Chine. Une mobilisation pour mettre fin à la différence entre travail temporaire et fixe

Les travailleurs de FAW-Volkswagen devant le bâtiment des autorités provinciales dans la capitale Changchun

Plus de 500 travailleurs de l’usine FAW-Volkswagen, située dans la ville de Jilin – ville préfecture de la province du même nom, dans le nord-est de la Chine – ont organisé le jeudi 23 février une manifestation exigeant de mettre fin à la différence de salaire entre les travailleurs intérimaires et ceux disposant d’une sorte de CDI (contrat à durée indéterminée).

Les travailleurs, employés indirectement par une agence, se sont rassemblés devant les bureaux locaux du Comité d’arbitrage du travail [1], protestant contre l’inaction officielle concernant leur situation, cela après des mois de démarches qui ont suivi les voies officielles. Les travailleurs de FAW-Volkswagen [2] se sont rassemblés en mettant en avant le mot d’ordre suivant: «Salaire égal pour un travail égal». Ils constatent et affirment que les travailleurs intérimaires sont payés nettement moins que ceux disposant d’un CDI, malgré des années de travail à l’usine. Un ouvrier de Volkswagen a indiqué qu’il gagnait juste la moitié du salaire annuel d’un travailleur engagé avec CDI: 60’000 yuans par année contre 120’000 yuans (8721 dollars contre 17’442 dollars, au taux de change officiel).

Lors de la dernière étape de mobilisation, le 13 février 2017, les travailleurs avaient demandé l’intervention du Comité d’arbitrage. En date du 27 février, leur cas n’avait pas été pris en considération par cette instance. Selon la loi chinoise, le Comité d’arbitrage est tenu de décider s’il accepte une affaire dans les cinq jours suivant la requête.

Selon les travailleurs, l’entreprise commune (FAW-VW) emploie environ 1500 travailleurs intérimaires, dont beaucoup ont travaillé à l’usine pendant plus de dix ans. Les travailleurs ont exigé une compensation pour la différence existant entre les salaires, les allocations et les primes.

Au cours de leur lutte, les travailleurs de FAW-Volkswagen ont cherché, pendant des mois, à obtenir une résolution du conflit par les voies légales. Ils ont augmenté la pression fin février. En décembre 2016, ils avaient rencontré l’agence intérimaire et le syndicat municipal de Changchun (capitale de la province de Jilin), afin de chercher à régler le différend. En janvier 2017, des travailleurs se sont rendus en masse auprès du ministère provincial des Ressources humaines et de la Sécurité sociale. Ils ont obtenu la promesse selon laquelle leur cas serait suivi. Ils attendent encore.

Grâce à leur longue bataille, en empruntant la procédure juridique, les travailleurs de FAW-Volkswagen ont réussi à construire et maintenir la solidarité. Ils ont écrit des poésies illustrant leur combat et ont produit une vidéo (avec musique) expliquant leur situation et leur lutte (voir la vidéo ci-dessous).

 

 

En Chine, depuis longtemps, les travailleurs intérimaires (temporaires) ont des salaires et des conditions de travail inférieures ainsi qu’une sécurité d’emploi moindre. En 2013, la loi sur le contrat de travail a été modifiée spécifiquement pour remédier à «l’abus généralisé» de cette main-d’œuvre employée afin de «réduire les coûts» et de rendre les travailleurs plus vulnérables, plus remplaçables. Les travailleurs de FAW-Volkswagen sont tout à fait conscients que, durant des années, ces textes sont restés à l’état de promesse. Toutefois, ils ont cité ces dispositions légales – «pleines de bonnes intentions» – dans leur requête pour étayer leurs revendications.

Volkswagen a reconnu le problème du travail intérimaire dans sa chaîne d’approvisionnement à l’échelle mondiale. En 2012, Volkswagen a publié une charte sur le travail temporaire (dans le cadre de son accord-cadre global), garantissant les droits des travailleurs intérimaires (travailleurs temporaires) dans les usines du groupe Volkswagen dans le monde, avec la possibilité que leur statut soit conforme à celui de la main-d’œuvre permanente.

Ce document indique également que le dialogue ouvrier-employeur doit commencer si le nombre de travailleurs temporaires dépasse 5% du total des travailleurs, par usine. Les responsables des unités de production du Groupe Volkswagen sont obligés d’engager des négociations, entre autres à ce propos, entre les travailleurs et la direction.

Volkswagen Changchun est une joint-venture entre Audi et Volkswagen (deux marques du groupe) et la société d’Etat FAW. L’usine fabrique des modèles Audi et Volkswagen.

Cette mobilisation renvoie à un aspect très présent, depuis des années, dans le secteur automobile: sous-traitance massive, emplois temporaires et intérimaires. Les travailleurs de l’usine FAW-Volkwagen Group de Jilin pourrait-il indiquer une perspective de lutte conjointe à leurs collègues d’Europe? A la lecture de l’entretien donné au quotidien El Pais (26 février 2017) par Antonio L. Cobo, président de l’Association nationale des constructeurs d’automobiles et de camions de l’Etat espagnol, cette perspective semble relever de l’urgence, pour qu’en Chine, comme ailleurs, les salarié·e·s organisés ne manquent pas le train suivant. En effet, Antonio L. Cobo réaffirme une donnée de base: «La structure des coûts doit être fixée pour un marché mondial.» Parmi ses «propositions»: mettre en place des contrats dont l’élément central réside dans «la flexibilité de la rationalisation afin de tirer 100% des installations». Autrement dit: «Je parle de contrat de travail qui s’adapte au cycle [entre trois à cinq ans] de production de chaque modèle et qui intègre toute la semaine comme un jour de travail normal [sept jours sur sept].» La combinaison travail fixe et temporaire est dépassée. Il faut adapter les contrats de travail au cycle de production envisagé de chaque modèle, avec un taux d’occupation maximal du capital investi. De quoi prendre la mesure des objectifs d’une bataille syndicale… à venir. (Article rédigé sur la base de la publication de China Labour Bulletin)

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[1] En 2008, la Labour Dispute Mediation and Arbitration Law «affinait» le système mis en place en 1993. En théorie, les conflits du travail doivent suivre une voie linéaire impliquant quatre étapes: consultation, médiation, arbitrage, action devant un tribunal de première instance, appel, etc. En réalité, tout est fait – avec des éléments de contrainte – pour que les conflits soient «résolus» par les Comités d’arbitrage du travail (Labour dispute committee – LDAC) ou devant une juridiction civile. Ces deux institutions vont, le plus souvent, imposer une «médiation». Un des critères décisifs pour qu’une médiation intervienne réside dans la preuve qu’un contrat de travail effectif existe avec l’employeur. Ce qui débouche évidemment sur le statut des travailleurs dépendant d’une agence de travail intérimaire et loués à une entreprise. (Rédaction A l’Encontre)

[2] FAW Group Corporation est une entreprise publique – créée en 1953 – spécialisée dans le secteur automobile. C’est le troisième constructeur automobile en Chine. Dès 1991, FAW collabore avec VW, et dès 2003 avec Toyota et Mazda. En juin 2015, le Groupe VW accroît sa participation dans le capital de la co-entreprise, en passant de 40% à 50%, ce qui implique un investissement important. VW est présent en Chine dès 1978. Le marché chinois représente une part très importante des ventes du Groupe VW, avec quelque 2,1 millions de véhicules vendus entre janvier et septembre 2016. (Rédaction A l’Encontre)

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