Hommage: Léonce Aguirre

Léonce Aguirre

Nous publions ci-dessous le message envoyé par le MPS (Mouvement pour le socialisme) le 3 octobre 2001 au NPA à l’occasion de la disparition de Léonce Aguirre.

L’annonce du brutal décès du camarade Léonce Aguirre a suscité un choc – voisinant l’incrédulité –  parmi les militant·e·s qui l’avaient connu, dès 1968-1969, à Lausanne (Suisse). En effet, c’est dans cette ville qu’il participa, en octobre 1969, à la création de la Ligue marxiste révolutionnaire (LMR), section suisse de la Quatrième Internationale. Une organisation qui rompait avec la quiétude du pays et de sa «paix sociale» quasi érigée en identité nationale.

Mai 1968 – avec sa grève générale – avait résonné en Suisse française dans un secteur significatif de la jeunesse. La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), section française de la Quatrième Internationale, y symbolisait la volonté de donner une continuité à cette massive sédition étudiante et ouvrière. De plus, la LCR incarnait la rupture avec le stalinisme. Une rupture ressentie comme essentielle par ceux qui se revendiquaient du socialisme, du communisme et devaient faire face aux funestes contrecoups de l’intervention contre-révolutionnaire de l’URSS en Tchécoslovaquie, en août 1968.

C’est donc dans ce contexte que Léonce Aguirre – initialement proche du Parti communiste (Parti ouvrier populaire), dans la proche banlieue de Lausanne – participa à la création de la LMR et s’y engagea sans réserve, sans restriction.

Alors, les pseudonymes étaient de rigueur. Le sien était Stanislas. Mais tous l’appelaient «Nono». Un diminutif qui  renvoyait à son nom de famille, mais qui faisait corps avec sa générosité. Cette dernière soudait la camaraderie quotidienne chez les plus jeunes militants et militantes, comme l’affection chez ceux que l’on peut se risquer à nommer: les aînés. Le caractère mutin, il l’avait pleinement. Et, peut-être, est-ce là l’origine de son nom d’adoption en France: Aguirre.

Il fut de toutes les activités militantes: la distribution régulière des tracts La Brèche sur les entreprises; les mobilisations de soutien à la lutte du peuple vietnamien contre l’intervention militaire des Etats-Unis; celles des jeunes pour l’accès gratuit aux salles de cinéma; l’animation des Cercles étudiants La Brèche; les manifestations devant l’ambassade de Pologne à Berne en décembre 1970, à l’occasion des émeutes de Gdansk; la solidarité avec les travailleurs de LIP en 1973 et la campagne de solidarité avec le peuple chilien suite au coup d’Etat de Pinochet le 11 septembre 1973.

Son élan militant reposait sur un socle de convictions consolidées par une vive sensibilité à l’injustice sociale et par la volonté de comprendre la réalité socio-économique et politique dans laquelle il agissait.

Comme d’autres militants de Suisse française, il «émigra» politiquement en France et s’intégra, au même titre que divers amis et camarades, à la LCR. Un fort internationalisme complice existait au cours des années 1970. Hubert Krivine et Alain Krivine pourraient en témoigner.

Depuis lors, plusieurs d’entre nous le côtoyèrent à diverses reprises. Par exemple, lors du mouvement social de 1995 où nous avions organisé la solidarité politique, syndicale et matérielle avec les travailleurs d’EDF à Besançon; cette ville dont il avait la responsabilité, durant toute une période, pour la LCR. Nous le rencontrions aussi lors des Forums sociaux ou à l’occasion de conférences données, en Suisse, sur la situation politique en France. Ce qui nous permettait d’engager le débat avec lui. Il avait acquis une expérience politique dans un pays riche de luttes sociales et politiques; et dans la foulée de son engagement, il participa à la création du NPA. La discussion avec lui se menait sur un ton qui ne trompait pas: la reconnaissance mutuelle – liée à une histoire et à des histoires militantes – cadrait avec respect les échanges politiques, au-delà des accords ou des désaccords.

Pour ceux et celles qui l’ont connu dès 1969, sa disparition réveille des souvenirs marqués du sceau de l’émotion, mais aussi d’une volonté de poursuivre un engagement – le sien, le nôtre et celui de ses camarades – qui va bien au-delà de ce qui, aujourd’hui, est considéré comme «un agenda politique» par les médias.

Nous ne terminerons pas ce message et cet hommage par une formule convenue,  si courante dans ces occasions. Mais simplement par l’expression de notre affliction et par l’affirmation de toute notre sympathie – au sens premier du terme – pour sa compagne Sophie et ses enfants. Udry Charles-André pour le Mouvement pour le socialisme (MPS)

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