Union de la Bande Secrète (UBS)

Tract du Mouvement Pour le Socialisme

Appliquer à l’UBS les conditionnalités du FMI

I.

Le secret: ce terme enveloppe toutes les activités d’UBS et son sauvetage par la BNS (Banque nationale suisse), avec l’appui du Conseil fédéral et de la Commission fédérale des banques.

Voici ce qu’affirme le quotidien Le Temps du 18 octobre 2008: «La consigne, lors des négociations ? Laisser un minimum de traces écrites, en raison du caractère délicat des discussions. Pas de lettres, pas de mails, pas de fax. Tous les jours, des employés de la BNS faisaient le trajet de Berne à Zurich et y passaient toute la journée. Une réunion de crise succédait à l’autre.»

Autrement dit, le contenu d’une décision prise, formellement, par le Conseil fédéral, élu par l’Assemblée fédérale, elle-même élue par le prétendu «souverain» (les électeurs et électrices suisses) a été décidé dans un complet secret. L’essentiel de la cargaison de produits toxiques que devront porter les contribuables-salariés reste tout autant secret. Une garantie est donnée par la BNS, mais personne ne connaît la qualité des «actifs» (produits toxiques) qui jouissent de cette garantie. Aucune banque ne donnerait une garantie à une entreprise sans connaître, dans le détail, son chiffre d’affaires, ses dettes, ses liquidités. Or, il s’agit ici d’une garantie décidée par une institution politique, donc publique, utilisant des fonds publics (BNS).

Comparons cela au Plan Paulson: 700 milliards de dollars pour le sauvetage des banques américaines. Il a été débattu devant des commissions, avec des séances télévisées, puis voté par le Congrès. Certes l’ancien patron de Goldman Sachs – Henry Paulson – exécutait le plan exigé par les financiers qui craignaient une crise explosive du système. Mais, au moins, il y eut un certain débat public, avec une information fournie dans la presse.

En Suisse aucun débat ouvert avant l’adoption du plan. Ladite «démocratie helvétique», quand les affaires sont sérieuses pour protéger le Capital et ses principaux détenteurs, utilise les méthodes du secret bancaire et du décret. La véritable nature de cette démocratie, du gouvernement et de l’Etat se révèle toujours dans de telles occasions.

II.

Comparons ce secret en faveur de banquiers flibustiers avec celui réservé aux personnes relevant de l’assistance sociale. Dix jours après l’opération «bouées publiques pour UBS», la presse informait: «Depuis février de cette année, les services de Michel Cornut [un ex-syndicaliste, chef du Service social lausannois] disposent d’une nouvelle arme: la procuration générale obligatoire pour qui veut demander l’aide sociale. “Elle permet de contourner l’obstacle du secret bancaire, et nous a permis d’identifier des avoirs non déclarés” explique ce dernier.» (24 heures, 24 octobre 2008) Et Michel Cornut d’ajouter, fièrement: «Nous avons un système de prévention et de répression des fraudes [des assistés sociaux] qui est l’un des plus sévères en Suisse, loin devant les villes suisses alémaniques.»

Ici, d’une part, le secret bancaire, n’est plus respecté et, d’autre part, personne ne prétend qu’il aurait pour but – comme le dit le président de l’Association suisse des banquiers Pierre Mirabaud – «la protection de la vie privée, qui est un droit de la personne humaine».

En conclusion, deux revendications élémentaires devraient être déjà avancées:

1° Faire signer par l’ensemble des membres du conseil d’administration d’UBS – tous ceux qui y siègent et y ont siégé au moins depuis 2001, c’est-à-dire lorsque les opérations spéculatives ont pris tout leur essor aux Etats-Unis – une procuration générale permettant de lever le secret bancaire sur leurs comptes. En effet, ils représentent la banque assistée par la BNS et, en dernière instance, par les salarié·es contribuables. Les directeurs de la BNS ne cessent de nous dire depuis des décennies que l’argent de la banque centrale c’est de «l’argent public», qui «appartient au pays».

2° Faire signer la même procuration par l’ensemble des cadres dirigeants d’UBS qui, depuis 2001, participaient pleinement aux décisions prises par Marcel Ospel et Peter Wuffli. Ces derniers ont cajolé John Costas, puis Huw Jenkins (dès 2006) de l’unité américaine d’UBS. Ils les encourageaient à poursuivre les opérations les plus risquées, mais fort rentables, du crédit hypothécaire à risque (subprime, etc.).

Or, selon les termes mêmes de la Commission fédérale des banques (CFB), une violation des règles de bonne conduite a été constatée. S’appuyant sur l’article 754 (Obligation du Conseil d’administration) du Code des obligations (CO), une commission d’enquête parlementaire pourrait intervenir. Elle devrait disposer de cette procuration générale de levée du secret bancaire.

Pourquoi la règle appliquée à des demandeurs d’assistance sociale qui «cacheraient» 40’000 francs et, pour cette raison, n’ont pas accès à l’assistance ne devrait-elle pas s’appliquer à ces deux catégories de «banquiers assistés» ? La seule raison effective: la démocratie capitaliste de classes, son administration et sa justice ne traitent pas de la même manière un banquier et un assisté social.

