Par le Mouvement pour la grève électorale constituante
Le mouvement pour une Assemblée constituante se développe au Chili (voir notre article en date du 4 juin 2013). Son but: mettre en évidence l’illégitimité du système à partir de tous ses aspects sociaux et de continuité avec les diverses institutions issues du pinochétisme et cultivées durant vingt ans par la Concertation (l’alliance entre la social-démocratie et la démocratie chrétienne). Sans même mentionner les «enfants» du régime de Pinochet que représente l’actuel président Sebastian Piñera, entré en fonction le 11 mars 2010, leader de la Renovation nationale.
Il est qualifié de «Berlusconi chilien». Son frère José, «économiste néolibéral», a mis en place le système de retraite par capitalisation (le deuxième pilier à la Suisse, encore plus défavorable pour les salarié·e·s) durant le régime militaire. Un autre frère, Pablo Piñera, était à la tête de la Banque centrale. Son oncle, l’archevêque Bernardino Piñera Carvalho, fut à deux reprises à la tête de la Conférence des évêques du Chili, une institution qui ne s’est pas fait remarquer par son opposition à Pinochet!
Sebastian Piñera est assis sur une fortune de 2,5 milliards de dollars. Il dirige, indirectement, ses avoirs – et le pouvoir qui en découle – dans la presse, les médias, le secteur minier, l’immobilier. Il a été mis en accusation pour des opérations boursières illicites (délit d’initié), que ce soit dans le secteur de l’aviation (la compagnie LAN) ou d’accords de cartellisation dans le secteur de la pharmacie: il détient la plus grande chaîne de vente de médicaments au Chili. Il a été acquitté par la Cour suprême ou fait appel des condamnations. La clémence de la Justice n’est pas sans relation avec la puissance du «suspect».
Il a intégré dans ses équipes politiques des anciens ministres et conseillers de Pinochet. Il sera soutenu, lors de la dernière campagne électorale de 2009, par l’ultralibéral écrivain Mario Vargas Llosa. Ce dernier a été couronné, en 1988, par le Prix de la Fondation Max Schmidheiny, un symbole du libéralisme «hayekien» en Suisse. Max est le père de Thomas Schmidheiny qui a la main sur le géant mondial du ciment: Holcim. Antérieurement, il était propriétaire, avec son frère Stephan (l’industriel du Sommet «écolo» de Rio de Janeiro en 1992), du monstre de l’amiante: Eternit. Devant les scandales découlant des effets de l’amiante sur la santé des travailleurs (cancer de la plèvre, entre autres), les Schmidheiny ont organisé une «transition» vers une «sortie» de l’amiante (d’abord en Suisse) et ont restructuré leur holding. Une sorte de transition à la «chilienne». Le procès de Stephan, condamné à Turin in absentia (voir les articles sur ce site: du 19 juin 2010 et du 14 février 2012), permet de faire ressortir la responsabilité assumée, concrètement, par ces champions du libéralisme économique.
Pour revenir au Mouvement pour la grève électorale constituante, les initiateurs indiquent que, suite à la campagne électorale de 2009 et à la montée de mouvements sociaux en 2010 et 2011, un fort courant populaire, peut-être majoritaire, prend position pour cette option. D’où les attaques de la droite dure contre ce mouvement qui veut «tromper la population» (Diario Uchile, Radio, 18 juin 2013); ce qui traduit le fossé entre les «élites politiques» et des secteurs entiers de la population.
Cette campagne pour la Grève électorale constituante est liée aux revendications ayant trait à l’éducation de la population. Une part très importante des adolescents se heurte au système d’enseignement privé, massif et socialement des plus sélectif. Cette initiative politique se développe dans le cadre d’une relance, en 2013, des mouvements sociaux, de grèves et de luttes étudiantes. Ces mobilisations touchent, dans le contexte des présidentielles et législatives à venir, aussi bien les thèmes de l’éducation, du développement régional, que du système fiscal, ou des droits des Mapuches, etc. Nous y reviendrons.
Nous publions ci-dessous un complément d’information sur la Grève électorale constituante, suite au premier texte publié en date du 4 juin 2013 sur ce site. (Rédaction A l’Encontre)
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Pourquoi le système binominal n’est-il pas démocratiquement représentatif ?
