Arabie saoudite: «Ici, promouvoir la démocratie est un crime». Schneider-Ammann et Ruth Metzler ne le savent pas

La «loi islamique impose des restrictions aux femmes». Mais pour l’horlogerie suisse les affaires sont bonnes

Par Rédaction A l’Encontre et René Backmann

Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, en place depuis novembre 2010 au Département fédéral de l’économie, effectue des «courses» pour les firmes suisses en Arabie saoudite et en Indonésie.

Schneider-Ammann, membre du Parti libéral-radical (PLR), avant d’occuper un siège au Conseil fédéral (exécutif de la Suisse), était à la tête du groupe industriel – acquis grâce à son mariage – Ammann Group.

Il avait cultivé ses positions dans ce que les Helvètes qualifient de «milieux économiques», selon une formule poliment neutre. Il avait joué un rôle dans la prise de contrôle d’une firme de haute technologie, Mikron Technology, par Ammann. Il disposait d’un fauteuil au conseil d’administration de Swatch Group. Dès 1999, il présidait Swissmem (Association des industries mécanique, électrique et métallique) et de l’association patronale Economiesuisse.

Logiquement, «entré en politique» en 1999, il se trouvait dès 2003 à la Commission de l’économie et des redevances. Il est aussi présent dans l’influent et internationalisé groupe Bilderberg.

Son voyage en Arabie saoudite s’effectue en compagnie d’une «bande de patrons». Autrement dit la tradition de représentant de commerce des conseillers fédéraux est respectée. L’Arabie saoudite a réduit ses importations en provenance de Suisse – baisse des revenus du pétrole oblige – de quelque 2 milliards entre 2015 et 2016. Il s’agit donc non seulement de les relancer, mais de participer en tant que «puissance industrielle» aux projets de modernisation économique. Ils vont s’accentuer suite à la désignation par le roi Salmane de son fils Mohammed ben Salmane au poste de prince-héritier. Ce dernier était déjà vice-Premier ministre et conserve ses fonctions de ministre de la Défense.

Il a engagé une guerre au Yémen – contre lesdits rebelles Houthis et indirectement contre l’Iran qui les soutient – qui débouche sur une «catastrophe humanitaire». Traduction de cette formule: massacres, blessés laissés sans soins, destructions des infrastructures, famine, épidémie de choléra (200’000 cas, la plus grave épidémie au monde selon l’OMS), cocktail mortel pour les enfants que constituent l’eau croupie, la malnutrition et le choléra dans un pays qui ne dispose pas – pour des raisons de blocus – de médicaments et de matériel de base pour les soins.

Schneider-Ammann reçoit un cadeau du ministre du Commerce et de l’Investissement, Majid Al Qasab, le 16 juillet 2017

Mais pour Schneider-Ammann et ses acolytes, le Yémen n’est plus un lieu de voyages organisés par Kuoni. L’important réside dans le plan national de l’Arabie saoudite, baptisé «Vision 2030» et inauguré en avril 2016 par Mohammed ben Salmane. Ce plan doit «réorienter l’économie du royaume en la sortant de sa dépendance aux hydrocarbures». Et c’est ce que Schneider-Ammann a expliqué en insistant sur la «volonté du Royaume» d’investir dans la formation, la pharmacie, la logistique, l’énergie et le tourisme (Genève-Riyad-Genève ou Riyad-Genève-Riyad?).

De plus, faut-il rappeler que l’Arabie saoudite a rejoint la Commission de la condition de la femme de l’ONU fin avril 2017 et y sera présente dès 2018. Ce qui a provoqué, le 22 mars 2017, une déclaration préventive du président de l’ONG UN Watch, Hillel Neuer: «C’est comme désigner un pyromane, chef des pompiers de la ville.» Pour rappel, cette Commission de l’ONU est dédiée «à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes». Il est vrai, selon un reportage, daté du 16 juillet 2017, de la TV suisse alémanique qu’un responsable de l’Arabie saoudite a rappelé à Schneider-Ammann qu’à sa connaissance le droit de vote des femmes avait été accordé «assez tardivement en Suisse».

