pour eux la révolution a échoué, n’étant plus qu’un lointain souvenir.
Et ici, comme un lointain écho, certains se demandent si la révolution a été bien utile et même parfois s’il y a eu une vraie révolution, retrouvant alors parfois le même fond plus ou moins conscient de préjugés paternalistes qui leur avait fait regarder les soulèvements des peuples arabes avec beaucoup de distance et peu d’espoir en leur avenir.
Des luttes sociales nombreuses malgré les obstacles
Pourtant, ce qui est frappant aujourd’hui,c’est que les luttes sociales continuent et ne fléchissent pas. Soulignons-le: malgré la censure qui frappe les organes de presse, malgré le peu d’intérêt que la majeure partie d’entre eux porte aux luttes sociales, les luttes ouvrières sont visibles et continuent malgré la répression quotidienne où tout individu qui s’oppose au régime est classé islamiste, c’est-à-dire pour le régime, terroriste, et donc peut-être licencié, arrêté, emprisonné, torturé voire tué dans l’arbitraire le plus total.
Tout récemment, la Haute Cour Administrative a ainsi décidé que la grève d’un fonctionnaire devenait un crime, exposant chaque employé de l’État qui a fait grève ces dernières années à des poursuites. Elles peuvent aller de la simple absence de promotion au licenciement mais aussi à la prison. Par exemple, un militant vient d’être condamné à 6 mois de prison ferme pour n’être que simple porteur d’un tract relatant la grève de salariés réclamant leur salaire; ou encore quatre militants ouvriers de l’aciérie d’Helwan – actuellement en grève de la faim – car ils sont «déplacés» sur un autre site au motif qu’ils ont animé une grève en 2011 ; cela à l’instar de comme beaucoup d’autres ouvriers ou militants dans ce cas. On parle parfois de 15’000 travailleurs «démissionnés» depuis 2011 pour fait de grève ou de résistance au patron.
Il faut encore souligner que les luttes continuent bien que les organisations de gauche et nassériennes aient fait appel à Sissi contre la seconde révolution de juin 2013, aient soutenu le régime de longs mois ou le soutiennent encore pour certaines d’entre elles.
Et puis, elles continuent aussi malgré le fait que la principale confédération syndicale du pays (ETUF) est plus une organisation policière au service du régime qu’un véritable syndicat. Ainsi, pour le premier mai 2015, l’ETUF a appelé à «finir les grèves et augmenter la production et le travail». Enfin, ces grèves continuent bien que les deux principales confédérations syndicales indépendantes nées de la révolution de 2011 (aujourd’hui il y en a 6), EFITU et EDLC, soutiennent le pouvoir, aient fait la campagne électorale de Sissi, aient donné à son gouvernement son premier ministre du travail et aient renouvelé en 2013 comme en 2014, les appels à cesser les grèves et à produire avant tout.
Des grèves économiques dans tous les secteurs, mais aussi souvent politiques
La Tunisie post-révolutionnaire connaît chaque année un nombre croissant de grèves. Ce n’est pas le cas en Égypte. Mais cela parce que l’année 2013, lorsque Morsi était au pouvoir, a connu à l’échelle de l’histoire et du monde des chiffres jamais atteints. A côté, la révolution russe paraît un long fleuve tranquille. Ce qui fait que les comparaisons doivent être faites à cette mesure.
Au premier trimestre 2015, étaient recensées 393 grèves ou manifestations ouvrières contre 1420 durant la même période en 2014. Mais la comparaison souffre du fait que le premier trimestre 2014 a été lui aussi exceptionnel de ce point de vue, faisant même chuter le gouvernement de Sissi de l’époque. En fait le nombre de grèves des autres trimestres de 2014 a été du même niveau que celui de ce début d’année 2015, un niveau élevé, tout spécialement dans une dictature qui interdit les grèves.
Pour ne parler que des dernières grèves parmi les plus importantes, il y a eu en mars des grèves des 600 salariés de la Compagnie des ciments de Suez et de quatre autres usines du groupe (filiale d’ItalCiment), des ouvriers des aciéries de Suez, de ceux l’aciérie d’Helwan près du Caire, des 1000 ouvriers d’un des principaux ports, Ain Sokhna, d’une partie des boulangers d’Alexandrie, des instituteurs… En avril, des 3000 ouvriers des Ciments de Tourah (qui durera un mois et demi), des Huiles et Savon de Suez, de la distribution des journaux, de la distribution chez Metro Market, des 3000 salariés de la Compagnie du gaz (trois semaines), des 1700 salariés de la Société Égyptienne Immobilière (au moins une semaine), des 1700 salariés de la Compagnie de construction et des 4000 salariés de la compagnie Beheira à Giza, des ouvriers et employés de l’université américaine du Caire, (soutenus par les étudiants), des étudiants de l’Institut de technologie d’Ismaïlia… Il y a aura aussi la démission collective de 224 pilotes d’Air Égypte début mai, l’annonce d’une grève des journalistes en juin…
Les revendications de ces grèves sont multiples, mais tournent le plus souvent pour ce qui est des revendications économiques autour des conditions de travail, des salaires et de la participation aux bénéfices.