Réponse
D’abord, le système binominal [1] n’est pas démocratiquement représentatif parce qu’il permet la sous-représentation des minorités.
Considérons un district électoral X comptant 150 électeurs. Selon le système binominal, le district élit deux députés. La coalition de partis Y recueille 99 votes alors que la coalition Z en recueille 51. Les deux coalitions élisent chacune un député et sont alors égales en nombre de députés, bien que le député de la coalition Z ne représente qu’un tiers plus un de l’électorat.
Deuxièmement, le système électoral binominal n’est pas démocratiquement représentatif parce qu’il permet de supprimer toute représentation des minorités.
Considérons le même district électoral X avec 150 électeurs. La coalition Y recueille 100 votes, le double de la coalition Z qui elle n’en recueille que 50. La coalition Y élit les deux députés et la coalition Z n’en élit aucun. Un tiers de l’électorat reste sans représentation à la chambre des députés.
Troisièmement, le système binominal n’est pas démocratiquement représentatif dans la mesure où il permet le doublage [2], laissant sans représentation non seulement la seconde majorité, mais aussi toute troisième option minoritaire de candidats. Si les deux premières majorités relatives gagnent chacune un député, alors aucune troisième option ne peut élire de député, même si les votes recueillis par celui-ci sont très proches de la seconde majorité relative.
Conclusion
Par essence, le système binominal n’est pas démocratiquement représentatif et doit être remplacé par un système de représentation des majorités et des minorités à la proportionnelle, qui tienne compte, par exemple, de la population des districts électoraux qui composent le pays, de la position géographique de ceux-ci par rapport aux pôles de développement et de la représentation des «ethnies originaires» (Mapuche, par exemple), cela pour ne mentionner que quelques questions méritant attention.
Comment pouvons-nous parvenir à cela ? Seulement en nous joignant à la « Grève Electorale Constituante » et en mettant en mouvement une grande force citoyenne au niveau sectoriel et régional qui fasse barrage à l’actuel régime politique et l’oblige à ouvrir les portes à un processus de refondation de l’Etat chilien au travers d’une Assemblée Constituante régulée socialement. Ainsi le pays pourra-t-il être remis dans les mains de ses habitant·e·s et sera au service de ces derniers, sans exclusion.
Mouvement pour la Grève Electorale Constituante (juin 2014)
(Traduction A l’Encontre)
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[1] Ce système a été inventé par le militaire polonais Wocieh Jaruzelski et mis en place par Pinochet. Le but: contraindre le «consensus» et la négocation entre des «pôles opposés» du gouvernement. Les forces hors de ce cadre sont interdites ou marginalisée.
[2] Les candidats des partis et même les indépendants sont réunis dans des listes ou des coalitions. Deux candidats sont proposés par circonscription électorale. Lesw votes sont compétés par liste. Si une liste à plus du double de voix que l’autre liste (doublage), elle élit les deux candidats ; autrement chaque liste a un candidat élu.
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Première liste de personnalités qui appellent, dès mai 2013, à cette grève électorale constituante, les personnalités suivantes :
– Daniel Alcaíno Cuevas, actor
– Perla Álvarez, secretaria/medicina alternativa
– Jenny Arriaza Inostroza, cientista política
– Juan Carlos Cárdenas, médico veterinario, Director del Centro Ecocéanos
– Herman Carrasco Paul, profesor, Vice-Presidente del Centro de Investigaciones y Promoción de los Derechos Humanos, Temuco
– Darcie Doll Castillo, Dra. en Literatura, académica de la Universidad de Chile
– Rolando Garrido Quiroz, Dr. en Literatura
– Sergio Grez Toso, historiador, académico de la Universidad de Chile
– Pedro Alejandro Matta, investigador en temas de Derechos Humanos
– Víctor Parra, técnico en construcción, ecologista
– Luis Mariano Rendón, abogado
– Fernando Rodrigo Soto P., administrador público y gestor cultural
– Germán Westphal Montt, Dr. en Lingüistica
– Máximo Kinast Avilés, iquiqueño y activista de los Derechos Humanos
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