Brésil. Dix ans de gouvernement PT, l’abîme social séparant Noirs et Blancs est toujours présent

387847_une-bresilienne-marche-avec-sa-fille-dans-une-rue-d-une-favela-de-rio-de-janeiro-le-22-aout-2012Par José Maria de Almeida e Vera Lúcia

Mars 2003: le Secrétariat des Politiques de promotion de l’égalité raciale (SEPPIR), qui a un statut de ministère, est fondé pour combattre le racisme.

Juillet 2013: des policiers militaires appartenant à des Unités dites de « police pacificatrice » (UPP) présentes dans la favela de Rocinha [à Rio de Janeiro] torturent et assassinent le maçon noir Amarildo de Souza. Dans tout le pays, des milliers de gens demandent: «Où est passé Amarildo?» Les UPP sont présentées comme des modèles de sécurité par le gouverneur Sérgio Cabral (du PMDB), parti [social-démocrate] allié du gouvernement PT (Parti des Travailleurs). Afin de ne pas se fâcher avec leur allié, ni Lula ni Dilma ne disent quoi que ce soit sur cet événement.

La poursuite des tueries ciblées de la population noire dans les quartiers pauvres des grandes villes confirme que, sur le fond, la situation des Noirs n’a pas changé au cours des dix années de gouvernement PT.

La bourgeoisie a une couleur

En novembre, mois qui a été décrété celui de la «conscience noire», beaucoup de manifestations organisées par le gouvernement auront lieu dans le pays. Ceux qui soutiennent ce gouvernement vont vouloir montrer comment la situation des Noirs a changé grâce à Lula et Dilma. Ce qu’ils diront sera-t-il la vérité? Malheureusement non. En 2010, alors que le salaire moyen des Blancs atteignait les 1538 réais [607 CHF], celui d’un Noir ne dépassait pas 834 reais [329 CHF]. Et les femmes noires ne touchaient que la moitié de cela.

Les Noirs représentent la majorité absolue parmi les employés domestiques, alors que les Blancs occupent les professions plus qualifiées. La justice continue de libérer la bourgeoisie corrompue et ayant détourné des sommes énormes de la prison, alors que les pénitenciers sont pleins de Noirs.

Ceux qui soutiennent le gouvernement vont essayer de se justifier en ayant recours à des statistiques qui montrent quelques petites améliorations. Mais ils ne peuvent pas cacher la réalité. En dix ans, qui a gagné beaucoup d’argent, c’est la bourgeoisie. Et celle-ci a une couleur: le blanc.

Sous le gouvernement Lula, les banques ont réalisé des bénéfices à hauteur de 199 milliards de réais, beaucoup plus que les 31 milliards qui avaient été faits sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso [PSDB]. Les banquiers ont gagné 550%, plus avec le PT qu’avec le PSDB! Avec Dilma Rousseff, cette absurdité se poursuit. Au cours du premier semestre de 2013, la Banque Bradesco [la première banque privée brésilienne] a fait un bénéfice de 5,86 milliards de reais, bénéfice le plus fort de toute son histoire.

Lula et Dilma ont privilégié l’agronégoce, basé sur les grandes propriétés agricoles des Blancs. A l’autre extrémité sociale, on peut voir la couleur noire des ouvriers agricoles et des sans-terre.

Quand ils sont malades, les riches et les Blancs sont soignés rapidement dans des hôpitaux super-équipés et dotés de médecins spécialisés, alors que les immenses files d’attente dans les hôpitaux publics tuent la population pauvre à majorité noire.

La farce de la «nouvelle classe moyenne noire»

Les gouvernements PT prétendent qu’il existe une nouvelle classe moyenne dans le pays, dans laquelle seraient présents beaucoup de Noirs et qui serait le produit de la distribution de richesse promue par eux. En réalité, il existe un élargissement quantitatif de la classe ouvrière, qui, en raison des années de croissance économique, a commencé à avoir accès à la consommation grâce l’expansion du crédit. Cet accroissement s’appuie en effet sur la précarité et l’endettement.

La croissance économique a généré 20 millions d’emplois et a également eu comme conséquence une modeste augmentation du salaire minimum. Le programme dit de la «Bourse Famille» a également «incorporé» dans le marché des millions de personnes. Ceci a conduit à la légère augmentation de revenu des secteurs les plus pauvres du peuple brésilien.