Ce qui est marquant, c’est que le gouvernement a beau intensifier la répression et multiplier les lois répressives, «personne ne respecte la loi» comme le faisait remarquer un gréviste. Depuis mars 2011, chaque gouvernement a ainsi limité ou interdit grèves et manifestations, multipliant les lois dans ce sens et pourtant les grèves et manifestations ont continué, même dans les prisons, avec les grèves de la faim.
Le «Mouvement du 6 avril est dissous», mais il tient des conférences de presse publique ; les «Ultras» sont décrétées terroristes, mais la blogosphère des supporters défie au quotidien les autorités, affirmant haut et fort que le mouvement «Ultra» est un mouvement d’idées et qu’il n’a pas besoin de gilet pare-balles; les grèves sont quasi interdites, mais il y en a 5 importantes par jour.
Un des exemples les plus visibles de cet état de fait a été, fin janvier 2015, ce qu’on a appelé «La république de Matariya». Pendant plusieurs jours, les habitants de ce quartier très populaire du Caire se sont insurgés, chassant les policiers du quartier, brûlant leurs véhicules, réussissant à établir, malgré une violence inouïe de la répression, une zone où la police ne faisait plus la loi. Et tout cela n’a rien à voir avec les Frères Musulmans, même si la presse aux ordres dénonce chaque protestation, de quelque nature qu’elle soit, comme le fait des islamistes.
Cette situation fait que les revendications économiques sont toujours très proches des exigences politiques qui portent, elles, bien sûr, sur la dénonciation de la répression, mais aussi sur la corruption des dirigeants, l’exigence de leur limogeage et la renationalisation des entreprises récemment privatisées comme tout récemment encore à Tanta Lin, aux ciments de Tourah ou dans l’usine textile géante de Mahalla El Koubra.
On retrouve là ce qui a fait le fond des revendications ouvrières pendant les révolutions de janvier 2011 et juin 2013 ou encore lorsque le gouvernement Beblawi a été renversé en février 2014, à savoir que la révolution ne voulait pas tant la chute de Moubarak que la chute de tous les petits Moubarak à tous les échelons de l’économie et de l’appareil d’État pour une mise des ressources économiques sous le contrôle du peuple. Bref, le programme embryonnaire d’une révolution sociale.
Or ce courant qui a joué un rôle majeur dans la révolution n’a jamais eu d’expression politique sauf en mars-avril 2014 lorsque la grève des médecins pour une santé pour tous a cherché à s’associer aux ouvriers en lutte contre les privatisations en réalisant tout à la fois pour la première fois dans l’histoire de la révolution égyptienne, des coordinations interprofessionnelles sous contrôle des grévistes eux-mêmes et, en même temps, un programme populaire et révolutionnaire regroupant les principales revendications du peuple égyptien.
C’est cette émergence si dangereuse pour les notables qui a décidé Sissi à se présenter aux présidentielles pour couper court à cette évolution avec d’abord une posture démagogique nassérienne pour ensuite déclencher une répression féroce à la hauteur de la peur des possédants, les deux durant toujours. On le voit aux hésitations permanentes du pouvoir entre le talon de fer de la répression la plus féroce et les déclarations les plus rassurantes stigmatisant ses propres ministres pour calmer la montée des colères alors qu’il est clair aux yeux de tous qu’il est incapable de régler les problèmes économiques du pays.
Les grèves n’ont jamais cessé depuis 2006
Par facilité de pensée, on admet trop souvent que la révolution a donné naissance au mouvement des grèves.
Or si c’est en partie vrai – on l’a vu avec l’explosion des syndicats indépendants après janvier 2011, on a vu aussi que ces nouvelles confédérations indépendantes se sont rapidement opposées aux grèves – c’est globalement faux. Il y a eu seulement une accélération d’un processus commencé avant, et qui continue aujourd’hui à ce niveau porté plus haut.
Il vaudrait donc mieux dire que les révolutions de 2011 comme de 2013 n’ont pas déclenché ce processus, mais l’ont révélé, en ont démontré la force alors que ce mouvement existait bien avant; en fait depuis 2006.
