Par May Al-Maghrabi, Chérine Abdel-Azim, Héba Nasreddine, Aliaa Al-Korachi, Chaïmaa Abdel-Hamid
Le premier tour, les 23 et 24 mai, des élections présidentielles – qui se tiennent alors que le cadre constitutionnel n’est pas défini, donc que la place du président dans le système politique n’est pas précisée formellement, et que le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) est toujours en place, et bien en place – a vu une participation de quelque 50% du corps électoral.
Le second tour est fixé aux 16 et 17 juin 2012. Selon des premières estimations – les résultats seront connus dimanche 28 mai – indique que M. Morsi ainsi que l’ancien du régime Moubarak, Ahmed Chafiq, semblent en «pole position». Selon Ahram online, la famille Moubarak a voté, de manière unanime, pour Ahmed Chafiq! Les Frères musulmans, sur la base de leur présence dans les bureaux de vote, annoncent déjà que la «bataille présidentielle s’effectuera dans le second tour entre Morsi et Chafiq».
Avant de pouvoir effectuer une analyse des résultats électoraux et avant de pouvoir les replacer dans le contexte social, économique et politique actuel de l’Egypte, nous publions, ci-dessous, des portraits politiques des principaux candidats. Article qui est suivi de deux «enquêtes»: le patronat et ses candidats préférés; des salariés et leurs candidats préférés. (Rédaction de A l’Encontre)
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I.- Mohamad Morsi
Un système taillé sur mesure
Mohamad Morsi, candidat islamiste, ne jouit pas d’une grande popularité, mais est soutenu par la confrérie (Frères musulmans). L’arrivée de Morsi à la présidentielle permettra aux Frères musulmans de monopoliser à la fois les pouvoirs législatifs et exécutifs. Ce qui leur permettrait de concrétiser leur projet d’un Etat purement islamique. Une ambition que Morsi ne cache pas en affirmant que l’application de la charia est une évidence. L’élection de Morsi ne représente donc pas seulement un danger sur l’identité de l’Etat aux yeux de certains, mais aussi le risque de réduire à néant le rêve de la plupart des forces libérales, civiles, à savoir un Etat démocratique basé sur l’alternance du pouvoir.
En ce qui concerne le système politique envisagé, les Frères ne cessent de changer de cap. Alors que le programme de leur parti annonce un système parlementaire, après sa candidature à la présidentielle, Morsi évoque un système «quasi parlementaire». Gamal Zahran explique: «Les Frères ont entravé de manière préméditée les travaux de l’assemblée constituante pour pouvoir façonner le système politique en leur faveur». Et d’ajouter: «Si leur candidat à la présidentielle est élu, ils opteront pour un régime présidentiel puisqu’ils dominent déjà le Parlement. En cas d’échec, ils soutiendront un régime parlementaire ou au moins un régime mixte pour pouvoir avoir la main haute sur les affaires du pays».
Une probable coalition
Bien que Morsi qualifie la gestion de la période transitoire par les militaires de «fiasco», il se défend d’entrer en conflit direct avec l’armée et évite de hausser le ton. Il dit refuser une situation privilégiée pour l’armée dans la nouvelle Constitution, tout en affirmant qu’il soutiendra les forces armées «par tous les moyens». Zahran rappelle que les Frères musulmans ont toujours valorisé leurs intérêts. Ils n’ont jamais hésité à conclure des accords et des transactions avec le Conseil militaire en dépit de leur position d’opposants sous le régime déchu.
Ainsi, une coalition entre les Frères et les militaires, en cas de réussite de Mohamad Morsi, est probable. Ce dernier qualifie le Conseil militaire de «partenaire au pouvoir» et assure que le statut de l’armée ne changera pas avec la nouvelle Constitution. «L’armée est l’une des institutions de l’Etat, néanmoins, elle doit jouir d’une certaine dérogation lui permettant de conserver les secrets de la sûreté nationale. Quant à la désignation du ministre de la Défense, bien que le président de la République en tant que chef suprême des forces armées soit chargé de le désigner, je consulterai les responsables du ministère de la Défense», a déclaré Morsi, en répondant à une question sur la possibilité de maintenir le maréchal Tantaoui (personnalité du Conseil Suprême des Forces armées – CSFA) à la tête de l’armée.
Selon Gamal Zahran, l’armée veut diriger le pays tacitement, sous la couverture démocratique offerte par le président élu. Un objectif que Mohamad Morsi, s’il arrive au pouvoir, n’entravera pas. Les transactions clandestines semblent être la stratégie préférée des Frères musulmans.
Le mieux placé du Parlement
Sa relation avec un Parlement majoritairement islamiste et où 44 % des députés sont des Frères musulmans inquiète une tranche de la classe politique qui redoute une mainmise islamiste sur la vie politique. Morsi ne cache pas sa loyauté à la confrérie et se dit fier d’être son candidat. Même s’il souligne qu’il sera le président de tous les Egyptiens et que ses décisions ne seront pas influencées par la confrérie, sa dépendance à la confrérie reste en question. «Si je suis élu président, le guide suprême de la confrérie des Frères musulmans ne sera pour moi qu’un citoyen parmi 90 millions d’Egyptiens», veut rassurer Morsi.