Mais l’ex-conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold (mai 1999-décembre 2003) – originaire d’Appenzell Rhodes-Intérieures (le droit de vote des femmes au plan cantonal y a été introduit suite à une décision du Tribunal fédéral en 1991) et membre du Parti démocrate-chrétien – faisait partie des personnalités adéquates pour ce Royaume. Elle rencontra les «business women» d’Arabie saoudite, dans la foulée de l’initiative qu’avait prise et publicisée Ivanka Trump. Elle insista, selon le reportage mentionné, sur leur rôle et sur les «progrès en cours et son optimisme en la matière». Toutes ne sont pas «business women», certes. Toutefois, il serait malséant d’oublier qu’après sa brève carrière au Conseil fédéral, Ruth Metzler a travaillé pour Novartis. Elle a de même joué un rôle significatif, par exemple, afin d’assurer la présence du groupe Bühler – un des géants mondiaux en matière d’ingénierie de procédés et des technologies de production agroalimentaire et matériaux avancés – en Arabie saoudite.

Quant à Philippe Leuba, membre du PLR, Conseiller d’Etat du canton de Vaud – un canton qui mise sur le développement hospitalier, les technologies médicales, la robotique, la pharma, en lien avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne –, dans un entretien accordé à la Tribune de Genève, il avouait, en «connaisseur»: «L’Arabie saoudite est un important client économique de la Suisse, avec l’horlogerie par exemple. Ce voyage permettra de voir ce qui bout dans la marmite. Avec la situation politique au Qatar, s’y rendre n’est pas anodin [et le Yémen, les droits de l’homme?].» Et d’ajouter, sous le contrôle sourcilleux du patron de Nestlé: «L’Arabie saoudite est le 18e partenaire économique de la Suisse, avec un volume d’échanges de 3,2 milliards de francs. L’Indonésie est 31e avec un volume de 2,8 milliards. Paul Bulcke, directeur général de Nestlé, dit lui-même qu’il s’agit d’un marché prometteur, relativement stable, avec une forte ouverture.» Il faut savoir préparer la suite de sa carrière, pas seulement celle d’arbitre de football.

En arrière-plan de ce voyage en Arabie saoudite – et en Indonésie de même – le représentant du patronat suisse tentait d’assurer une présence lors de la réunion du G20, en 2020, réunion qui se tiendra en Arabie saoudite et où des thèmes dits géostratégiques et en relation avec la transition énergétique – avec leurs répercussions économiques – seront à l’ordre du jour. L’agenda plus pressant n’est pas pris en considération, cela va de soi. Il s’agit de la situation faite à tous les citoyens de ce pays qui osent émettre une remarque sur la nature du régime et ses pratiques. C’est ce qu’explique le reportage – reproduit ci-dessous – de René Backmann. (Rédaction A l’Encontre)

*****

Le régime saoudien et ses alliés entendent durcir le blocus imposé au Qatar et affirmer la domination du royaume wahhabite sur la région du Golfe. Des militants saoudiens des droits humains dévoilent à Mediapart la vraie nature d’une tyrannie qui décapite au sabre et interdit aux femmes de sortir en public sans tuteur masculin. Témoignages.

«Vivre en Arabie saoudite, c’est d’abord savoir se taire. Affirmer en public ou sur les réseaux sociaux que vous êtes hostile à la guerre menée par le royaume au Yémen, ou manifester un doute au sujet de l’embargo infligé par l’Arabie saoudite et ses alliés au Qatar peut vous conduire en prison pour cinq à dix ans, en vertu de la loi antiterroriste, de la loi sur la cybercriminalité ou d’un décret de 2011 interdisant les rassemblements publics.» Il y a cinq ans, Yahya Assiri, était un jeune officier de l’armée de l’air saoudienne, riche et prometteur. Le jour, il travaillait aux contrats d’achats d’armes et d’équipements militaires du royaume. La nuit il débattait sous pseudonyme, sur Internet, de l’absence totale de démocratie dans son pays et de la situation désastreuse des droits de l’homme – et de la femme.

Désormais exilé au Royaume Uni, où il vient d’obtenir il y a deux mois l’asile politique, il dirige, depuis un modeste logement social, l’organisation Al-Qst – «Justice», en arabe coranique –, dont le site a déjà 42 000 usagers assidus. Il projette de mettre sur pied, à partir de cette initiative à laquelle ne travaillent que des compatriotes, une puissante organisation de la société civile saoudienne, en mesure de défendre les droits de l’homme et la démocratie, dont il est devenu un partisan ardent.