Sous Moubarak, en 2006-2007, malgré sa dictature, on comptait en effet déjà une grève par jour. Ce qui était exceptionnel et n’était pas arrivé depuis…1951. Et aujourd’hui, en ce début 2015, nous en sommes à 4 ou 5 grèves importantes par jour.
En raisonnant ainsi, on voit que la chute de Moubarak devient un épisode d’une phase plus longue et non pas son principe explicatif. Cette chute a en effet été trop souvent perçue, quoi qu’on en ait dit, comme un «début», un point de départ et en même temps, un aboutissement. Comme si le renversement de Moubarak devenait le point d’orgue de la révolution et résumait, concentrait, expliquait mais aussi clôturait toute «la» révolution.
Bien sûr, des observateurs ont signalé, avec le rôle important des luttes ouvrières dans le renversement de Moubarak, que cette période de luttes s’était ouverte bien avant, à partir de 2004-2005, avec une montée significative de 2006 à 2009. D’autres, ou les mêmes, ont indiqué que la révolution devait se penser sur une durée longue car le régime actuel ne pourrait pas satisfaire aux problèmes économiques et sociaux à l’origine de la poussée révolutionnaire et qu’il y serait à nouveau confronté un jour ou l’autre. Enfin, certains voyaient bien que la chute de Moubarak, lâché par l’armée, n’était qu’un moyen de faire semblant de satisfaire aux exigences révolutionnaires prolétariennes tout en sauvant l’essentiel. Enfin, lié à cela, quelques-uns notifiaient que le renversement de Moubarak n’était pas l’objectif de cette révolution pour le «pain,la justice sociale et la liberté» mais cherchait dans cet objectif le renversement de tous les petits Moubarak à tous les niveaux de l’économie, de la propriété ou de l’État.
Le problème est qu’aucune organisation politique, aucun courant intellectuel ne s’est réellement fait l’expression de cette révolution sociale qui se cherchait sous la révolution démocratique.
Et même parmi ceux qui avaient remarqué le phénomène, aucun ne s’est avéré capable de définir ou même de chercher une politique ouvrière et socialiste indépendante – à part dans le très court espace de mars et avril 2014 – qui aurait permis l’expression des aspirations de cette révolution ouvrière.
Des luttes ouvrières qu’il faut penser à l’échelle mondiale
Si l’on prend au sérieux les grèves actuelles, qu’on les voit comme la continuité de celles de 2006, ça signifie que les luttes ouvrières actuelles ne sont pas le résidu, la fin ou la queue d’une comète révolutionnaire en train de s’éteindre, mais l’expression profonde de cette révolution qui continue à se chercher sans toujours pour le moment trouver d’expression politique.
Et si on raisonne ainsi, c’est-à-dire qu’on lie la révolution sociale invisible en cours et en recherche d’elle-même, il faut la relier aux questions économiques qu’a rendues très visibles le «gouvernement des millionnaires» de 2004-2005 par son énorme vague de privatisation et de libéralisation. Bref, cela veut dire qu’on lie cette révolution sociale non pas simplement à un phénomène égyptien, voire arabe, ou lié au chômage, ou à tel ou tel ou tel autre problème social local, mais à la vague de libéralisme intervenue depuis les années 1990 dans la sphère économique mondiale sous l’impulsion de la crise économique planétaire et au signal du gouvernement Reagan en 1985.
Cela signifie qu’on n’a pas affaire en Égypte à un mouvement de lutte contre un régime dépassé, archaïque, isolé, mais à un mouvement de luttes qui cherche à mettre un cran d’arrêt à la vague mondiale de libéralisme devant laquelle les travailleurs égyptiens – et bien d’autres – ont d’abord baissé la tête durant les années 1990 et au début des années 2000.
Soyons clairs, ces luttes en Égypte ne gagnent pas tout le temps, loin de là. Mais elles gagnent suffisamment – il y a eu par exemple un quasi-doublement du Smic pour les fonctionnaires d’État, ou les salariés des ciments de Tourah en ce mois de mai ont obtenu presque tout ce qu’ils demandaient – mais, surtout, elles ne cessent pas. Ce qui fait que sans empêcher la vague libérale de continuer, ces grèves y mettent un sérieux frein et posent un problème aux capitalistes: les ouvriers ont cessé de subir et d’accepter.
Il faut donc lier ce qui se passe en Égypte à ce qui se passe dans de nombreux pays émergents, de la Tunisie, ou dans le monde arabe bien sûr, mais aussi aux luttes du Bangladesh en passant par celles de Turquie, du Brésil ou de toute l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui, mais surtout de la Chine, et constater qu’on a là le même mouvement.