L’opposition révolutionnaire
Le comportement des Frères au cours de la période transitoire a été marqué par une dualité du discours et une rupture notable avec les révolutionnaires. Une rupture laissant prévoir une succession de crises entre islamistes et libéraux sous la présidence de Morsi qui a promis de venger les martyrs de la révolution. Selon les mouvements révolutionnaires, les Frères musulmans ont détourné la révolution et se sont jetés dans les bras des militaires pour accéder au pouvoir. Leur agenda est en contradiction avec les aspirations des révolutionnaires qui affirment qu’ils n’ont pas payé de leur sang pour tomber sous la tutelle commune des islamistes et des militaires. Dans un communiqué signé par plus de six mouvements dont celui du 6 Avril, ils s’engagent à poursuivre la lutte contre la «confiscation de la révolution». Ces forces révolutionnaires font le rapprochement dans ce communiqué entre les Frères musulmans et le PND [Parti de Moubarak] dissous.
II.- Ahmad Chafiq
La contre-révolution en personne
Le candidat de l’ancien régime Ahmad Chafiq peine à se rapprocher des parlementaires et des révolutionnaires à cause de ses positions passées. En cas de sa réussite, des tensions sont à attendre.
En cas de réussite, Chafiq promet d’appliquer un régime plutôt civil, «même s’il est dirigé par un militaire». Mais on pourrait plutôt s’attendre à un système purement militaire. Même si cela fait plus d’une dizaine d’années que ce candidat de l’ancien régime a quitté l’armée, il en a toujours gardé son caractère. Pour lui, l’Etat devra suivre un système présidentiel «strict» qui accordera des pouvoirs déterminés au chef de l’Etat ainsi que des pouvoirs plus larges au Parlement et au gouvernement. Le politologue Hassan Nafea, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, explique que l’arrivée de Chafiq au pouvoir sera une déclaration «de la victoire de la contre-révolution dirigée par l’ancien régime et ses hommes». Il ajoute aussi «qu’on ne devrait pas s’attendre à un régime civil», car il s’agit dans le fond «d’un prolongement du régime militaire qui ne fera qu’introduire le pays dans une nouvelle période d’instabilité».
Lune de miel avec le CSFA
L’arrivée d’Ahmad Chafiq à la tête du pays garantit «une sortie sécurisée du Conseil militaire». D’ailleurs Chafiq refuse même cette expression répandue dans les médias, préférant dire «le retour respectueux de l’armée dans ses casernes». Rien de choquant, puisque Chafiq ne jouit pas seulement d’une bonne relation, mais aussi d’une profonde amitié avec le maréchal Tantaoui, chef du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA). Il suffit de suivre ses déclarations dans plusieurs interviews où il révèle avoir consulté son ami le maréchal Hussein Tantaoui avant de prendre la décision de se présenter à l’élection présidentielle. «Chafiq est probablement le candidat de l’armée», affirme Hassan Nafea. Il ajoute qu’au cas où Chafiq gagnerait, «l’armée ressentira le calme, car ainsi la révolution sera avortée et personne n’osera les condamner».
Une vraie guerre froide
Pour un grand nombre d’observateurs, une guerre nette a déjà commencé entre les deux camps. Elle a débuté par la promulgation de la loi de l’isolement politique qui visait en premier lieu à écarter Chafiq de la course présidentielle. Ainsi, une guerre de mots se poursuit entre Chafiq et certains députés, notamment Essam Sultan qui l’accuse de corruption. Un scénario qui laisse à prévoir la nature tendue entre les deux camps en cas d’arrivée d’Ahmad Chafiq à la présidence. Lui, en revanche, tente d’abaisser le ton en assurant à plusieurs reprises qu’en cas de réussite, il ne dissoudra pas le Parlement sous sa forme actuelle (dont la majorité sont des islamistes), signe de poursuite de l’expérience démocratique jusqu’au bout pour prouver que les relations entre eux ne seront pas détériorées.
«Même si Chafiq tente d’assurer le contraire, il faut être sûr que si la nouvelle Déclaration constitutionnelle donne le droit au nouveau président de dissoudre le Parlement, Chafiq n’hésitera probablement pas à le faire», explique Hassan Nafea.
L’échec de la révolution
«Il ne s’agissait pas d’une vraie révolution, mais simplement d’un soulèvement populaire de quelques Egyptiens». C’est ainsi que Chafiq avait qualifié la révolution. Dans ce contexte, les jeunes révolutionnaires estiment que l’arrivée de Chafiq à la présidence est l’échec de la révolution. Des prises de position qui laissent imaginer une relation tendue entre ce dernier premier ministre de l’ancien régime et les révolutionnaires. En outre, durant son mandat, Chafiq n’a pas pu protéger les révolutionnaires lors de la bataille du chameau. De plus, il n’a pas manqué de se moquer d’eux.