«Pendant des années, raconte-t-il, j’ai passé mes soirées et mes nuits, sous le pseudo d’Abou Fares et derrière l’avatar d’une photo de lion, sur des sites ou des forums à discuter de la politique du royaume, surtout en matière de lutte contre la pauvreté et le chômage. En 2009, je suis parti pour Londres, où je devais suivre une préparation en matière de logistique, avant la livraison à l’armée de l’air de nouveaux avions de combat britanniques Typhoon. J’avais le projet d’y rencontrer les dissidents saoudiens installés au Royaume-Uni.

Je les ai trouvés en proie à des querelles de personnes et à des débats qui ne me concernaient pas. J’étais et je reste attaché à deux principes fondamentaux : j’ai foi en la démocratie et les droits de l’homme, mais je pense qu’il n’y a pas de conflit entre ces valeurs et l’islam. Lorsque je suis rentré en Arabie saoudite, j’ai décidé que ce serait mon combat. En 2012, j’ai démissionné de l’armée de l’air et abandonné mon pseudo. Je pensais être arrêté, emprisonné. Cela ne s’est pas produit. J’ai simplement eu du mal à trouver un autre travail.

En 2013, je me suis inscrit à un cycle de cours sur les droits de l’homme à la Kingston University, à Londres, et je suis parti avec ma famille. Pour ne plus revenir. Car pendant que je préparais mon diplôme, des amis m’ont prévenu que le pseudonyme que j’utilisais lorsque j’étais militaire avait été découvert et que je risquais une très lourde peine de prison pour mon activité de militant. Pour des civils, la peine atteignait 10 à 15 ans de prison. Pour un militaire, elle risquait d’être beaucoup plus sévère. Je n’avais plus d’autre choix que de rester à Londres et de demander l’asile politique pour poursuivre mes études et mon travail militant.»

De passage à Paris, à l’invitation d’Amnesty International, Yahya Assiri reste discret sur ses filières d’information, mais il suit de très près ce qui se passe dans le royaume, où les partis politiques, les syndicats, les rassemblements publics sont depuis toujours interdits et où les défenseurs des droits de l’homme sont traités comme des terroristes. En mai 2016, le Tribunal spécial a condamné Abdoulaziz al-Shubaily, l’un des fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), créée en 2009, mais officiellement dissoute par le gouvernement en 2013, à huit ans d’emprisonnement, suivis de huit ans d’interdiction de voyager et de communiquer sur les réseaux sociaux. Aux termes de la loi sur la cybercriminalité, il avait été déclaré coupable de diffamation et d’insultes à l’encontre de juges de haut rang. Il était aussi accusé d’avoir «communiqué avec des organisations étrangères» et fourni des informations sur les violations des droits humains à Amnesty International.

«Comme les organisations internationales de défense des droits humains ne sont pas autorisées à visiter les prisons, nous ne savons même pas exactement combien de nos camarades sont détenus, constate Waleed Sulais, hier directeur des ventes d’une compagnie de téléphone mobile à Riyad et blogueur sur des sites dissidents, aujourd’hui exilé en Allemagne, où il a demandé à bénéficier de l’asile politique. Nos seules sources sont les victimes elles-mêmes ou leurs familles, ou du moins les familles qui ne sont pas trop terrorisées pour fournir des informations. Nos estimations sont qu’il y a aujourd’hui entre 20 et 50 défenseurs des droits humains en prison. Mais il y en a sans doute davantage.»

En septembre 2010, alors qu’il faisait escale à l’aéroport de Bahreïn, Waleed Sulais a été interrogé par la police du petit royaume, allié et obligé de l’Arabie saoudite, sur ses activités et ses déplacements, et tous ses bagages ont été saisis. Il a été photographié et contraint de livrer les codes d’accès à ses deux téléphones mobiles et à son ordinateur portable. Autorisé à poursuivre son voyage vers Riyad trois heures plus tard, il a constaté que nombre de documents et de photos de son ordinateur avaient été ouverts et recopiés, ainsi que le contenu de ses deux téléphones.