En Chine, en 2010, une vague de grèves a mis un point d’arrêt au libéralisme effréné, au recul sans fin, ouvrant à une période de hausse des salaires qui ne peut qu’avoir des conséquences mondiales. Aucun prolétariat, exploitable corps et âme, ne peut remplacer le prolétariat chinois étant donné l’ampleur numérique de ce dernier. La Chine de 2010 a ainsi mis un coup d’arrêt à la vague libérale initiée dans les années 1990.
Or, c’est dans ce contexte que s’est faite la chute de Moubarak et à partir de là qu’il faut penser les événements du Burundi ou du reste de l’Afrique; c’est pour ça que le mouvement en Égypte continuera comme ailleurs et que sa solution se trouvera à l’échelle mondiale, au Moyen Orient, en Afrique, en Chine… ou ici, et que nous y sommes tous donc totalement impliqués.
L’orientation qui en découle
Plus que jamais nous devons raisonner à cette échelle et en internationalistes.
Mais posons la question: qui aujourd’hui, ne pense pas la révolution en Égypte isolée, tout juste liée à la tunisienne et encore, et de là qu’elle est finie, que la contre-révolution a gagné, ou, en tout cas, qu’elle est sur une voie tellement déclinante qu’elle est moribonde?
Et qui, dans ceux qui pensent quand même qu’on a affaire à un phénomène long et le liant au contexte international, ne se demandent cependant pas si cette analyse n’appartient pas seulement à l’éternel «optimisme révolutionnaire» de principe, à une espèce de décor théorique artificiel plaqué sur une réalité déprimante?
Qui se dit, en poussant l’idée jusqu’au bout, que le plus probable pour comprendre ce qui se passe et définir une orientation, est qu’un nouveau cycle de luttes ouvrières a commencé dans l’ensemble des pays émergents, dont l’Égypte et le monde arabe ne sont qu’une des expressions, avec toutes les variations possible suivant la situation des pays et son entrée dans la vague libérale mondiale?
L’épisode de la chute de Moubarak au mitan de ce cycle de luttes ouvrières n’est pas directement lié à lui, mais s’est produit lorsque la révolution sociale a croisé la révolution démocratique, réactivée brutalement elle-même par la chute de Ben Ali en Tunisie, alors qu’elle était moribonde à ce moment en Égypte. C’est l’impulsion tunisienne qui a réveillé le mouvement démocratique, mais c’est la révolution ouvrière en puissance qui a donné sa force et son énergie à ce courant démocratique, qui l’a poussé jusqu’à des positions révolutionnaires au-delà de ses habitudes et de ses dirigeants habituels, poussant la jeunesse devant, occupant les places , se faisant entendre à l’échelle internationale et lui a permis d’aller jusqu’au renversement de Moubarak et de Morsi. C’est cette révolution sociale qui a fait que l’armée a choisi de lâcher – momentanément – Moubarak, sacrifiant l’ombre pour la proie.
Mais cette attitude de l’armée, s’appuyant sur la révolution démocratique pour maîtriser la révolution sociale, permettait à cette première de se mettre à la tête de la révolution social, rendant ainsi la seconde invisible à ses propres acteurs, en même temps que les secteurs les plus timorés de la Démocratie n’avaient cesse, eux, depuis 2011 de combattre la révolution sociale en cherchant en permanence l’alliance avec les forces réactionnaires, religieuses ou militaires et saper par là même les bases de la révolution démocratique.
Toute l’histoire de ces quatre dernières années a été l’histoire des coups de boutoir pour pousser la révolution plus loin, des combats où la classe ouvrière a entraîné la jeunesse démocratique et en même temps l’histoire de leur trahison systématique par les secteurs dirigeants de la Démocratie et de la gauche politique et syndicale nassérienne et réformiste, s’alignant finalement soit derrière les militaires, soit derrière les Frères Musulmans.
Les courants les plus avancés et courageux de cette révolution démocratique sont aujourd’hui au plus bas, ses militants emprisonnés, découragés Ses représentants les plus pusillanimes se sont eux alignés derrière Sissi en renonçant à tout ce quoi ils croyaient.
Mais la révolution ouvrière, elle, continue, mais malheureusement toujours sans conscience politique visible non plus. C’est là où les révolutionnaires internationalistes d’Occident, dans une situation moins difficile, sans être en situation de vouloir ou pouvoir de loin une politique pour les classes populaires d’Égypte, pourraient tout au moins s’attacher à démêler les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière de ceux des autres classes sociales dans ce pays et la région. Et, de la sorte, porter la réflexion et l’analyse à l’échelle des enjeux mondiaux en cours afin de ne pas abandonner cette révolution ouvrière et ses 27 millions de travailleurs et ouvrir de réelles perspectives y compris ici. (17 mai 2015)
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