Abu Mohammad: Ils ont laissé passer les gens normalement. On ne s’est tout d’abord pas imaginé ce qu’ils étaient en train de préparer. C’était mercredi 1er mai et les gens entraient et sortaient joyeusement du village. Il y avait des points de contrôle, mais ils n’arrêtaient personne, les gens allaient et venaient. C’est alors que, mercredi, ils ont coupé les routes et l’autoroute. Il n’y avait pas de pain. Les motos n’avaient pas l’autorisation d’entrer ou de sortir.
Alors, les gens étaient effrayés; quelque chose était sur le point de se produire. Jeudi 2 mai, ils se sont tous dirigés en bas vers le pont, près du point de contrôle, afin de fuir. Il y avait environ 500 à 600 hommes et femmes. C’est alors que les soldats au point de contrôle les ont insultés et les ont fait s’allonger sur le sol. Un soldat a dit: «Espèce d’animaux, levez-vous et retournez vers vos maisons.» Il faisait nuit, c’était après le coucher du soleil.
Ils bombardaient cette fois Al-Bayda et Ras Elreefi. C’est alors que les gens ont été saisis par la peur et ont tenté de s’enfuir vers le bas ou vers le haut. D’autres voulaient dormir sur place, à la belle étoile. Les gens, samedi 4 mai 2013, ont voulu partir, mais les soldats les en ont empêchés. Il y avait un couvre-feu; personne n’avait le droit de bouger.
Les gens ne pouvaient même pas approcher le point de contrôle. Lorsque quelqu’un tenta de l’approcher, au moins 300 balles furent tirées dans le ciel. Les soldats ont repoussé les gens loin du point de contrôle afin de les empêcher de s’enfuir. Les gens sont alors restés dans leurs maisons.
Entre 3 heures et 3 heures et demie, ils ont commencé à bombarder Banias, en particulier Ras-Elnabe’, en utilisant de l’artillerie et des mortiers. Les bombardements étaient effectués depuis Alqossor, ainsi que depuis le pont de Ooze et celui de Ras-Elnabe’, de même que depuis les points de contrôle. Les gens vivaient en paix auparavant, il n’y avait rien dans les villages et il n’y avait pas de rebelles armés.
Nous avons alors vu l’armée descendre depuis le pont de Ooze, s’approchant du village, soumis aux bombardements de l’artillerie. Les soldats ont atteint la première maison de la bourgade et ils ont alors contraint tous ses habitants à sortir, les ont plaqués face contre le mur avant des tous les abattre. Ils ont tué quatre ou cinq personnes qui habitaient dans la deuxième maison. C’est à ce moment que j’ai fait sortir ma famille, puis je suis retourné chercher tous les autres pour les emmener. Mais lorsque je suis revenu, j’ai dû me cacher dans une petite cave. J’étais coincé à l’intérieur, je dis donc que je ne suis pas meilleur que les autres. Ils ont emmené toute ma famille à l’extérieur, avec les autres familles. Ils les ont mis la face contre le mur. Il y avait 35 personnes qui faisaient partie de ma famille. Là, c’était seulement les membres de ma famille. Il y avait aussi d’autres familles. Ils les ont contraints de se mettre face contre le mur; et tout le monde l’a fait, y compris les enfants.
Le plus jeune parmi eux avait 15 jours. Il y avait parmi eux huit enfants âgés de 15 jours d’une année et demie, de deux ans et de trois ans. C’est alors que l’un des soldats a dit très clairement: «Tuez-les tous sans pitié, tuez-les tous sans pitié.» Je me trouvais à ce moment dans le sous-sol et j’ai tout entendu.
Des gens disent aussi que les tueurs parlaient avec un accent qui n’était pas syrien. D’après ce que vous avez vu, l’avez-vous remarqué?
Oui, oui, ma chère sœur, il y avait des paroles que je n’arrivais pas à comprendre. Je suis un Syrien de Banias, de Ras-Elnabe’. Il y avait des choses que je ne pouvais pas comprendre. Certains d’entre eux portaient des habits de la marine, d’autres des vêtements civils et des souliers blancs. Ils étaient environ 150. Ils ont ensuite tué les enfants. Ils les ont empilés les uns sur les autres. L’un d’entre eux à dit: regarde, celui-ci est encore vivant; ils lui ont tiré une balle dans la tête. Ils les ont pris les uns après les autres et ils les ont abattus. Si vous avez vu les photos, vous avez vu qu’il y avait deux enfants dont ils ont, après les avoir tués, brûlé les mains et les jambes.