C’est inacceptable. Rien ne sert de demander des «bonus limités» tant que cette pratique de deux poids et deux mesures est justifiée. Alors qu’un tel type de procuration générale devrait, moralement, n’être signée que par les dirigeants du type de ceux d’UBS.

III.

Une escroquerie est entretenue dans cette opération de sauvetage d’UBS par la BNS et le Conseil fédéral. Il est du domaine public que ce sont les représentants d’UBS et du Credit Suisse qui ont dicté les lignes générales du plan de sauvetage. Un exemple de la privatisation de l’Etat.

En quoi consiste la tromperie ? Il y a deux UBS. L’UBS dont le siège est à Zurich. Et une autre UBS: UBS Investment Bank, avec plus de 30’000 salarié·e·s, qui a son siège à New York. Elle disposait d’une licence bancaire américaine et était censée obéir à l’organe de surveillance de la Bourse de Wall Street (la SEC: Securities Exchange Commission). En plus, une autre entité, créée par UBS Investment Bank, a multiplié des opérations casse-cou: la DRCM (Dillon Read Capital Management), filiale d’UBS basée à New York. Elle devait extraire par la spéculation la plus aventureuse un profit maximum pour le seul compte d’UBS.

Devant les cris d’alarme des traders de DRCM, la direction d’UBS, en mai 2007, dissout DRCM ! Mais elle demande à UBS Investment Bank de continuer à accumuler des produits toxiques, pour des dizaines de milliards. Une grande partie de ceux que la BNS a pris en charge le 14 octobre 2008 dans son «fonds de défaisance», qui sera logé dans le paradis fiscal des îles Caïmans.

Quiconque raisonne se pose alors une question: pourquoi les pertes de la banque américaine UBS Investment Bank n’entrent-elles pas dans les 700 milliards de dollars du Plan Paulson ? D’ailleurs, la NZZ am Sonntag du 21 septembre 2008, en première page, titrait: «Les contribuables américains aident l’UBS à sortir du pétrin». En effet, le 20 septembre, le Congrès avait adopté le Plan Paulson.

Depuis lors, silence radio. Le contribuable américain a été remplacé par le contribuable helvétique, même si la BNS et le CF, comme la NZZ, n’osent plus utiliser, aujourd’hui, le terme «contribuable».

Pourquoi ce retournement ? Pour deux raisons. 1° La concurrence d’UBS Inves­tment Bank n’était pas appréciée à Wall Street. Dès lors, pas de cadeau. 2° Plus sérieusement, UBS et DRCM devaient faire face à de nombreuses procédures légales ayant trait non seulement à l’aide à l’évasion fiscale, mais aussi au non-respect de lois concernant la vente de divers produits. Selon le Financial Times, du 13 août 2008, en première page, Peter Kurer reconnaissait ces pratiques litigieuses, dès 2006. Pourtant elles ont continué.

Première conclusion. Le non-respect des lois et règlements de la place financière américaine par les dirigeants d’UBS a jeté des tonnes de produits toxiques dans les bras des contribuables-salariés vivant en Suisse. Aucune raison de l’accepter sans contrepartie.

Deuxième conclusion. Lorsque le FMI (Fonds monétaire international) fait un «prêt» à un pays pauvre, il impose des conditions (conditionnalité): équilibrer le budget quitte à couper dans les dépenses sociales, à restructurer la production, etc. Pourquoi le même principe de conditionnalité ne serait-il pas appliqué à l’UBS par la Confédération ?

IV.

Les 68 milliards de fonds publics alloués à l’UBS ne peuvent l’être sans contreparties. De là découlent diverses revendications:

• Les bonus distribués aux cadres d’UBS Investment Bank et aux dirigeants d’UBS s’élèvent à quelque 20 milliards de dollars; pour la seule année 2007: 12 milliards, malgré les pertes. La restitution de ces milliards doit être une condition de la garantie publique.

• En collaboration avec les autorités américaines, la levée du secret bancaire en Suisse doit être appliquée, pour récupérer quelques éventuels milliards qui seraient planqués en Suisse par les cadres d’UBS Investment Bank.

• Les Etats-Unis peuvent imposer la levée du secret bancaire dans les îles Caïmans dans des «cas fondés». Pas de doute qu’ils pourraient imposer cette mesure pour ce qui a trait aux cadres de DRCM et d’UBS Investment Bank. Parions que les autorités américaines collaboreront facilement sur ce terrain avec une possible commission ad hoc helvétique de récupération des bonus.

• Ces conditionnalités de bon sens débouchent sur l’exigence d’une nationalisation d’UBS: sa capitalisation bancaire (nombre d’actions multiplié par leur valeur) dépasse à peine les 60 milliards. Autrement dit, la somme n’est pas loin des 68 milliards de francs avancés par la BNS. Un pôle financier public pourrait être ainsi créé.

Dans ce cadre, une série de mesures – prises dans un nouveau contexte international – deviennent crédibles: celles concernant l’interdiction de la titrisation; une politique de double taux d’intérêt (l’un pour les crédits aux investissements productifs; l’autre, dissuasif, pour les opérations sur des marchés financiers), une réforme radicale du système de prévoyance (AVS, 2e pilier), etc.

Un ensemble de mesures concrètes que nous exposerons dans le numéro à venir de La brèche de novembre 2008.   

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