Depuis le début de l’automne 2014, les mobilisations pour renverser le gouvernement de Matteo Renzi [en fonction depuis le 22 février 2014] sont entrées dans une nouvelle phase. Naples avait déjà exprimé son opinion contre la BCE (Banque centrale européenne) le 2 octobre 2014 [sommet de la BCE et des banquiers]. Le 7 novembre, ce fut contre les mesures qualifiées de «Sblocco-Italia» [1]. Avec la grève sociale du 14 novembre un pas supplémentaire dans cette direction fut franchi [le 14 novembre, avec l’appui de la FIOM de Maurizio Landini – syndicat de la métallurgie, l’aile combative du syndicalisme officiel – cette journée de lutte a réuni dans des manifestations un nombre significatif de secteurs sociaux soumis à la précarité. Le Jobs Act, décidé par Renzi, est le symbole de cette politique de précarisation: voir sur ce site l’article publié en date du 28 septembre 2014].
Le 21 novembre 2014, les travailleurs de la FILM sont descendus dans la rue à Naples [selon divers médias, quelque 20’000 personnes étaient présentes dans les rues, parmi lesquelles un nombre significatif de citoyens et citoyennes exprimant leur opposition à la dévastation sociale et écologique à laquelle le Sud de l’Italie est soumis depuis des années].
Quatre marches se sont déroulées sur des thèmes différents, mais avec la même stratégie: s’opposer aux politiques économiques d’austérité; construire une unité dans la lutte entre les travailleurs et travailleuses précaires, les étudiant·e·s, les chômeurs et chômeuses, les retraité·e·s; construire une conscience qui traduise la compréhension que l’on se trouve dans une phase de conflit social qui doit continuer à croître, qui doit contester le gouvernement, la Confindustria [organisation du patronat italien] et les traités qui sanglent les pays de l’Union européenne.
A Naples, depuis un certain temps, il n’y a pas seulement des grands défilés, mais le conflit social est quotidien. Il s’exprime par les nombreuses protestations contre les privatisations, les licenciements, les fermetures d’usines. Il serait trop long de toutes les énumérer. Toutefois, sans l’humus accumulé par les difficultés sociales partagées par d’importants secteurs de la société et qui trouvent leurs expressions aussi bien dans le travail, le logement que dans l’absence de services, il n’y aurait pas de la place pour ces mobilisations dans les villes et, y compris, à l’échelle nationale.
La crise dans le Sud est nettement plus exacerbée que dans le reste de l’Italie: de nombreuses familles de travailleurs sans-emploi sont en train de glisser dans l’extrême pauvreté; des petits et moyens commerçants sont obligés de fermer leur commerce; des patients ne peuvent plus accéder aux soins de base; les personnes âgées voient leurs maigres allocations coupées. Pour toutes ces raisons, les mouvements combatifs sont bien accueillis dans les quartiers. Au cours de la dernière période, les manifestations sont bien reçues et la participation en fournit la preuve.
Ce 21 novembre 2014 à Naples, les différentes composantes du syndicalisme de combat, de la gauche alternative, des comités d’étudiants, des comités de quartier, des centres sociaux ont mis en place des «laboratoires» d’analyse afin d’approfondir la réflexion et l’action portant les contradictions sociales propres au système, les formes de lutte, les stratégies à mettre en œuvre dans le conflit présent. Ce sont des moments importants pour un combat qui ne vise pas à limiter les effets des contre-réformes, selon l’habitude propre à l’histoire des pratiques des appareils syndicaux. Par un cumul de manifestations, il s’agit d’obtenir des résultats concrets, afin de renverser la vapeur.
Après la journée du 21 novembre, il y aura des moments de bilan et de relance de la mobilisation sociale d’ensemble: le véritable objectif à atteindre est celui d’une grève générale qui bloque tout le pays, partant des usines pour atteindre les transports, les écoles, les commerces, les call-centers, en passant par les employée·es des autoroutes, des ports, y compris en intégrant ceux qui permettent la publication de la presse. Il s’agit donc d’une grève qui mobilise le pays et mette fin au gouvernement de Matteo Renzi.
L’histoire nous montre que les grèves générales peuvent faire tomber les gouvernements: cela est arrivé en 1960 avec le gouvernement de Fernando Tambroni [il a présidé le gouvernement durant 4 mois du 25 mars 1960 au 28 juillet 1960 ; démocrate-chrétien, il fut complaisant face à Mussolini et soutenu par les fascistes du Mouvement social italien]; en 1970 avec le gouvernement de Mariano Rumor [du 5 août 1969 au 27 mars 1970]; et en 1994-1995 avec le gouvernement Berlusconi [en place du 10 mai 1994 au 17 janvier 1995].
Cependant, il est également vrai que la grève générale peut être contre-productive si elle est conduite simplement pour soutenir la concertation sociale, comme ce fut le cas lors de la lutte visant la contre-réforme de 2011 d’Elsa Fornero [ministre du Travail et des politiques sociales du gouvernement de Mario Monti – novembre 2011- avril 2013; «la Fornero» est une économiste très favorable aux fonds de pension par capitalisation].
A cette occasion une grève de trois heures a été «votée» après cette bataille. Cette fois, cela ne doit pas se reproduire. En perspective, se profile la grève du 14 décembre. Il est trop tôt pour en saisir la dynamique (22 novembre 2014, traduction A l’Encontre)
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[1] Un ensemble de mesures qui touchent les soumissions publiques pour des chantiers publics, la numérisation du pays, la simplification bureaucratique, les perturbations liées aux crues et inondations, etc. (Rédaction A l’Encontre)
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