Par exemple, à la veille de sa démission, il s’est moqué des révolutionnaires en disant: «Chacun a le droit de manifester, mais dans un jardin comme Hyde Park à Londres, et à ce moment-là on distribuera des bonbons et du chocolat». Des prises de position qui restent inoubliables pour les révolutionnaires, même si lors de sa campagne électorale Chafiq change de ton et essaye d’apaiser les révolutionnaires : «Je vais appliquer les principes de la révolution»! De plus, il assure à plusieurs reprises qu’il garde de bons contacts avec les jeunes révolutionnaires qui lui rendent visite pour le soutenir. Mais les révolutionnaires ont déjà dit leur mot: Si Chafiq remporte la présidentielle, «une nouvelle révolution est à attendre». Hassan Naféa explique que «cela ne sera pas facile à faire. Car les révolutionnaires ont malheureusement perdu le soutien d’une grande partie du peuple».
III.- Hamdine Sabbahi
Un président de réconciliation
Hamdine Sabbahi, bien accueilli par les différents courants politiques, estime sa compétence à gérer le pays. Ce «Nasser II» s’engage à réaliser les revendications de la révolution, à juger le Conseil militaire et à trouver un terrain d’entente avec le Parlement. Un Etat civil. C’est ce que réclame Sabbahi. «Nos principes ne correspondent ni à l’Etat laïque, ni religieux, ni militaire», assure-t-il dans son programme électoral. Selon lui, cet Etat civil préconise un système mixte. «C’est le système le plus approprié pour l’Egypte actuellement». Il exige aussi une limitation des prérogatives du président, contrairement à ce que stipule la Constitution de 1971, mais en lui accordant les pouvoirs qui lui permettront d’accomplir son projet de renaissance avec le pouvoir exécutif.
Et sa performance serait contrôlée par le Parlement. Un avis que partage le politologue Amr Hachem, qui réclame «que la gestion du président soit contrôlée par le Parlement pour garantir plus de transparence».
Le Conseil dans son collimateur
Si Hamdine confirme que l’intervention de l’armée a protégé la révolution, il ne cache pas sa déception vis-à-vis de la mauvaise gestion du Conseil militaire (CSFA).
Ainsi, il s’engage à déférer devant la justice tous ses membres au cas où il serait élu président. Il rejette aussi l’idée d’une sortie sécurisée du Conseil suprême des forces armées. Il réclame une sortie plutôt équitable. Selon lui, les militaires ont échoué à sauvegarder la sécurité de la population et ont commis deux erreurs graves: «Ils ont prolongé la période de transition en insistant sur une gestion identique de l’ancien régime». En outre, ils n’ont pas préservé le droit des manifestations pacifiques, causant la mort d’un bon nombre de manifestants dans l’impunité totale des vrais coupables. Pour le politologue Amr Hachem, ce jugement «est loin d’être applicable. Cette affaire reste difficile à trancher. Les militaires pourront avancer leur innocence sous prétexte de la confusion, du manque d’expérience et des manœuvres des partisans de l’ancien régime qui entravaient leurs missions», conclut-il.
Une réconciliation avec la majorité
Concernant le Parlement, Sabbahi pense qu’il pourra aller de pair avec cette majorité islamiste. A son avis, ce Parlement est le meilleur de tous ceux qui ont précédé la révolution, même s’il ne représente pas réellement la révolution au vrai sens du terme, car il ne renferme pas beaucoup de ses figures.
Hachem explique que Sabbahi pourra adopter une politique de réconciliation avec les islamistes en assurant que «la religion ne devrait jamais être séparée de l’Etat, mais sans le monopoliser», tout en insistant sur le fait que la charia devrait être à la base de la législation. De plus, Sabbahi cherche à assurer un équilibre face à cette majorité islamiste, en nommant 3 vice-présidents de 3 tendances différentes (libéral, gauche et islamique), afin que tous les courants politiques se retrouvent dans leurs représentants.
La révolution dans la peau
Là, on est sûr que Sabbahi va appliquer les revendications de la révolution. Il est sans aucun doute l’une des figures ayant participé à la révolution de 25 janvier dès son déclenchement et jusqu’à la chute du régime. Pour lui, la révolution a fait sortir l’Egypte de l’impasse. Ses principes devraient être respectés par le nouveau président. Dans ce contexte, il a basé son programme électoral sur les 4 principes de la révolution : «Pain, liberté, justice sociale, et dignité humaine», tout en promettant d’appliquer une pratique absolue de la démocratie».
Nasser II, comme le surnomment certains, assure que la révolution représente un exemple concret de la cohésion nationale à laquelle ont participé toutes les classes sociales. «C’est grâce à cette cohésion que la révolution a remporté un succès exceptionnel». Un principe qu’il entend poursuivre. Néanmoins, il estime que la révolution n’est pas encore achevée. Il promet de poursuivre les pas de la révolution afin de réaliser toutes ses revendications, de récupérer le droit des martyrs et de lutter contre les anciens collaborateurs de l’ancien régime. «On peut être sûr que Sabbahi ne lance pas de promesses en l’air, vu son long parcours politique dans la défense des droits des ouvriers, des paysans et des démunis. D’ailleurs, il a dit lui-même qu’en cas d’échec, il serait le premier opposant au nouveau président s’il ne respecte pas les principes de la révolution», conclut Amr Hachem.
