En 2012, les conseillers nommés par François Hollande passés par le privé se comptaient sur les doigts d’une main. Transfuge de la banque Rothschild, Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de l’Elysée, faisait figure d’exception. Préfets, hauts fonctionnaires et politiques se partageaient les bureaux.
Sous le règne d’Emmanuel Macron, 19 des 48 conseillers du Château [ou Palais] de l’Elysée ont déjà servi dans des cabinets ministériels avant de partir pantoufler dans le privé, pour finalement reprendre du service Rue du Faubourg-Saint-Honoré [Elysée].
Ces mouvements de revolving doors (portes tambour entre public et privé) ne sont pas sans soulever quelques questions sur les éventuels conflits d’intérêts entre l’ancien et le nouvel employeur. Si la Commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) a le pouvoir de contrôler les «pantouflages» du public vers le privé, elle n’a aucun droit de regard sur le retour des «pantoufleurs» dans la sphère publique. Et ne peut donc pas s’assurer de l’étanchéité des décisions prises dans le giron de l’État et, notamment, dans son épicentre élyséen.
La revue de détail donne le tournis…
• Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, a travaillé de septembre 2016 à avril 2017 à la direction financière de MSC Croisières [fait construire ses bateaux à Saint-Nazaire], société italienne [dirigée par Gianluigi Aponte et dont le siège social se trouve à Genève pour des raisons fiscales et non pas à cause du lac de Genève ou lac Léman] qui rêvait d’entrer au capital du chantier naval de Saint-Nazaire, STX. Jusqu’à ce que l’opération fasse plouf!
• Ismaël Emelien, «conseiller spécail», a été formé à l’école Stéphane Fouks d’Havas (ex-Euro RSCG), tandis que Sylvain Fort, «conseillers discours et mémoire», a fait ses armes chez DGM, la boîte de conseil en communication de Michel Calzaroni, l’employé de Vincent Bolloré [l’ex-proche de Sarkozy et déclarant une fortune privée de 6,3 milliards de dollars et contrôlant un grand nombre de sociétés depuis Havas, Bolloré Logistics, Autolib, Vivendi, Calpam Mineralöl-Gesellschaft, Bolloré Africa Logistics, etc., etc.] et de Bernard Arnault [de LVMH, qui contrôle quelque 70 sociétés dans ledit luxe, depuis Dior en passant par Moët&Chandon, Hennesy, les montres Bulgari, Zénith, Hublot, TAG Heuer ou encore les parfums Guerlain, Givenchy, Dior, etc., etc.; fortune privée: 56,7 milliards de dollars en 2017]. Barbara Frugier, «conseillère en communication internationale», a, quant à elle, débuté chez Publicis. La fine fleur des boîtes de publicité.
• Clément Beaune, «conseiller Europe et G20», émargeait chez Paris Aéroport. Cette société figure en tête de liste des possibles «privatisables»…
• Fabrice Aubert, «conseiller institutions, action publique et transition numérique», est passé deux fois par la case Nexity [immobilier dont Foncia, Guy Hoquet, Citya immobilier, Century 21, etc.], notamment à la direction des nouveaux métiers. Le voilà bien connecté…
• Audrey Bourolleau, «conseillère agriculture, pêche, forêt», a parfait sa connaissance du houblon dans le groupe Heineken [un des leaders mondiaux dans la bière avec Carlsberg, Beck’s, Grolsch, Kronenbourg, etc.] et des cépages dans le domaine Baron Philippe de Rothschild. Deux bons crus…
• Claudia Ferrazzi, «conseillère culture et communication», a goûté aux joies du conseil pour le Boston Consulting Groupp [cabinet de conseil en management parmi les plus prestigieux au monde, siège aux Etats-Unis] et Capgemini [service numérique, 190’000 salariés, une des six sociétés à l’échelle mondiale]. Toujours utile en période de vaches maigres…
• Pierre-André Imbert, «conseiller social», a officié comme directeur général d’Alixio et d’Altedia, deux sociétés d’ingénierie sociale fondées par Raymond Soubie, l’ancien conseiller de Sarko [dans les affaires sociales, les relations avec les directions des syndicats]. Un tout petit monde…
• Emmanuel Miquel, «conseiller entreprise, attractivité et export», s’est frotté au métier d’analyste dans les banques BNP Paribas et JPMorgan ainsi qu’à la gestion d’actifs (BC Partners, Ardian).
• Antoine Pellion, «conseiller énergie, environnement, transports», a fait une incursion chez Enedis [énergie en réseau]. Une formation accélérée au réseau…
• Ahlem Gharbi, «conseillère technique Afrique du Nord et Moyen-Orient», a puisé ses derniers émoluments à la direction du lobbying de Total, dont les principales activités recouvrent la même zone géographique. Tandis que Thibaud Normand, «conseiller technique énergie», s’est adonné à l’exploration-production au Qatar également pour Total. Des nageurs en eaux profondes…
• Tristan Barrès, «conseiller technique logement», a fait un petit tour par l’immobilière FF [immobilier ayant sa base à Grenoble]. En voilà un qui sait où il habite…
• Jonathan Nussbaumer, «conseiller technique industrie, commerce et artisanat», a œuvré chez L’Oréal [propriété de Nestlé et de la famille Bettencourt]. Inutile de lui apprendre à passer la pommade.
• Cédric O, «conseiller technique participations et économie numérique», était chargé de mission chez Safran [groupe international de haute technologie dans l’aérospatiale, l’aéronautique (motorisation) civile et militaire, gestion numérique de l’entreprise, etc., implantation en France et aux Etats-Unis]. Les participations de l’Etat au capital des entreprises privées n’ont donc aucun secret pour lui. (Le Canard enchaîné, 23 août 2017)
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