Editorial de la Gauche Ouvrière,
publication de DEA
Le gouvernement Tsipras fait face à un évident chantage. Les créanciers, renforcés par les concessions qui ont été faites lors de l’accord de février 2015, exigent un engagement pour des contre-réformes liées au dernier mémorandum avant de desserrer, un peu, le robinet du financement (principalement) des banques et du gouvernement grec.
Yanis Varoufakis, ministre des Finances, en acceptant que les «obligations» aux bailleurs de fonds soient payées «en totalité et à temps», le gouvernement a maintenant une tâche s’apparentant à résoudre de la quadrature du cercle: servir la dette, payer les salaires et les pensions à temps et ne pas prendre (du moins ouvertement ou pas encore…) de nouvelles mesures d’austérité.
Et cette tâche est encore plus difficile avec le méchant coup donné par Schäuble (ministre des Finances allemand) et Draghi (de la BCE) qui non seulement font obstacle à tout emprunt à l’étranger, mais essentiellement et avant tout, ne permettent pas aux banques grecques d’acheter des bons du Trésor. Et, si le mois de mars peut être géré – entre autres en faisant tous les fonds de tiroir pour s’acquitter des trois versements (en mars) au FMI: un total 1,5 milliard d’euros –, le mois d’avril s’annonce comme un calvaire car les échéances sont plus importantes et la Bourse s’écroule.
Ainsi apparaît la véritable perspective qui a été mise en place par l’accord de février. Lentement ou rapidement, le gouvernement dirigé par SYRIZA se trouvera devant ce dilemme: le défaut ou la signature d’un nouveau mémorandum.
La dureté des options décrites peut être aperçue dans un communiqué qui a été «lâché» par Elena Panaritis. Une ancienne députée du PASOK, ayant travaillé pour la Banque mondiale, conseillère en investissements, ayant écrit sur «Les réformes démocratiques» de Fujimori, au Pérou, en 1995. Elle a été engagée par Yanis Varoufakis (qui sort aussi du PASOK) comme consultante. Cette dernière a annoncé aux journalistes que les prêteurs ont indiqué que l’une des solutions possibles au problème de la liquidité serait la possibilité de ne pas payer les salaires et les retraites de l’Etat pendant quelques mois. Cette déclaration a été de suite «retirée» de la circulation par le staff du gouvernement et de SYRIZA. Toutefois, cette ignoble (et politiquement accablante) possibilité donne déjà lieu à un débat public…
Il est évident que la principale arme de chantage des prêteurs est la menace concernant les banques (ces dernières ne pouvant accomplir leurs fonctions d’irrigation monétaire et de «protection» de l’épargne populaire). Toutefois, malgré le bouleversement politique résultant des élections de janvier, sont toujours en place et en position dominante les champions du néolibéralisme, depuis Kostas Simitis, (Premier ministre de 1996 à 2004, et dans divers gouvernements depuis 1981) jusqu’aux «modernisateurs» de la privatisation qui ont été membres du bloc politique au service de la politique pro-mémorandum durant le gouvernement Samaras. La déclaration de Yannis Stournaras (président de la Banque centrale de Grèce) selon laquelle, aujourd’hui, «les résultats des sacrifices du peuple grec sont menacés» indique de quel côté se situent les banquiers. Ce comportement ne changera pas avec l’attitude sacrificielle ou, pire, d’adhésion telle que rapportée par To Vima (le plus influent journal du dimanche) qui attribue à Ioannis Dragasakis (membre influent de la droite de Syriza et vice-premier ministre) la phrase suivante: «J’assure que tous les mouvements dans le secteur bancaire se feront de concert et en coopération avec les actionnaires de ces institutions».
Le gouvernement estime qu’un moyen de se sortir de la situation d’extorsion (exercée par les institutions internationales et les capitalistes grecs) réside dans le joker que constitue la position géopolitique de la Grèce. Cela revient à vouloir éteindre un incendie en jetant l’huile … La position «géopolitique» implique des antagonismes et les antagonismes nécessitent plus de dépenses d’armements (la Grèce est déjà un des pays dont les dépenses d’armements sont les plus élevées en Europe, relatives à son PIB).
Les dévots des tournées aux États-Unis comme un remède contre Angela Merkel et Wolfang Schäuble ont obtenu une réponse de la conseillère à la sécurité d’Obama, Caroline Atkinson. Elle a affirmé que «n’importe quel scénario qui impliquerait un compromis serait catastrophique.» Outre l’aspect pro-américain du FMI, c’est ce choix qui resserre, pour l’instant, le nœud coulant autour du cou du gouvernement (pour ce qui relève des financements).
Mais que signifie, en fait, le terme «compromis» avec les créanciers? Voilà ce à quoi le gouvernement devrait s’engager selon ce vocabulaire: 1° à «geler» indéfiniment les engagements électoraux et le programme de Thessalonique du 14 septembre 2014 (ce qui déjà indiqué comme promis par Varoufakis); 2° à passer un accord pour mettre en œuvre certaines obligations propres aux mémorandums adoptés par les gouvernements Samaras et Venizelos; 3° à mettre en place en juin 2015, à l’occasion de la réorganisation de la dette – après avoir affaibli la vague d’espoirs des travailleurs et des masses populaires – soit la voie pour un tournant radical, soit pour préparer le chemin vers un large gouvernement d’union nationale.
Ce cercle vicieux doit être brisé maintenant, avec des décisions et des mobilisations s’y opposant. C’est-à-dire la mise en œuvre rapide et unilatérale du programme minimum d’anti-austérité tel qu’annoncé à Thessalonique. La déclaration de refus de paiement et de versement des intérêts de la dette. Le soutien à un programme de lutte contre l’austérité par tous les moyens: par la prise de contrôle sur les banques ou sur les mouvements «libres» de capitaux; en prenant une décision de rupture avec la zone euro.
Une telle politique, qui consoliderait les relations avec les travailleurs, les travailleuses ainsi que les classes populaires, serait en droit d’attendre solidarité et soutien des mouvements sociaux à l’échelle internationale et donc une concentration des actions – que l’on voit en Espagne avec la Marche pour la dignité – face pouvoir des bailleurs de fonds. Les autres tactiques conduisent presque inévitablement à reculer – si ce n’est plus – face aux pressions de Schäuble et du monde qu’il représente. (18 mars 2015. Traduction Antonis Martalis, édition A l’Encontre)
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La Grèce à un carrefour
Conférence-débat avec Katerina Giannoulia
Membre de SYRIZA, de DEA et Syndicaliste
Lausanne, le mardi 24 mars, Buffet de la gare, Grand salon, 20h15
Genève, le mercredi 25 mars, Maison des Associations, au 15, rue des Savoises, 1205 Genève à Plainpalais, salle du Bistrot, 19h30
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