Grève des enseignants à Chicago

Rédaction A l’Encontre

Le lundi 10 septembre 2012, dans quelque 600 écoles publiques de tous les quartiers de la ville de Chicago, les enseignant·e·s emmenés par le Chicago Teachers Union (CTU) – fort de 26’000 membres – sont entrés en grève. Elle se prolonge le mardi 11 septembre. Rahm Emanuel, maire démocrate de Chicago et ancien secrétaire général de la Maison-Blanche au début de la présidence de Barack Obama, avait tout fait pour intimider les enseignants et gagner l’appui de la dite opinion publique. Depuis des semaines, le slogan de Rahm Emanuel était: «Ils font le choix de la grève». Dans la foulée, il suggérait que ce choix pourrait être évité si les enseignants se montraient «raisonnables». Or, bien que le contrat collectif signé par la CTU se soit terminé en fin juin, le CTU a continué à négocier durant tout l’été. Des centaines d’enseignants ont commencé leur travail le 13 août sans contrat. Et l’ensemble d’entre eux a fait sa rentrée le 4 septembre. L’administration de la ville aurait donc aisément pu faire un pas en avant. Mais Rahm Emanuel et son staff pensaient qu’ils pourraient gagner l’appui des parents et des élèves. Ce d’autant plus qu’en 2011 une loi avait été passée impliquant que 75% des membres du CTU – tous les membres et non pas seulement ceux qui votent – devaient s’exprimer pour la grève afin que celle-ci puisse commencer «légalement». Pourtant, en juin, presque 90% des membres du syndicat avaient voté le principe d’une grève et 98% de ceux qui ont voté avaient glissé un bulletin oui dans l’urne.

Ce vote traduisait le refus d’un secteur encore fortement organisé face à la dégradation des conditions de travail des salarié·e·s du secteur public et des enseignants en particulier, avec les conséquences qui en découlent pour les élèves. Les enseignants ont dénoncé aussi bien la détérioration des locaux scolaires que le manque chronique d’enseignants, ce qui ne permet pas de réduire le nombre d’élèves par classe. Dans de nombreux documents, ils soulignent qu’on ne peut pas demander aux enseignants de résoudre les problèmes d’étudiants qui ont faim en venant à l’école ou le fait qu’une part significative d’entre eux, paupérisés, ne disposent ni d’un ordinateur à la maison, ni même d’un endroit pour étudier tranquillement. Et les enseignants ne peuvent être tenus responsables du fait que nombreux sont les parents, sous-payés et surexploités dans leur travail, incapables d’assurer un appui «scolaire» à leur enfant.

Dans ce contexte, le CTU remet en question tout le système de tests mis en place pour mesurer «l’efficacité des enseignants», comme des élèves. Ces tests standardisés ont pour effet de réduire l’enseignement à des objectifs aisément mesurables par des tests auxquels les élèves sont soumis. En outre, le système de tests permet de sélectionner des enseignants, de licencier les plus expérimentés ayant des salaires plus élevés et d’engager des enseignants moins chers et précarisés. Ce mécanisme ouvre aussi la voie à une répression sélective des enseignants les plus engagés dans l’activité sociale et syndicale.

Face à un chantage et à une intimidation massive, par le professionnel de la communication qu’est Rahm Emanuel (une des têtes pensantes de la première campagne présidentielle d’Obama), les enseignants ont manifesté une grande détermination et un grand courage. Les piquets de grève étaient fournis et l’appui d’un nombre important de parents et d’élèves s’est concrétisé. Ainsi, en fin d’après-midi, le lundi 10 septembre, un grand meeting, avec des enseignants portant des tee-shirts rouges, s’est tenu devant l’administration scolaire de Chicago, The Chicago Public Schools (CPS). Un enseignant du 7e degré, Rick Sawicki, a déclaré au Chicago Tribune: «C’est une incroyable démonstration de démocratie, c’est une leçon fantastique pour les enfants et les adultes, je suis fier que nous soyons ici tous ensemble.» En effet, cette grève est une leçon de résistance face à une attaque bipartisane – démocrate et républicaine – contre l’école publique.

Lorsque les conducteurs de bus passaient devant les piquets de grève ou près de la manifestation, ils klaxonnaient pour exprimer leur soutien. Un enseignant de musique et délégué du CTU affirmait: «Nous essayons d’envoyer un message: cette ville a besoin d’aide, l’aide d’enseignants qui sont formés et qui connaissent les enfants.» Les opérations de division des enseignants, de mobilisation de ceux et celles non organisés dans le CTU ont pour l’essentiel échoué. Dans de nombreux piquets de grève se trouvaient des parents qui manifestaient leur soutien aux enseignants. L’un deux déclarait: «Comme mère, il est important de le faire parce que les enseignants passent tellement de temps avec nos enfants.» De la journée de lundi, un premier bilan peut être fait sur ce point: Rahm Emanuel a échoué dans l’opération d’opposer les parents aux enseignants. Il proposait d’ouvrir des centres d’accueil pour les enfants, cherchant à utiliser le fait que les parents doivent aller travailler et laisser leurs enfants. La grève des enseignants de Chicago représente une étape qui peut être significative de résistance face à la politique d’austérité et aux attaques contre le secteur public qui reste le plus organisé au plan syndical.

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Ces premières informations nous ont été fournies par des militants syndicalistes de l’ISO, actifs dans le mouvement enseignants à Chicago. De plus, une information est fournie sur le site socialistworker.org.

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