France. Un affrontement plus qu’important sur l’Accord national interprofessionnel sur la «sécurisation de l’emploi»

Texte de la CGT-bâtiment du Puy-de-Dôme et vidéo de Gérard Filoche

Parisot (Medef) et Ayrault (Premier ministre «socialiste»)
Parisot (Medef) et Ayrault (premier ministre «socialiste»)

Le 6 mars 2013, Laurence Parisot, la patronne du Medef – qui fait tout pour être réélue –, vantait les mérites de l’Accord national interprofessionnel (ANI). La formule qui consacre ce genre d’accord en Europe est dorénavant: un accord «gagnant-gagnant».

Patronat et salarié·e·s devraient y trouver, chacun, leurs avantages. Un monde de rêve. Un syndicalisme quasi helvétique.

Il est représenté, cette fois, en France, par la CFDT (Confédération française démocratique du travail, dont le nouveau secrétaire général est Laurent Berger), la CGC (Confédération générale des cadres) et la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens).

Si ce texte est adopté par les députés du PS, il y aura là une preuve supplémentaire qu’ils ne sont que les simples greffiers du Medef (Mouvement des entreprises de France, créé en 1998, pour remplacer le CNPF: Conseil national du patronat français créé en 1945).

Nous publions ci-dessous une explication pédagogique sur le contenu effectif de cet accord baptisé trompeusement de «sécurisation de l’emploi», texte rédigé par le CGT-bâtiment du Puy-de-Dôme.

Nous y ajoutons un exposé-viéo de Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail et animateur de la revue Démocratie et socialisme.

Les lecteurs et lectrices pourront aussi se référer à l’analyse détaillée de la Fondation Copernic sur ce thème: http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article865 (Rédaction A l’Encontre)

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Document de la CGT du bâtiment du Puy-de-Dôme

Le projet d’accord conclu le 11 janvier 2013 ne peut pas être repris par le gouvernement et les députés de gauche. Cela marquerait une grave régression des droits sociaux des salarié·e·s.

Il a été détourné de son objectif. Loin de favoriser l’emploi, il facilite les licenciements et la précarité.

Les salariés ont déjà beaucoup trop donné avec la droite quant aux promesses de moins de garanties pour plus d’emplois. La baisse des droits est immédiate et réelle, mais les promesses d’emploi ne sont jamais tenues.

Déjà en 1986 le patronat promettait 400’000 emplois en échange de la suppression de l’autorisation par l’inspection du travail des licenciements économiques. La suppression a été effective, les emplois n’ont jamais vu le jour.

Cet accord n’est pas acceptable en l’état

Il serait inconcevable que la majorité parlementaire et le Gouvernement [Ayrault-Hollande] entérinent dans la loi les reculs sociaux dictés par le MEDEF, comme du temps de Sarkozy.

François Hollande a été élu en promettant l’emploi et la justice. Le texte signé est injuste et sera inefficace en matière d’emploi.

• En plus de donner des aides et des droits nouveaux injustifiés au patronat, cet accord comporte des reculs sociaux historiques, soulignés par de nombreux juristes et détaillés ci-dessous.

• Il permet aux employeurs de rendre incertain ce qui était sur pour le salarié·e (sa paye et son contrat) et sécurise les employeurs en rendant plus difficile ou impossible la saisie de la justice par le salarié pour faire valoir ses droits.

• Cet accord comporte des dispositions contraires aux promesses électorales et à des textes de lois mis en place par la gauche.

• Le gouvernement ne peut argumenter que ce texte serait le résultat d’un compromis entre syndicats majoritaires et patronat.

En effet, les organisations syndicales signataires sont minoritaires, les éventuels signataires (CFTC, CFE CGC, CFDT) représentent moins de salariés que les non-signataires: CGT et FO.

Pour mémoire:

• Aux élections aux prud’hommes en 2008: Pour les non-signataires : CGT 34 % et FO 15,81 % soit 49,81 %. Pour les signataires CFDT 21,81%, CFTC 8,69% et CGC 8,19% soit 38,69%

• Le dernier résultat de décembre du vote des petites entreprises est le suivant : Pour les non-signataires CGT 29,54 %, FO 15,25 % soit 44,79 %. Pour les signataires CFDT 19,26 % ; CFTC 6,53 % ; CGC 2,32 % soit 29,15 %.

La volonté du MEDEF, traduite dans ce texte, est de supprimer la loi pour imposer le chantage à l’emploi.

« Entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » disait Lacordaire [Henri Lacordaire, dominicain, prédicateur. journaliste et homme politique :1802-1861]

hollande-sarkozyLa gauche n’a jamais eu besoin de l’accord du MEDEF pour légiférer dans l’histoire, sinon elle n’aurait pas fait la sécurité sociale, la retraite à 60 ans, les 35 heures.

Deux sondages de début janvier 2013 confirment qu’une majorité rejette la flexibilité du MEDEF.

• 56% selon BVA, 55% selon celui de CSA/les Échos, dont 69 % d’ouvriers et 69 % de sympathisants du PS.

