Israël-Palestine «L’armée israélienne lance des grenades étourdissantes sur des militant·e·s de gauche en “visite de solidarité” à Huwara»

Le 3 mars, des manifestant·e·s se déplaçant vers Huwara portaient des pancartes sur lesquelles ressortaient les slogans: «Il faut mettre fin au terrorisme juif» et «Les vies palestiniennes comptent»

Par Hagar Shezaf et Jack Khoury

Les «Israel Defense Forces»  [l’armée israélienne; le qualificatif de «défense» suscite, ici, une interrogation] ont informé, le 3 mars 2023, les groupes de gauche qu’ils ne seraient pas autorisés à se rendre à Huwara, ville de Cisjordanie, bien que la visite ait été coordonnée avec le conseil municipal local. [Voir sur le progrom d’Huwara l’article de Yuval Abraham, du site israélien +972, dont la traduction a été publiée sur le site alencontre.org, le 2 mars.]

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Vendredi 3 mars, l’armée israélienne a lancé des grenades étourdissantes sur des centaines de militant·e·s de gauche qui participaient à une visite de solidarité à Huwara, au lendemain de l’attaque meurtrière des colons dans la ville dimanche.

Des officiers de l’armée avaient auparavant rencontré des représentants des groupes de gauche «Standing Together» et «Looking the Occupation in the Eyes» pour les informer qu’ils ne seraient pas autorisés à se rendre dans la ville de Huwara, en Cisjordanie, pour leur visite de solidarité, bien que celle-ci ait été coordonnée avec le conseil municipal de la ville et les résidents locaux.

Environ 500 militants se sont dirigés vers Huwara malgré la décision. Les IDF ont arrêté le bus en route vers la ville du nord de la Cisjordanie, déclarant la région «zone militaire fermée», un arrêté provisoire qui permet légalement aux militaires de refuser l’entrée aux civils. Selon cet arrêté, seuls les bus privés pouvaient être arrêtés, ce qui a conduit les manifestant·e·s à continuer à pied vers Huwara.

Au cours de leur marche vers Huwara, les manifestant·e·s ont brandi des banderoles aux cris de «Où étiez-vous lorsque le [saccage] de Hawara s’est produit?» et «Mettez fin à l’occupation». Les Palestiniens ont fait retentir le klaxon de leurs voitures en signe de solidarité et fait des signes de paix avec leurs mains.

Un cousin de Sameh Aqtash, 37 ans, qui, selon le récit de sa famille, a été tué par les soldats de l’armée israélienne alors qu’il défendait sa maison pendant les «événements» de la nuit du 26 au 27 février, s’est approché des manifestant·e·s et a déclaré: «Ces personnes sont le signe qu’il y a des gens qui se rangent à nos côtés.»

Un manifestant a déclaré à Haaretz que «les soldats [des IDF] nous ont informés que nous n’étions pas autorisés à passer. J’ai demandé à voir l’ordre officiel [de fermeture d’une zone militaire]. Comme ils ne me l’ont pas présenté, j’ai décidé de prendre un autre chemin.» «Un soldat a alors foncé vers moi», a-t-il poursuivi, «me donnant des coups de pied et me frappant au visage. J’ai été jeté au sol et 3 ou 4 autres soldats ont sauté sur moi. J’ai mal aux côtes et mes mains sont blessées. L’un des soldats m’a menacé et a dit: “Maintenant que tu es menotté, tu n’es plus aussi futé. Je vais m’occuper de toi.” Je n’ai été libérée qu’après qu’une femme palestinienne a dit qu’elle ne partirait pas sans que je sois également libérée. Un commandant de la police des frontières israélienne est arrivé et m’a laissé partir.»