IV.- Abdel-Moneim Aboul-Foutouh
L’islamiste défenseur de la laïcité
Bien placé dans cette course et favori des Egyptiens de l’étranger, Aboul-Foutouh se rapproche de la magistrature suprême. Soutenu par des salafistes, des libéraux et des «gauchistes», le candidat s’engage à tenir des promesses parfois contradictoires.
«Il n’existe pas dans l’histoire de l’islam la notion d’un Etat religieux», assure Aboul-Foutouh. Ce candidat islamiste défend «un Etat civil s’inspirant de la charia islamique». L’article 2 reste d’actualité, même si Aboul-Foutouh a déclaré qu’il envisageait l’ajout d’un alinéa permettant aux chrétiens de recourir à leur propre doctrine religieuse.
Il promet d’appliquer la charia «avec souplesse», notamment dans «le domaine du système bancaire et du droit pénal». Et Al-Azhar [université islamique] sera la seule référence religieuse de l’Egypte._
Avec Aboul-Foutouh, deux scénarios sont possibles. Selon certains analystes, il serait le «chaînon manquant» reliant les islamistes aux libéraux. Selon d’autres, telle Amani Al-Tawil, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, il faut s’inquiéter du soutien des salafistes, qui «n’oublieront pas leur projet islamique, et forceront Aboul-Foutouh à revenir sur ses positions modérées». Ainsi, le président élu serait déchiré par ses engagements envers les deux camps. Et un conflit surgirait.
Par ailleurs, Aboul-Foutouh prône un régime mixte qui distribue les pouvoirs entre le président et le Parlement. «Le régime parlementaire, bien qu’il ait beaucoup d’avantages, a besoin d’un paysage politique stable formé d’au moins 4 partis politiques forts, ce qui exige beaucoup de temps. D’autre part, la reprise du système présidentiel dans la situation actuelle mènerait à un nouveau pharaon».
Contre l’hégémonie de l’armée
Aboul-Foutouh a adopté, dès le début de la révolution, un ton très sévère contre la gestion de la période transitoire par le Conseil militaire. Il déplore toujours «une gestion confuse» due à «leur manque d’expérience politique». Aboul-Foutouh accuse même le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) d’être derrière la crise économique. Il est contre «la sortie sécurisée de l’armée» et promet de ne pas laisser le maréchal Tantaoui et les membres du Conseil militaire à leur poste. Il s’oppose à l’implication du CSFA dans les activités économiques et promet de contrôler leur budget. Dans son programme électoral, il se révolte contre l’hégémonie de l’armée dans l’ancien régime : «L’institution militaire ne doit ni être un Etat à l’intérieur de l’Etat, ni un outil entre les mains de l’administration politique». Néanmoins, le ministre de la Défense, pour la période actuelle, sera un militaire.
Selon Ahmad Yéhia Abdel-Hamid, sociopolitologue, les critiques d’Aboul-Foutouh contre l’armée ne sont que des figures de rhétorique pour séduire les électeurs. S’il était élu, les relations ne seraient pas si conflictuelles. Amani, elle, prévoit même une forme de négociations, voire un marché entre la présidence et l’armée.
Sous la loupe des parlementaires islamistes
«La performance actuelle du Parlement n’est pas révolutionnaire», déplore Aboul-Foutouh. Toutefois, le candidat islamiste veut lui donner «une autre chance, et le soutenir dans sa mission difficile de remédier aux problèmes de l’ancien régime». Abdel-Hamid explique que la relation d’Aboul-Foutouh avec le Parlement commencerait par une période de lune de miel. «Les parlementaires islamistes vont lui préparer beaucoup de dossiers pour tester ses opinions concernant le tourisme, l’éducation religieuse et la régulation des plages». Toutefois, si Aboul-Foutouh ménage une relation harmonieuse avec le Parlement, les autres tendances politiques pourraient camper sur la place Tahrir.
Quant aux relations entre Aboul-Foutouh et la confrérie [Frères musulmans], un grand point d’interrogation se pose. La candidature de Mohamad Morsi n’empêche pas certains de dire qu’Aboul-Foutouh est le candidat caché des Frères. Il veut donner à la confrérie «un statut légal». Les analystes prévoient une réconciliation entre la confrérie et Aboul-Foutouh. «Le différend entre eux est de nature structurale et non pas politique», explique Amani.
Une révolution inachevée
Aboul-Foutouh se classe dans la liste des candidats de la révolution. Le récent soutien de Wael Ghonim, l’une des figures emblématiques de la révolution, a été significatif. «Aboul-Foutouh est le président qui réalisera les revendications de la révolution. Il sera le président de tous les Egyptiens, il nous rassemblera et ne nous divisera pas», a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Pour Aboul-Foutouh, la révolution n’est pas terminée, puisqu’elle n’a pas encore réussi à réaliser ses objectifs, à savoir la liberté et la justice sociale. Cependant, les suspicions demeurent, car au décryptage de son programme, on découvre un système économique purement de droite encourageant les investissements et non pas l’industrie.
