Par rédaction A l’Encontre
Au moment où les médias portent leur attention sur le Liban, une vaste opération de destruction et de «nettoyage ethnique» est à l’œuvre en particulier dans le nord de Gaza. C’est ce que relève Ishaan Tharoor dans le Washington Post du 14 octobre: «Le nord de la bande de Gaza, déjà éprouvé par une année de guerre dévastatrice, est en proie à une nouvelle offensive israélienne punitive. Les forces israéliennes ont encerclé le camp de réfugiés de Jabaliya dans le but, selon un communiqué des FDI, “de démanteler systématiquement les infrastructures terroristes”. Israël a donné des ordres d’évacuation à quelque 400 000 habitants du nord de la bande de Gaza, leur demandant de se rendre dans des zones situées plus au sud, qui regorgent déjà de personnes déplacées et qui sont toujours touchées par les bombardements israéliens. Les frappes aériennes ont fait des dizaines de morts.»
Il est nécessaire de mettre en perspective cette facette de la guerre génocidaire en cours à Gaza qui prend une forme particulière depuis quelques jours dans le nord.
«L’épuration» de la zone nord de Gaza
En date du 17 septembre, Meron Rapoport, sur le site israélien +972, publiait déjà un article (avec une version en hébreu) intitulé «Le plan de nettoyage du nord de la bande de Gaza prend de l’ampleur». Rapoport citait l’appel à l’armée, le 15 septembre, effectué par un chercheur de l’Université de Tel-Aviv, Uzi Rabi: «Retirez toute la population civile du nord, et quiconque y restera sera légalement condamné comme terroriste et soumis à un processus de famine ou d’extermination.» Il a été confirmé que Uzi Rabi affirmait son soutien au général de division (réserviste) Giora Eiland. Ce dernier anime le Forum des commandants et combattants de réserve qui proposait d’«ordonner à tous les habitants du nord de Gaza de partir dans un délai d’une semaine, avant d’imposer un siège total à la zone, y compris la fermeture de toutes les sources d’approvisionnement en eau, en nourriture et en carburant, jusqu’à ce que ceux qui restent se rendent ou meurent d’inanition». Un tel plan faisait directement écho aux considérations de la Cour internationale de justice (CIJ) qui reconnaissait dès fin janvier «un risque plausible de génocide de la population palestinienne».
Or, Le Monde daté du 17 octobre (disponible sur le site dès le 16) constate que «quelque 430 000 personnes au total sont bloquées» dans la région nord de Gaza, selon des agences de l’ONU. Et Amnesty International souligne à propos des «ordres d’évacuation» de l’armée qu’ils relèvent «d’un euphémisme d’Israël pour désigner des déplacements forcés» [car] «ils s’adressent à une population placée dans l’impossibilité d’y obéir même de force». L’auteur de l’article du Monde, Jean-Philippe Rémy, après avoir cité le porte-parole de l’Unicef, conclut: «Au mois d’octobre s’est mis en place un durcissement radical des mesures déjà destinées à raréfier le ravitaillement dans le nord». Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la nourriture constate dans un rapport qui sera présenté le vendredi 18 octobre à l’Assemblée générale de l’ONU: «Jamais dans l’histoire de l’après-guerre [mondiale de 39-45] une population n’a été réduite à la faim si rapidement et si complètement que l’ont été les 2,3 millions de Palestiniens vivant à Gaza.» C’est dans un tel contexte que la Knesset (parlement d’Israël) envisage de faire voter une loi qui interdise toute activité de l’UNRWA. Ce qui constitue la phase ultime d’une longue campagne de discrédit.
Le début d’une prise de contrôle de Gaza, au nord
Le 11 octobre, Baudouin Loos, dans le quotidien belge Le Soir, posait la question: «Que se passe-t-il dans le nord de la bande de Gaza?» Il citait le médecin Moustafa Barghouti, dirigeant de l’Initiative nationale palestinienne, qui déclarait le 8 octobre que le pouvoir gouvernemental et l’armée israélienne mettaient en œuvre un «nettoyage ethnique imposé à la population du nord de la bande de Gaza». Baudouin Loos relayait une déclaration d’une vingtaine d’ONG, reproduite par le Norwegian Refugee Council le 9 octobre, soulignant que «les nouveaux ordres [de l’armée israélienne] empêchent les acteurs humanitaires de fournir des services essentiels tels que les services de santé, l’eau potable, la nourriture et la nutrition, privant ainsi la population civile des dernières lignes de vie». Loos relevait les propos d’Aluf Benn, le rédacteur en chef de Haaretz, datant du 9 septembre: «Israël entre dans la deuxième phase de sa guerre à Gaza, au cours de laquelle il s’efforcera d’achever sa prise de contrôle du nord de la bande de Gaza, depuis la frontière jusqu’au corridor de Netzarim [à la lisière sud de Gaza-ville]. Nous pouvons prédire que cette zone sera alors progressivement mise à la disposition de la colonisation juive et de l’annexion à Israël, en fonction de l’ampleur du tollé international que de telles mesures pourraient susciter. Si cela se produit, les résidents palestiniens qui restent dans le nord de Gaza seront expulsés, comme l’a suggéré le général de réserve Giora Eiland, sous la menace de la famine et pour “protéger leur vie” pendant que l’armée israélienne traque les militants du Hamas dans ce secteur.»
Jack Khoury, dans Haaretz du 15 octobre, constate: «La crise humanitaire dans le nord de la bande de Gaza s’aggrave, de nombreux habitants faisant état de la faim et d’une grave pénurie de produits de base en raison de l’absence d’aide dans la région.» Puis il cite le ministère de l’Information du Hamas – dont le constat est au plan factuel concordant avec l’OMS, l’Unicef et de nombreuses ONG: «Ce qui se passe dans le nord est une destruction totale et un nettoyage ethnique, avec la démolition de tous les bâtiments qui n’ont pas encore été touchés ou bombardés pendant la guerre, ainsi que la destruction systématique de toutes les infrastructures. Cela signifie la mise en place d’un plan de déportation de masse.» Puis Jack Khoury complète sa description ainsi: «La crise est également ressentie dans les hôpitaux, qui fonctionnent partiellement. Lundi [14 octobre], un entretien télévisé a été publié avec le directeur général du réseau hospitalier de Gaza, le Dr Munir al-Bursh, qui a fondu en larmes lorsqu’on lui a demandé s’il était possible de fournir une assistance médicale aux personnes restées dans le nord. Il a répondu que les habitants du nord étaient désormais à la merci du ciel.» Ce d’autant plus que la campagne militaire israélienne se concentre sur une vaste zone entourant Jabaliya en multipliant les tirs et les bombardements ainsi que les massacres de civils. (16 octobre 2024)
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