Zvi Sukkot, actuel député du Parti sioniste religieux [qui dispose de 6 élus à la Knesset], était présent sur les lieux près de Huwara et a interpellé les manifestant·e·s. Zvi Sukkot est l’ancien directeur exécutif du parti d’extrême droite Oztma Yehudit (Force juive) et l’un des fondateurs de l’avant-poste [proto-colonie bâtie en mai 2021] d’Evyatar, formellement non autorisé [il est situé dans la zone rurale palestinienne, près de Beita, au sud-est de Naplouse]

Alors que les accrochages s’intensifiaient, les forces israéliennes ont fini par lancer des grenades étourdissantes sur les manifestant·e·s, parmi lesquels des hommes âgés. «Il est ridicule que l’armée autorise les colons à entrer dans Huwara au moment où nous parlons, mais que nous – Juifs et Arabes israéliens qui souhaitons montrer notre solidarité – nous nous entendions dire qu’il n’y a pas d’entrée», a déclaré Standing Together, tôt vendredi matin 3 mars. «Quand [le ministre des Finances Bezalel] Smotrich dit “Huwara doit être rasé”, cela devient un ordre opérationnel, et en tant que tel, lui et d’autres ministres sont responsables du crime.»

Dimanche, des centaines de colons israéliens ont saccagé la ville palestinienne dans la nuit du 26 au 27 février, attaquant les résidents tout en incendiant des maisons et des voitures. Des témoins affirment que l’armée n’a pas fait grand-chose pour intervenir dans ce déchaînement de colons qui a blessé 98 Palestiniens et Palestiniennes.

Des dizaines de jeunes Juifs, dont beaucoup étaient masqués, se sont rassemblés à Huwara le lendemain matin, contrôlant les véhicules à la recherche de Palestiniens, alors même que des soldats israéliens se tenaient à proximité. Près d’une semaine après cette agression de la population d’Huwara, les colons sont toujours autorisés à entrer dans la ville.

Mercredi 1er mars , le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a appelé à la destruction d Huwara, quelques jours seulement après l’attaque. «Le village de Huwara doit être rasé. Je pense que c’est à l’Etat d’Israël de le faire – et non, Dieu nous en préserve, à des simples particuliers», a déclaré Bezalel Smotrich lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait «liked» un tweet du vice-président du conseil régional de Samarie, Davidi Ben Zion, qui appelait à la «destruction de Huwara dès aujourd’hui».

Dans un entretien radiophonique lundi, le député d’extrême droite Tzvika Foghel [militaire haut placé dans l’armée de réserve et membre de Force juive] a également exprimé son soutien à l’agression contre Huwara, affirmant que «la dissuasion obtenue hier à la suite de ces prétendus pogroms n’avait pas été atteinte en Cisjordanie depuis l’opération Bouclier défensif», menée par l’armée en 2002 pendant la deuxième Intifada. «Huwara a été brûlée et mise hors service. C’est ce que je veux voir», a déclaré Tzvika Foghel [1].

Vendredi, le ministère égyptien des Affaires étrangères a publié une déclaration qui condamne sévèrement les appels de Bezalel Smotrich. «Il s’agit d’une incitation dangereuse qui ne peut être acceptée et qui s’oppose à toutes les valeurs et les lois», indique le communiqué [2]. «Elle exprime un manque de responsabilité qui devrait caractériser toute personne qui occupe une position officielle.» (Article publié dans les colonnes du quotidien Haaretz, le 3 mars 2023; traduction par la rédaction de A l’Encontre)

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[1] Ce 5 mars, selon le groupe des droits de l’Homme Yesh Din (Volontaires pour les droits de l’Homme), des membres du «mouvement pro-implantation», masqués, ont jeté des pierres sur des habitations palestiniennes du village de Burin, à proximité de Naplouse, et déraciné des jeunes oliviers et endommagé des oliviers plantés à proximité de la localité. Les soldats sont restés en spectateurs, puis sont intervenus contre les manifestant·e·s palestiniens. Des nouvelles attaques contre Huwara sont indiquées par The Times of Israël du 5 mars. (Réd. A l’Encontre)

[2] Un ministre du régime dictatorial d’Abdel Fattah al-Sissi semble particulièrement bien placé pour faire référence aux «valeurs» et aux «lois»; cela sans même prendre en compte la politique concrète du régime égyptien face à la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza. (Réd. A l’Encontre)

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