Il y avait la famille Rajab dont 16 d’entre eux ont été tués. Il y avait aussi la famille de Sabag, la famille de Al-Aleene, la famille de Turuk, la famille de Dahbaj, la famille de Jalul. De la famille de Jalul, ils ont tué Abu-Alabed, ses deux fils, ses six filles, ses parents et ses deux frères. Le père d’Abu-Alabed était handicapé, il ne pouvait pas bouger, il utilisait une chaise roulante. Il y avait aussi la famille de Lahoof et de Qasem.
Vous mentionnez les familles tuées. Combien de temps la tuerie a-t-elle duré?
Ils sont entrés à 3 heures 30 et ils ont commencé à bombarder. Ils tiraient environ 20 à 30 obus par minute. Les maisons étaient détruites et ils sont alors entrés dans les maisons pour tuer tous ceux qui étaient vivants. Je ne vous parle que d’une seule rue. Si vous comptez les autres rues, le nombre de morts dépasse les 1500. Il y en a plus de 1000 seulement à Ras-Elnabe’. Ils ont pris un camion (un camion congélateur) et ils ont commencé à jeter les corps dedans. Ils ont pris plus de 200 martyrs, plus de 200 martyrs.
Combien d’heures êtes-vous resté dans le sous-sol?
J’y suis resté une heure et demie et je retenais ma respiration parce qu’ils étaient très proches et que je ne pouvais ni bouger ni sortir. Ils sont restés une heure et demie devant la maison de ma famille. Après qu’ils les ont mis face contre mur et qu’ils les ont tous tués, ils se sont dirigés vers d’autres maisons pour continuer la tuerie. Ils ont fait une descente dans une autre famille, puis une autre puis encore une autre. Je me suis dit à ce moment qu’il n’y avait plus personne dehors. Lorsque je suis sorti, j’ai vu une petite fille bougeant de tous les côtés et levant les mains. On lui a tiré deux fois dans les mains. Lorsque je l’ai vue, j’ai été saisi de vertiges et j’ai perdu conscience. Un voisin est venu lorsqu’il m’a vu dans cet état, il m’a fait reprendre mes esprits et nous avons emmené la petite fille. Il y avait aussi un homme de sa famille qui était toujours en vie. Cet homme m’a dit que lorsqu’elle a commencé à lever sa tête, il lui a dit: «Dors, dors sinon ils vont revenir et ils vont nous tuer.» Il a laissé la fille se rendormir. Lorsqu’ils nous ont vus approcher, ils se sont sentis en sécurité et nous les avons portés et nous les avons emmenés. Je vous raconte ce que j’ai vu de mes propres yeux. Je suis retourné voir ce qui s’est passé dans le quartier, mais je n’ai trouvé personne d’autre. Plus de 1000 sont morts dans cette zone.
Ils s’en fichent donc des enfants, des femmes et des vieillards?
Un enfant de 15 jours a été tué.
Des gens affirment que des armes blanches ont été utilisées, avez-vous remarqué des personnes tuées à l’arme blanche?
Certaines personnes ont été tuées à l’arme blanche et au couteau, d’autres ont eu leurs têtes fracassées à coups de pierres jusqu’à ce qu’elles explosent. Ils n’ont pas épargné les enfants ou les vieillards. Les tueurs appartiennent à plus d’une confession Il y a des Alaouites et des chiites d’Iran. Il y avait des accents que je n’avais jamais entendus. Je suis un Arabe et un Syrien.
Je n’ai jamais entendu de tels accents. Il y a aussi la famille de Dandesh, ils ont tous été brûlés dans leurs maisons. Trois maisons proches les unes des autres. Ils les ont tous brûlés dans leurs maisons.
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* Ce texte est la traduction – éditée par A l’Encontre – d’un entretien avec Abu Mohammad, témoin oculaire qui a survécu au massacre de Banias et qui a raconté ce qui précède sur la chaîne télévisée Al-Arabiyah.
Massacre dans le village de Bayda (AP, le 2 mai 2013)
il n’ y as pas plus cruel que l ‘homme , et tout cela se fait sans que personne ni réagissent ni même la communauté occidentale ??? Ou va le monde ??
C’est trop grave ce qui ce passe, pourquoi les médias ne montrent pas ça, où sont les dirigeants musulmans ou autres péquins, ils ne leur viennent pas en aide, là c’est un crime contre l’humanité, c’est atroce, horrible, je n’ai même plus les mots, qu’Allah donne la victoire au peuple syrien
Une voix, un poème pour le peuple syrien :
Damascènes
À Homs
Les Damascènes
Écrivent sous leurs ailes,
À Homs
Les Damascènes
Fuient le pain
Au cœur des enfants,
À Homs
Les anges du Roi
Sur la place publique
Brisent leurs ailes.
Anick Roschi 16.03.13