V.- Amr Moussa
Une gouvernance à l’ancienne
Amr Moussa, candidat issu de l’ancien régime et qui promet le changement, mène la course électorale. Potentiel rempart contre l’islamisation du pays, sa victoire fait craindre un retour au passé. «Quand je serai président, je serai président dans le vrai sens du terme, quoi qu’il en soit». C’est par ce défi que le candidat à la présidence Amr Moussa annonce son programme. Il est l’un des seuls candidats à vouloir appliquer un système présidentiel au sein d’un Etat civil. Il l’a confirmé lors de ses discours télévisés: «L’Etat vit de grands troubles et n’est pas encore prêt à adopter un système parlementaire ou même un système de gouvernance mixte. Nous marchons sur des sables mouvants. La scène politique actuelle n’est pas prête à appliquer ces systèmes». Il ajoute : «Peut-être qu’après cette première période de 4 ans, on envisagera un autre système. Il faut attendre plus de stabilité».
L’écrivain et politologue Mohamad Al-Gawadi explique : «A mon avis, Amr Moussa essaye d’appliquer un système de gouvernance proche de l’exemple américain, basé sur la dominance.»
L’armée garde sa ligne rouge
Selon Amr Moussa, sans l’intervention de l’armée, la révolution n’aurait pas réussi. On dit même qu’il est le candidat caché du Conseil suprême des forces armées. Il est alors facile d’imaginer une importante proximité entre eux, comme c’était le cas sous l’ancien régime. Amr Moussa a assuré à plusieurs reprises que l’armée n’aurait aucun rôle politique s’il était élu, mais son programme prouve le contraire. La création d’un Conseil national de sécurité est notamment prévue. Celui-ci serait dirigé par le président élu et inclurait des officiers de l’armée et des membres du gouvernement. Amr Moussa précise : « Ce Conseil devra examiner toutes les questions qui touchent à la sécurité nationale comme la défense et la guerre. Mais ses prérogatives s’étendront aux conflits de l’eau et aux relations avec les pays voisins ».
Selon Al-Gawadi, « il ne faut pas s’attendre à ce que Amr Moussa s’oppose à l’armée. Leur relation est ancienne. Le maréchal Tantawi et lui sont devenus ministres la même année. De plus, dans le protocole gouvernemental, il a toujours occupé un rang inférieur au maréchal. Amr Moussa ne s’opposerait pas à son ancien supérieur ». Et de conclure: «En ce moment, Amr Moussa a besoin d’une force pour le soutenir, il tentera de renforcer sa position avec l’appui du pouvoir miliaire.»
Une grave mésentente
Entre Amr Moussa et le Parlement, c’est le désaccord total. Et rien ne laisse présager d’une amélioration. La grande majorité des parlementaires ne voit en Amr Moussa qu’un nouveau Moubarak. Quant à lui, il n’espère rien du Parlement. «Jusqu’à présent, les performances de ce Parlement sont insignifiantes, et ses membres manquent d’expérience», avait-il lancé.
Al-Gawadi analyse la situation. «Amr Moussa aura entre ses mains la possibilité de dissoudre le Parlement mais il ne le fera sûrement pas. Non pas par respect du choix du peuple, mais car il ne dispose pas de soutien. Pour qu’il puisse prendre une décision pareille, il faudrait d’abord que ses alliés politiques puissent s’emparer des deux Chambres, ce qui n’est pas du tout le cas. Et il le sait bien». Même si Moussa se targue de pouvoir mener un dialogue constructif avec le Parlement, une imposition autoritaire du pouvoir exécutif est à craindre.
Face aux masses révolutionnaires
«J’appliquerai tous les principes de la révolution», a déclaré Amr Moussa, à l’instar de tous les candidats à la présidentielle. Cependant, comment pourra-t-il faire face aux masses révolutionnaires qui rejettent ce candidat de l’ancien régime ? C’est ici que les choses se compliquent. Amr Moussa veut à tout prix apparaître comme l’un des premiers qui ont soutenu la révolution. Mais personne n’oublie que le 9 février 2011, soit deux jours avant la chute de Moubarak, il déclarait sur CNN (chaîne dinformation) que le président devait terminer son mandat expirant à l’automne suivant. Amr Moussa affirme qu’il a contribué à la révolution « en cherchant à améliorer les choses dans le cadre de l’existant ». Ceci ne traduit pas de position ouvertement révolutionnaire. Il reste loin de convaincre les Egyptiens qu’il a été parmi les agitateurs de la révolution.
Le politologue Al-Gawadi conclut : «Moussa croit pouvoir s’adresser aux révolutionnaires grâce à des discours de diplomates. Mais la situation est bien différente de ce qu’il a prévu. Ces jeunes ont des aspirations nouvelles et il est très loin de pouvoir comprendre leur langage.»