Mais en même temps que cela, il y a eu une baisse des salaires et une précarisation des conditions de travail de catégories telles que les métallurgistes, les travailleurs du secteur de l’électricité, ceux du pétrole, les employés de banques, les fonctionnaires, etc.

Il y a donc eu à la fois élargissement de la pyramide salariale des travailleurs et un aplatissement dans les secteurs plus élevés. Le salaire moyen réel n’a augmenté que de 7% entre 2002 et 2010 selon l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IGBE).

Ce qui impressionne dans le Brésil gouverné par le PT, ce n’est pas la «nouvelle classe moyenne». C’est le fait que les riches soient devenus encore plus riches. Selon la liste Forbes, les 74 milliardaires brésiliens (parmi lesquels il n’existe aucun Noir) possèdent aujourd’hui un patrimoine de 346,3 milliards de reais, ce qui représente presque le 7% du PIB du pays.

L’abîme n’a pas disparu

La population noire et l’énorme majorité du mouvement noir continuent de voir dans le gouvernement un allié dans le combat contre le racisme. Cela est dû en partie à l’introduction des quotas raciaux et sociaux dans les Universités fédérales. Mais cela est une conquête du mouvement après des années de lutte, même si on est malheureusement bien loin des revendications premières.

Les défenseurs du gouvernement vont prouver la «préoccupation sociale» du PT à travers le programme Université pour tous (ProUni), un programme qui démontre en réalité les limitations du PT. En dix ans, les gouvernements PT auraient pu augmenter les places disponibles pour les jeunes Noirs dans les Universités publiques. Mais non. Le programme ProUni fourgue la population noire dans des écoles privées de basse qualité, enrichissant ainsi les propriétaires (majoritairement blancs) de ces écoles au travers de millions de reais d’exonérations fiscales et du paiement de l’écolage.

Une année avant l’accession du PT au pouvoir, les conditions de logement, de santé, d’éducation et de soins de base de la population occupaient la 47e position parmi les nations développées. Mais déjà à l’époque, le «Brésil noir» figurait à la 107e position de l’indice de développement humain (IDH). En 2009, la situation était pratiquement la même: les Blancs figuraient au 40e rang du classement et les Noirs au 104e. En 2010, l’analphabétisme parmi les Blancs de plus de 15 ans était de 5,9%, parmi les Noirs il était de 14,4%.

Le Secrétariat des politiques de promotion de l’égalité raciale (SEPPIR) n’a pas fait avancer la lutte contre le racisme. Mais il a promu une gigantesque cooptation des leaders du mouvement noir. Soudain, des milliers de leaders syndicaux, des étudiants et des militants du mouvement noir se sont mis à assumer des charges de confiance alors que les gouvernements PT abandonnaient peu à peu les principales revendications du mouvement.

Le Statut de l’égalité raciale fut voté en 2010. Son texte original, élaboré par le mouvement noir, a été complètement mutilé en fonction d’un accord incorrect passé entre le SEPPIR et les Sénateurs Paim (PT-Etat du Rio Grande do Sul) et le corrompu Demóstenes Torres (parti de droite DEM-Etat de Goiás). Ont été retirées de l’accord des revendications historiques telles que les quotas, la régularisation et la titularisation des terres quilombolas ainsi que toute mention des termes « race », « esclavage » et « identité noire ». [Les quilombolas sont des communautés d’anciens esclaves noirs « fugitifs » qui, comme les indigènes, possèdent la terre collectivement.]

En vérité, autant Lula que Dilma ont gouverné et gouvernent en faveur des grandes entreprises et propriétés des Blancs, avec pour résultat le fait que l’abîme existant entre Blancs et Noirs de ce pays ne s’atténue pas.

Il faut absolument exiger du gouvernement de Dilma qu’il cesse la violence contre la jeunesse noire dans les quartiers pauvres. Licenciement et prison immédiate pour les policiers assassins! Démilitarisation des polices! A travail égal salaire égal! (Traduction A l’Encontre, publié dans l’hebdomadaire du PSTU, Opinião Socialista, no 472)

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