Par Brais Fernández et Raul Camargo
Le week-end des 17 et 18 janvier, Izquierda Anticapitalista (qui est partie intégrante de Podemos) tiendra son deuxième congrès confédéral. Celui-ci doit avoir lieu non seulement d’un point de vue statutaire mais aussi parce qu’au cours de la dernière période le panorama politique a connu de nombreux changements. Tout d’abord notre propre rôle en tant qu’organisation; nous sommes passés d’une organisation activiste, animant de nombreux mouvements sociaux et des mobilisations, à une organisation qui, après avoir participé à la fondation de Podemos, s’est située au centre de la carte politique, avec tout ce que cela comporte.
Cela ne nous conduit absolument pas à l’amertume: qu’une organisation révolutionnaire, dont l’objectif réside dans une démocratie socialiste où ceux d’en bas possèdent et décident de tout, se soit montrée en capacité de se lier au changement politique, d’apparaître comme un instrument utile, fait que nous arrivons à ce congrès plein d’énergie et d’envies. Tout comme face à des défis.
Quels sont-ils à brève échéance? Marx et Engels affirmaient, dans le Manifeste communiste, que les révolutionnaires n’ont pas d’autres intérêts que ceux des opprimés et des exploités. Nous devons toutes et tous œuvrer pour mettre un terme aux politiques d’austérité, faire en sorte que ceux qui pillent les classes populaires dégagent, occuper à nouveau le commun, appuyer toutes les aspirations démocratiques (y compris celles qui se révèlent souvent désagréables pour la gauche espagnole, au rang desquelles le droit à décider des différents peuples de l’Etat espagnol), appuyer les processus de transformation en d’autres lieux du globe (nous ne pouvons nous empêcher de jeter des regards pleins d’espoir en direction de la Grèce!), contribuer à tirer un frein aux attaques contre les droits des femmes ainsi qu’à la destruction de la planète en raison d’une logique accumulatrice destructrice.
Nous avons toujours été convaincus que la gauche politique devait se lier aux gens, participer et apprendre des processus populaires, sans craindre le métissage et d’être «contaminée». Le 15M et Podemos ont été des écoles formidables, des événements où les paroles se transformaient en actes; ou, comme le dirait notre regretté Daniel Bensaïd, une «profanation de la politique». Les formes renouvelées d’auto-organisation qui ont été expérimentées sur les places, la démocratie de consensus entre égaux, l’usage de nouveaux instruments de communication… Les mouvements qui se sont déroulés ces dernières années nous ont appris beaucoup. Ainsi que ce qu’il nous reste à apprendre.
Nous sommes convaincus aujourd’hui que Podemos est le meilleur outil électoral pour rejeter les partis du régime mais nous misons sur un au-delà de l’électoral. Vaincre dans les rues, modifier les rapports de force sur les lieux de travail, édifier un mouvement populaire capable de remporter les élections, soutenir le gouvernement et gouverner en transformant la société constitue l’horizon que nous souhaitons contribuer à bâtir. Nous ne nions pas que nos objectifs sont ambitieux. Face à la doctrine de la défaite qui affirme que pour aboutir à presque rien, il faut renoncer à presque tout, nous ne renonçons à rien, ni aux petites choses qui améliorent le quotidien des gens ni à la transformation sociale qui ne peut être réalisée qu’à partir d’en bas et par ceux d’en bas: notre devise pour cette époque serait un «oui, nous le pouvons» en majuscules, sans renoncements, à partir d’une ouverture et d’une innovation permanentes.
Nous sommes également convaincus que des changements sont nécessaires au sein d’Izquierda Anticapitalista (IA). C’est pourquoi nous avons proposé aux militant·e·s d’IA de nous transformer en un «Mouvement», un espace d’assemblées qui cherche à impulser des approches anticapitalistes dans tous les aspects de la société et qui nous permette de contribuer mieux à cette vague de changements et d’espoir que représente Podemos. Il est manifeste que nous n’aspirons pas – à la différence des anciens partis staliniens totalitaires – à nous autoproclamer les «seuls représentants légitimes des aspirations populaires». Notre pari est celui de l’unité populaire et du pluralisme. C’est-à-dire: la recherche de liens entre les différents sujets que l’on rencontre dans le champ de ceux qui veulent changer le monde à la base.
Ce congrès aura également une dimension triste puisque Miguel Romero, le «Moro», éditeur de Viento Sur et militant de IA, décédé il y a une année, ne sera pas présent. Nous le regretterons, mais nous voulons souligner ce point en raison de sa dimension symbolique. Walter Benjamin disait que les défaites du passé sont une source d’énergie pour les vivants; nous ne nous sentons pas les héritiers d’une histoire de défaites, mais nous revendiquons l’héritage de toutes les personnes qui luttèrent pour une société égalitaire et libertaire et grâce auxquelles nous détenons les droits que les élites nous arrachent pour engrosser leurs bénéfices. Pour tout cela, notre congrès est un point de départ sans renoncements ni hypothèques; il s’agit d’un «continuons», tout en apprenant, en organisant et en débattant. (Article publié sur le journal en ligne Público.es le 16 janvier 2015. Traduction A l’Encontre)
Soyez le premier à commenter