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Les hommes d’affaires font leur choix présidentiel
Par Salma Hussein, Dahlia Réda et Gilane Magdi
Le favori de la plupart des hommes d’affaires est l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Sur les 15 hommes d’affaires interrogés par Al Ahram, 7 le choisissent comme leur candidat préféré. Et cela, sur une échelle allant de 1 à 7. En deuxième position viennent Ahmad Chafiq et Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, avec 3 votes chacun. Le premier (Ahmad Chafiq) est le seul candidat en course issu de l’armée, tandis que le second est un islamiste modéré et ancien cadre des Frères musulmans. Chafiq, dernier premier ministre de Moubarak, est le second choix pour ceux qui ont choisi Moussa, et vice-versa.
Les hommes d’affaires, accusés par beaucoup d’être la cause principale de la révolution en créant des disparités sociales, réduisent le plafond de leurs aspirations. Une majorité écrasante d’entre eux se contenterait d’un non-islamiste, pas trop loin de l’ancien régime.
Un seul intervenant s’est abstenu de faire connaître son candidat préféré, ou d’établir sa liste des 7 candidats préférés parmi les plus connus, à savoir : Amr Moussa, Ahmad Chafiq, Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, Mohamad Morsi, Hamdine Sabbahi, Sélim Al-Awwa et Khaled Ali. « Ils sont tous incompétents pour cette fonction suprême, alors je voterai blanc », souligne Hani Tawfiq, président d’une banque d’investissement.
Tous les interviewés, sans exception, assimilent leurs intérêts à ceux du pays. Quand il leur est demandé de nommer le candidat le plus proche des hommes affaires, ce choix est le même que le candidat préféré pour diriger le pays.
Répondant à la question : «Quel candidat représente un danger pour le climat des affaires?», 6 ont choisi Hamdine Sabbahi. «Il est nassérien, il ne soutient pas le secteur privé», déclare Mohamad Arafa, PDG d’une entreprise de l’industrie agroalimentaire. Quelques-uns ont ajouté Khaled Ali, le jeune avocat, militant des droits sociaux, qui s’est imposé sur la scène, fortement soutenu par les ouvriers.
Les hommes d’affaires n’optent pas non plus pour les Frères musulmans. 11 sur 13 placent Mohamad Morsi en sixième ou septième choix pour la présidence. Cinq le considèrent comme «un énorme danger pour le climat d’affaires». Malgré les tentatives des Frères musulmans d’apaiser les craintes des milieux d’affaires, ceux-ci restent sceptiques vis-à-vis du groupe politique le plus puissant d’Egypte.
Morsi, président du Parti Liberté et Justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans, a été le dernier à se lancer dans la course. Il a remplacé l’homme fort du groupe, Khaïrat Al-Chater, homme d’affaires dont la fortune est estimée à quelque 80 millions de L.E. Al-Chater a été écarté par la commission électorale en raison de sa condamnation – sous Moubarak – à une peine de prison dans une affaire de blanchiment d’argent. Une accusation à teneur politique plus que criminelle.
Le manque de liberté donne des frissons
Pourquoi les investisseurs craignent-ils les Frères musulmans ? D’autant plus que le programme électoral de Morsi est le plus libéral du point de vue économique, comparé à ceux de ses rivaux. Il insiste lourdement sur le secteur privé, les investissements étrangers et le modèle du Partenariat Public Privé (PPP), notamment dans les projets d’infrastructures. Mais c’est surtout le manque de libertés individuelles qui donne des frissons aux hommes d’affaires. «Nous avons besoin d’un président qui croit à un Etat démocratique, à la liberté d’expression …», s’exprime le propriétaire d’une agence de tourisme. Pour lui, les plus mauvais choix sont les trois candidats de tendance islamiste : Morsi, Aboul-Foutouh et Al-Awwa.
Huit des quinze personnes interrogées ont jugé les candidats d’après leur carrière professionnelle plutôt que d’après leurs programmes. 6 les jugent d’après leurs programmes électoraux, et une personne a ajouté : «En un mot, c’est son orientation politique qui compte».
Tous les hommes d’affaires rêvent d’un président qui soutient le secteur industriel, élimine les barrières face à l’investissement et adopte des législations ayant trait à l’investissement similaires aux meilleures mondiales. 5 ont souligné l’importance du tourisme.
Par ailleurs, la plupart, 9 sur 15, ont accepté d’introduire 4 réformes longuement réfutées par les lobbies industriels avant la révolution. 4 autres interviewés ont accepté 2 ou 3 de ces réformes. Il s’agit en premier lieu de l’annulation de la subvention aux usines lourdement consommatrices d’énergie. Cette mesure proposée a gagné l’approbation de la plupart des investisseurs, y compris un propriétaire de l’une de ces usines. 3 demandent que l’annulation soit graduelle et menée avec des compensations.