«Il est vite devenu évident que si je voulais continuer à écrire des articles sur des forums et sur mon blog, et me concentrer sur la situation des droits humains en Arabie saoudite, la seule solution était de partir, sinon je serais rapidement arrêté emprisonné et réduit au silence. Je serais condamné en vertu des lois ou décrets qui assimilent notre militantisme à du terrorisme, de l’espionnage ou de la collaboration avec des puissances étrangères. Pour les gens qui nous jugent, il n’y a pas de différence entre ceux qui militent pour le salafisme et ceux qui réclament la démocratie. Tous sont des ennemis du royaume.»

Avec Internet, les jeunes savent qu’on peut vivre différemment

«Les peines, pour les défenseurs des droits de l’homme, vont de 10 à 15 ans de détention, confirme Yahya Assiri. Il y a deux sortes de prisons dans le royaume. Les prisons pour les détenus politiques et les prisons pour les prisonniers de droit commun. Dans les prisons politiques, les conditions sont acceptables et la nourriture décente. Mais la torture y est fréquente. Dans les prisons de droit commun, où sont détenus la plupart des défenseurs des droits humains, car le régime ne veut pas qu’ils soient en contact avec les opposants politiques, il y a beaucoup de violence, de drogue, les bâtiments sont vieux et sales, et la nourriture immangeable.

Ce qui, dans cette situation épouvantable, nous donne un peu d’espoir et de courage, c’est l’attitude de la jeunesse. Par le passé, tout ce que disait et ordonnait le pouvoir était accepté, car tout était justifié par la religion. Et nous étions un pays isolé, fermé au reste du monde, qui ignorait tout ce qui se passait autour de lui. Avec Internet, la nouvelle génération sait qu’on peut vivre différemment, bénéficier de libertés dont nous n’avions même pas l’idée. Et beaucoup de jeunes Saoudiens, aujourd’hui, sont capables de mesurer le cynisme du pouvoir, de constater que l’État utilise la religion comme un outil pour imposer ses choix.

Depuis quatre ou cinq ans, le nombre de ceux qui ont ouvert les yeux est assez grand pour que le pouvoir commence à en tenir compte. Voire exceptionnellement à lâcher du lest. L’année dernière, en avril, le conseil des ministres a promulgué de nouvelles directives qui ont réduit les pouvoirs du Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice – la “police religieuse”. Elles interdisent notamment à ces policiers d’arrêter des gens, de prendre des suspects en filature et de contrôler leur identité. Ce n’est pas énorme, mais c’est un début.

Comme la police religieuse a été privée d’une partie spectaculaire de ses pouvoirs, ses excès sont de moins en moins évoqués dans les médias occidentaux. Ce qui est excellent pour le régime. Mais la violence reste au cœur de notre société. Au cœur même des familles. Il n’y a toujours aucune protection pour les femmes dans notre système judiciaire. Vous pouvez être certain que si une femme dépose plainte pour violence demain contre son père ou son mari, la justice, donc le gouvernement, tranchera en faveur du père ou du mari. La loi, chez nous soutient toujours l’homme contre la femme.»

Marche silencieuse de femmes saoudiennes portant des bougies symbolisant des prisonniers dont elles ont demandé la libération, à Qatif, le 14 avril 2011. D’autres manifestations pacifiques tenues en Arabie saoudite en décembre 2011 ont été sévèrement réprimées

Aux termes de la loi, rappelle le dernier rapport annuel d’Amnesty International, les femmes sont subordonnées aux hommes en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Elles ne peuvent accéder à l’enseignement supérieur ni exercer un emploi rémunéré ou se rendre dans un pays étranger sans l’autorisation de leur tuteur.

En avril 2016, le prince Mohamed Bin Salman, désigné le mois dernier, par le roi, son père, prince héritier du trône, avait présenté un plan de réforme économique, «Vision 2030», qui avait pour objectif de faire passer de 20 à 30% la part des femmes dans la main-d’œuvre saoudienne et «d’investir dans leurs capacités productives pour améliorer leur avenir et contribuer au développement de la société et de l’économie».