Ce texte n’a pas l’aval de la majorité des salariés, vous devez les entendre et porter leur voix.
Les principales mesures du texte à revoir ou supprimer

1.- La complémentaire santé pour tous

Avec la loi Evin [ministre socialiste de la Santé de 1988 à 1991] si l’employeur ne négociait pas le choix de la mutuelle dans l’entreprise ou dans la branche, la couverture, les salariés pouvaient refuser la mutuelle. Les négociateurs de branche ou d’entreprise doivent pouvoir choisir leur mutuelle.

2.- Un «droit de recharge» de l’assurance chômage? Rien n’a été conclu. Le droit de recharge [un chômeur qui reprend un emploi ne perd pas ses droits, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage. En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic] prévu va déshabiller Pierre pour habiller Paul, autrement dit prendre des droits à d’autres chômeurs. Il faut prévoir une augmentation de la cotisation des employeurs.

3.- Majoration de cotisations pour les contrats «courts»

Le bilan des 2 mesures: surtaxation des contrats courts et exonération ne peuvent qu’être positives pour les employeurs (45 millions dans les caisses du patronat). La taxation doit être plus forte et plus généralisée pour être plus dissuasive. Elle doit fixer des quotas maximums de contrats précaires dans l’entreprise.

4.- Accords dits de «maintien de l’emploi» ou de «compétitivité»

Le chantage à l’emploi remplace le fouet. C’est un copier-coller des accords «compétitivité-emploi» proposés par Sarkozy. Fillon [Premier ministre de Sarkozy] avait déjà rendu possible le fait de signer des accords inférieurs au Code du travail ou à la convention collective. Ça inversait les règles précédentes qui voulaient que la clause la plus favorable s’applique.

Là c’est pire parce que maintenant si l’employeur fait un chantage à l’emploi et si un accord est signé dans l’entreprise, l’employeur pourra modifier le contrat individuel du salarié (modifier le lieu d’embauche, baisser le salaire et accessoires, baisser ou modifier les horaires, etc.). En cas de refus du salarié celui-ci est licencié quelle que soit son ancienneté. Sur ce point-là c’est un recul historique d’une ampleur encore inappréciable!

Le gouvernement Lionel Jospin [juin 1997, mai 2002] a mis en place les 35 heures payées 39, de plus l’amendement «Michelin» avait été adopté. Il prévoyait qu’une entreprise qui n’appliquait pas les 35 heures ne pouvait procéder à des licenciements économiques. Maintenant l’entreprise pourra faire 39 heures payées 35 en faisant le chantage à l’emploi et licencier pour raison économique sans plan social. Cette disposition renverse la hiérarchie des normes et nie la valeur du contrat de travail. Elle est contraire à la sécurisation de l’emploi annoncée.

Pour mémoire le PS était contre cette idée voulue par Sarkozy. «Il faut que les salariés le sachent, il n’y aura plus de code du travail, il n’y aura plus de loi qui les protégera», avait dit le porte-parole du PS, à cette annonce.

Jean-Marc Ayrault [Premier ministre] était explicite: «La négociation compétitivité-emploi, mal engagée, n’est plus à l’ordre du jour».

5.- Les employeurs peuvent ne pas respecter la loi en cas de licenciements économiques.

Les plans sociaux pourront faire l’objet d’accords dérogatoires à la loi d’ordre public social s’il y a accord majoritaire… avec les syndicats de l’entreprise.

6.- Ordre des licenciements économiques. Le patron licenciera qui il veut.

Le licenciement économique était réputé non lié à la personne et le licencié devait être choisi avec des critères objectifs : ancienneté, âge, charges de famille… Le salarié licencié pouvait contester le non-respect ou l’absence de critères vérifiés. C’est fini l’employeur sera fondé à privilégier la compétence professionnelle, et la fixera lui-même! Cette disposition change la nature même du licenciement économique.

7.- Travail intermittent

Cette mesure accentue la précarité, c’est un Cheval de Troie du MEDEF, elle serait appelée à être étendue. Ces 4 dispositions doivent être supprimées de la loi.

8.- Temps partiel

Les dispositions positives pour les salarié·e·s sont contournables, les dispositions négatives sont réelles. Ainsi le passage de la durée du contrat à 24 heures pourrait être considéré comme positif mais si le ou la salarié veut un emploi et que l’employeur lui propose une durée plus faible, il lui fera signer une demande de dérogation.

Par contre le «lissage » du temps partiel sur tout ou partie de l’année [annualisation du temps de travail bien connu en Suisse] est un recul sur les garanties données par les lois Aubry. Notamment l’article L3123-15: «Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé. L’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli» est rendu caduc ainsi que les articles L3123-25 à 29 sur les conditions restrictives d’annualisation des temps partiels. Le lissage des temps partiels doit être retiré.

9.- Délai de prescription de rappel de salaire ramené à 3 ans

Les salarié·e·s ne pourront obtenir des rappels de salaire, heures supplémentaires, etc. que sur les trois dernières années au lieu de cinq auparavant. C’est une mesure injuste qui favorise l’impunité patronale. Elle sécurise l’employeur et non le salarié. Elle ne crée aucun emploi. Cette mesure ne doit pas figurer dans la loi.

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Intervention de Gérard Filoche

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