Employés en dessous du seuil de pauvreté
La fixation d’un salaire minimum pour les salariés des usines privées est également un point d’accord chez 10 des 15 interviewés, sans pourtant donner plus de détails sur le montant approprié. En fait, la moyenne des salaires dans le secteur privé était de 275 L.E. par semaine contre 410 L.E. dans le secteur public en 2008 (les chiffres plus récents ne sont pas disponibles). Ce qui place l’Egypte parmi les pays souffrant du phénomène des salariés en dessous du seuil de pauvreté, d’après l’Onu. (10’000 LE équivalent 1580 CHF)
Les investisseurs, par contre, sont moins enthousiastes à accroître l’impôt sur les revenus élevés. Cinq refusent catégoriquement cette mesure. D’après la loi en vigueur, l’impôt maximum est de 25 %, pour les particuliers tout comme les sociétés. La loi prévoit aussi des exemptions pour certaines activités économiques. «Pourvu que l’impôt maximum ne dépasse pas les 27 %», dit un des industriels qui a requis l’anonymat. Les autres n’ont pas désigné les taux qu’ils jugent adéquats.
Dans le même contexte, pour augmenter les ressources de l’Etat, 11 sur 15 personnes interrogées ont également accepté d’accroître les tarifs sur les biens importés. «Cette mesure est également bénéfique pour la protection de l’industrie locale», argue un industriel possédant une usine de matières chimiques.
Enfin, les hommes d’affaires ont nié soutenir financièrement leur favori, sauf un : il a payé plus de 10’000 L.E. à un candidat libéral. Un autre a affirmé s’être engagé dans une campagne électorale, apportant des services logistiques, ajoutant qu’il a payé moins de 100 L.E. en donation. La loi fixe un plafond de 80’000 L.E. aux donations des entreprises et 10’000 L.E. à celles des particuliers. Les donations doivent être déposées dans l’une des 4 banques indiquées par la commission électorale. Aucun des candidats n’a cependant publié le montant des contributions reçues. Une déception pour les électeurs, en espérant qu’elle sera la dernière.
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L’option des travailleurs
Par Marwa Hussein, Dahlia Réda et Gilane Magdi
A 40 ans, Khaled Ali [1] pourrait être nommé président de la république des ouvriers. 12 leaders syndicaux et ouvriers ont été interviewés par Al Ahram sur la présidentielle. On leur a demandé de classer les candidats les plus éminents sur une échelle de 1 à 7 (1 est le favori), le jeune avocat socialiste et fervent défendeur des droits des ouvriers est le premier choix des 7 sur les 12 interviewés. 4 sur les 5 restants l’ont choisi en deuxième position.
Le Nassérien Hamdine Sabbahi est le favori de trois ouvriers. «J’ai choisi Hamdine parce qu’il a plus de chance de gagner, bien que Khaled Ali soit le plus proche des ouvriers», a dit un ouvrier qui a requis l’anonymat. Le choix des ouvriers ne s’est pas fait pour l’islamiste Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, indépendant modéré et Mohamad Morsi, candidat des Frères musulmans. Tous les deux ont obtenu chacun un seul vote comme première préférence. D’ailleurs, Aboul-Foutouh vient en second choix pour 5 de nos ouvriers. Alors que Morsi figure en queue de la liste des préférences pour 5 interviewés.
Ahmad Chafiq, l’un des deux favoris des hommes d’affaires, vient après Morsi comme le dernier choix. 9 sur 12 l’ont classé en septième ou sixième place. Deux ouvriers ont catégoriquement exclu de leurs listes trois candidats: Amr Moussa, Ahmad Chafiq et Mohamad Morsi, vu qu’ils n’ont aucune confiance en eux. Plusieurs ont déclaré qu’ils voteraient peut-être pour Aboul-Foutouh, s’ils sentent que Khaled Ali ne pourra pas l’emporter afin de ne pas disperser les votes.
Choisissant Khaled Ali comme leur candidat favori ou pas, tous croient qu’il est le candidat, qui en cas de réussite, défendra à fond les droits des ouvriers. «C’est Khaled Ali qui a la volonté politique pour donner aux ouvriers leurs droits», dit Nagui Rachad, du syndicat des Moulins (minoterie) du Sud du Caire (société publique). Tous ces ouvriers se sont engagés lors des dernières années dans des batailles avec leurs patrons, investisseurs privés, ou avec l’Etat dans des entreprises publiques, comme la fameuse bataille des ouvriers du textile à Mahalla, ou ceux de Telecom Egypt, ou de l’entreprise privatisée Tanta pour le lin, entre autres. Ils préfèrent élire un président qui n’appartient pas à l’ancien régime et est plus lié à la révolution.
Khaled Ali était en fait en contact avec plusieurs de ces mouvements en tant que directeur exécutif du Centre égyptien des droits économiques et sociaux. Il était l’avocat des ouvriers dans plusieurs procès. C’est lui qui a remporté le procès de l’imposition d’un salaire minimum décent ainsi que ceux du retour de trois entreprises privatisées au secteur public en raison des transactions douteuses.
Les aspirations des ouvriers étaient simples. En un mot : la justice sociale est la revendication ultime pour 10 sur les 12 personnes interviewées. 2 ont avancé la sécurité en premier lieu et 3 ont mentionné la modification de la loi du travail alors qu’un seul a choisi la lutte contre la corruption.