Mais pour l’instant, aucune mesure concrète n’a été prise pour mettre en œuvre ce plan. En revanche, plusieurs dizaines de milliers de femmes ont soutenu la campagne «Les Saoudiennes exigent la fin du tutorat» lancée sur Twitter. En septembre dernier, près de 14 000 Saoudiennes ont signé la pétition en ligne qui appelait le roi Salman à abolir le tutorat. Ce statut, maintenu par une monarchie obscurantiste et bigote, oblige chaque femme à être accompagnée d’un homme de sa famille – mari, frère ou père – pour sortir en public et exige d’elle d’obtenir l’autorisation écrite de son tuteur si elle veut voyager à l’étranger.

«Il faut bien mesurer que nous affrontons un double défi, dit Loujain Al-Hathloul, militante saoudienne des droits des femmes qui vit entre Riyad et Abou Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, où elle étudie les sciences sociales à l’antenne locale de la Sorbonne. Les Saoudiennes sont soumises aux mêmes violations des droits humains que les hommes – absence de liberté d’expression, d’association, de manifestation –, mais elles doivent, en plus, subir la discrimination et la violence inacceptables imposées par les hommes. Car aux violences physiques qu’elles doivent subir, dans une impunité totale, s’ajoutent les abus émotionnels, l’absence d’indépendance financière, la privation délibérée d’éducation.»

À 28 ans, Loujain Al-Halhoul, a déjà connu, elle aussi, les prisons du royaume. En 2014, elle a été arrêtée et détenue pendant 73 jours parce qu’elle avait bravé l’interdiction de conduire imposée aux femmes en tentant d’entrer en Arabie saoudite depuis les Émirats, au volant d’une voiture. Cette arrestation et son activité inlassable de militante lui ont valu de figurer, en 2015, en 3e place dans la liste des 100 femmes arabes les plus influentes. «En plus de la peine de prison, j’ai été punie de dix mois d’interdiction de voyager, raconte-t-elle aujourd’hui. Nous devons profiter de chaque terrain favorable pour tenter d’avancer. Le gouvernement ne peut pas emprisonner toutes les femmes qui protestent ou qui exigent le respect de leurs droits. C’est matériellement impossible et, en outre, cela compliquerait ses relations avec certains partenaires étrangers. De ce point de vue, la lutte contre l’interdiction de conduire est un combat exemplaire, parce qu’elle montre clairement qui est du côté de la modernité.

Un autre combat majeur est la campagne pour l’abolition du tutorat. Le mois dernier, nous avons constaté un signe positif du pouvoir : un décret royal a été publié, demandant aux entités gouvernementales de ne plus exiger une permission masculine pour les emplois dans le service public. C’est un réel pas en avant. D’autant que le décret indique que les organisations de défense des droits humains agréées par les autorités doivent rappeler aux femmes qu’elles peuvent bénéficier de ces dispositions. C’est la première fois que le roi reconnaît le rôle des ONG de défense des droits humains. C’est un début.»

En 2016, 153 personnes au moins ont été exécutées en Arabie saoudite, par décapitation au sabre, lapidation ou fusillade, suivant les crimes dont elles étaient accusées. Au cours des cinq années précédentes, près de 600 exécutions ont été recensées par les défenseurs de droits humains. Et ces exécutions ont été précédées par des procès iniques et des «aveux», le plus souvent arrachés sous la torture. «La torture est pratiquée par les services de sécurité d’une manière routinière, dit Yahya Assiri. L’impunité et la violence du pouvoir saoudien l’ont transformée en une méthode d’interrogatoire comme une autre. Face à une telle situation, la tâche des défenseurs des droits humains et des partisans de la démocratie est démesurée.

Mesurez bien ceci: promouvoir la démocratie en Arabie saoudite est un crime. Si nous la revendiquons ouvertement, nous allons perdre une partie de ceux qui nous suivent sur les réseaux sociaux, car ils auront peur. Nous défendons donc en priorité la liberté de parole, la possibilité pour tous les citoyens de choisir, y compris en politique, ce qu’ils jugent le mieux pour eux. Les utilisateurs des réseaux sociaux soutiennent ces valeurs. Ils ne croient plus la propagande officielle, le discours du pouvoir sur la défense de notre religion, de notre culture. Ils sont de plus en plus nombreux à mesurer que ce discours est mensonger, hypocrite. L’avenir est à nous.» (Article publié sur le site de Mediapart, le 16 juillet 2017)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*