Cinq des ouvriers interviewés ont dit avoir bien lu les programmes électoraux de 2 ou 3 des candidats, 2 ont lu les programmes de presque tous les 7 candidats mentionnés alors que les autres ont feuilleté les programmes de certains candidats.
Sept ont jugé les candidats d’après leur expérience et leur carrière, alors que 5 ont jugé les candidats à la présidentielle selon leur programme, les discours des candidats ont eu une influence secondaire sur 2 interviewés seulement.
Impôts progressifs et salaire minimum
En leur demandant leur avis sur certaines décisions qu’ils estiment primordiales, les 12 ont dit être en faveur d’un impôt progressif sur les revenus élevés. Ils sont tous aussi pour un salaire minimum dans le secteur privé comme dans le secteur public qui doit être de quelque 1200 L.E. (quelque 180 CHF) ou 1’500 selon d’autres. «Vu les conditions actuelles, le salaire minimum peut être de 1000 L.E. pour une période transitoire avant de passer à 1500 L.E.», dit Gamal Osman, de l’entreprise privatisée Tanta pour le lin.
Huit sont pour l’imposition de tarifs douaniers sur les produits importés afin d’encourager la production locale alors que 3 ont été contre une telle mesure, surtout en ce qui concerne les produits intermédiaires qui entrent dans la production. 8 ont été pour l’annulation des subventions à l’énergie pour les industries lourdement consommatrices d’énergie alors que seuls 3 ont été pour l’annulation des subventions à l’essence et au diesel. Les autres ont préféré maintenir cette sorte de subvention sur ces deux produits utilisés pour les voitures vu leur effet inflationniste.
En répondant à la question: qui est le candidat qui donnera le baiser de mort aux ouvriers, Ahmad Chafiq et Mohamad Morsi ont été les plus mentionnés. Certains ont cité plusieurs noms. Mais c’est Ahmad Chafiq qui est le plus haï avec 7 qui l’ont mentionné. « ’étais en contact direct avec Ahmad Chafiq vu mon travail à EgyptAir. Il n’écoute personne et prend des décisions aléatoires», dit Khaled Mouawad du syndicat d’EgyptAir, la compagnie publique d’aviation civile.
Ensuite, c’est Morsi qui inquiète plus les leaders ouvriers. Il est perçu par 6 ouvriers comme fatal. «Les Frères musulmans adoptent une vision très capitaliste. Ils ne prennent pas en considération les intérêts des ouvriers», estime Gamal Osman. Quatre ont mentionné Amr Moussa, ex-ministre des Affaires étrangères, et un interviewé a mentionné Sélim Al-Awwa, un autre islamiste indépendant. Deux se sont abstenus. Il s’agit en fait de deux ouvriers qui viennent d’entreprises situées dans les nouvelles villes industrielles avec une courte expérience syndicale.
Les ouvriers sont plus engagés que les hommes d’affaires dans les campagnes électorales. Ainsi, 8 des leaders ouvriers interviewés ont participé à la campagne de certains candidats. 7 sont dans la campagne de Khaled Ali et un dans la campagne de Hamdine Sabbahi. Asmaa Abdel-Mordi, la plus jeune des interviewés, a dit qu’elle voulait bien y participer, mais pense que la campagne de Khaled Ali n’a pas été ressentie dans son entourage. Khaled Mouawad d’EgyptAir a dit qu’il y participe de façon indirecte à cause de ces horaires de travail qui ne lui permettent pas d’être sur le terrain. Il tente de convaincre les gens pour voter pour Khaled Ali et Hamdine Sabbahi et déconseille le choix d’Ahmad Chafiq.
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Articles parus dans Al-Ahram Hebdo, 23-29 mai 2012
Selon les sondages, celui qui a milité en secret pendant quinze ans dans les rangs des Socialistes révolutionnaires égyptiens (l’un des groupuscules clandestins de l’ère Moubarak) plafonne à 2 % des intentions de vote. Au point d’incarner la faiblesse historique de la gauche égyptienne, paralysée entre nassérisme et islamisme. Pendant la campagne présidentielle, l’avocat a cumulé les handicaps. Ses très jeunes partisans ont dû sacrifier leurs maigres économies pour réserver de modestes salles de meeting. “On est les seuls à respecter la loi sur le financement de la campagne électorale [plafonné à 10 millions de livres égyptiennes] parce qu’on n’a pas d’argent !, s’exclame, ironique, son ami communiste Tamer Al-Kinawy. On a fait cette campagne avec 100 000 livres [13 300 euros].”
Enfin, affaibli par la mauvaise réputation de la gauche, souvent soupçonnée d’athéisme, Khaled Ali, qui vient d’avoir 40 ans (l’âge légal minimal pour briguer la présidence), a souffert des divisions du camp révolutionnaire. La myriade d’organisations qui le composent s’est éparpillée entre l’islamiste indépendant Abdel Moneim Aboul Foutouh et le nassérien Hamdin Sabahi. Quand elles n’appellent pas au boycottage d’un scrutin qui n’offre le choix qu’entre un retour à l’ancien régime et l’instauration d’un Etat islamique.»
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