France. Les «gilets jaunes» et le «blocage du réseau routier» le samedi 17 novembre

Par rédaction A l’Encontre et prise de position du NPA et de Lutte ouvrière

Le 17 novembre 2018, une «mobilisation des gilets jaunes» devrait bloquer une partie du réseau routier en France. La source de la mobilisation prévue semble être partie des réseaux sociaux. Une pétition qui a réuni 800’000 signatures sur le thème: «Pour baisse du prix des carburants à la pompe». Un chauffeur routier francilien a lancé un appel qui rapidement a été repris par des centaines de milliers de personnes.

Le doute ne pouvait régner longtemps sur la possibilité de «récupération politique» face à cette hausse du prix diesel – un carburant qui constituait un dogme en France en termes de quantité de construction véhicules «bas et moyen de gamme» avec ce type de motorisation et un prix du litre inférieur à l’essence – justifier «sa nouvelle fiscalité écologique». Que cette récupération vienne de droit dans un mouvement aussi protéiforme, cela allait de soi. Des animateurs de Debout la France, le parti du nationaliste et souverainiste de Nicolas Dupont-Aignan qui a soutenu Marine Le Pen, du présent Rassemblement national (RN) lors du second tour des présidentielles. Marine Le Pen lui promettait le poste de Premier ministre en cas de victoire. La présidente du Rassemblement nationale sera le 16 novembre à Sofia pour une réunion des partis de la droite extrême qui cherchent à former un «Front de la liberté»,  contre «l’immigration massive et la baisse du pouvoir d’achat»(sic), pour les futures élections européennes. Mais des cadres du RN seront présents et l’ont annoncé dans cette mobilisation, sans s’affirmer trop publiquement (avec bannières, etc.). L’ultra-droitier Laurent Wauquiez de Les Républicains a produit un tract à 1,5 million d’exemplaires intitulé: «Stop au racket des automobilistes».

Selon Le Figaro Premium, du 13 novembre, le ministre de l’Intérieur de gouvernement Philippe-Macron déclare, invité mardi matin sur BFMTV […] a prévenu: «Je demande qu’il n’y ait aucun blocage total (…). Partout où il y aura un blocage et donc un risque pour les interventions de sécurité mais aussi pour la liberté de circulation, nous interviendrons».«S’ils ne déclarent pas la manifestation, s’ils bloquent un rond-point et qu’il y a un énervement une personne qui s’emballe et qu’il y a un mort, qu’est-ce qui se passe? On va rejeter la faute sur l’Etat et ce ne sera pas l’Etat qui sera en responsabilité. Ce sera la personne qui aura causé l’accident, qui n’aura pas d’assurance parce que l’assurance ne couvrira pas le fait d’avoir bloqué l’entrée d’autoroute ou le périphérique, et on sera dans des situations inextricables», a prévenu Christophe Castaner.

«Il y aura d’abord des discussions et ensuite il y aura, plus fermement si c’est nécessaire, le fait de faire dégager la route», a ajouté le ministre de l’Intérieur, convaincu que «le problème ne se présentera pas» car les manifestants «sont des citoyens qui savent aussi que la liberté de circuler est essentielle».Dans ce mouvement jugé«irrationnel»[par Macron], mais dont le ressenti est «réel», né de la dénonciation de la hausse du prix de l’essence, Castaner voit «une forme de manifestation politique» et«la récupération du Rassemblement national».

Lundi 12 novembre, la ministre du Travail Muriel Pénicaud, sur le Plateau de Public Sénat – elle qui a exercé ses talents chez Dassault Systèmes, puis chez Danone comme patronne des «ressources humaines» et a siégé dans de nombreux conseils d’administration: Orange, Aéroports et Paris, SNCF – a osé affirmer: «Lorsque ce sont des grèves et des manifestations, il y a des gens responsables qui permettent de faire que ceux qui manifestent soient en sécurité.» La brutalité de la répression policière, croissante face aux manifestations des salarié·e·s , est cette fois étouffée dans le yaourt.

Face à cette situation Jean-Luc Mélenchon a souhaité le «succès de la mobilisation» du samedi 17 novembre, bien que, pour l’heure, la France insoumise (FI) ne lance pas en tant que parti un appel pour cette manifestation (Libération, 13 novembre 2017).

Dans cette situation, SUD-Solidaires, où l’on concède avoir regardé avec attention «de quoi il retournait»lorsque le mouvement a émergé sur les réseaux sociaux, il déclaré:«Ils se mobilisent à juste titre par rapport à une injustice. Mais on est, nous, plutôt favorables à une transition écologique.» L’orientation de SUD-Solidaires se résume bien dans l’affichette que nous reproduisons ci-contre. Quant au NPA et à Lutte ouvrière leur position respective est explicitée dans les textes que nous reproduisons ci-dessous et qui nous apparaissent adéquats.
(Réd. A l’Encontre)

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«Hausse des prix: une seule solution, augmenter les salaires!»

NPA

Macron essaie de nous faire avaler que ce qui est bon pour les patrons aujourd’hui serait bon pour notre pouvoir d’achat de demain… L’augmentation de l’essence et du gazole pénalise avant tout celles et ceux qui sont contraints d’utiliser chaque jour leur voiture pour se rendre au boulot. Macron prétend que ces mesures viseraient à sauver la planète. Le gouvernement se moque carrément de nous en proposant des aides pour l’achat de véhicules prétendument écologiques… mais au coût exorbitant ! Les solutions à la fois écologique et économique pour les travailleurEs sont à chercher dans le développement des transports collectifs qu’il faut rendre gratuits et dont il faut développer la qualité et la régularité.

Dure réalité

Les ministres ont beau se relayer dans les médias pour nous convaincre que notre pouvoir d’achat ne diminue pas, les chiffres confirment nos impressions : au 1er octobre, la hausse des prix a atteint 2,2 % sur un an. Plus de 5 millions de personnes vivent avec moins de 855 euros par mois. Le seul poste logement engloutit 42 % du revenu des 10 % les plus modestes, contre 17 % en moyenne pour la population.

À l’opposé, les entreprises du CAC40 verseront cette année 46,8 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, soit 48 % des bénéfices de l’année, ne laissant que 27 % au réinvestissement… et 5,3 % aux salarié·e·s !

Fausses solutions

Pour tenter de faire passer l’amère pilule, le gouvernement répète à longueur de journée qu’il diminue les cotisations sociales, qu’il appelle « charges », qui pèseraient sur le travail. Ces réductions sont censées augmenter nos salaires, mais elles ne font qu’assécher le financement de la Sécurité sociale, de l’assurance chômage, les caisses de retraites. Cet ensemble de prestations sociales, qui pour Macron coûteraient un « pognon de dingue », permettent à plus de cinq millions de personnes d’échapper à la pauvreté.

Les manifestations massives de retraitéEs montrent qu’ils et elles ont bien compris que la suppression partielle de la taxe d’habitation, qui supprime des ressources pour les communes, ne compense pas la hausse des prix et de la CSG.

Attention au détournement de colère

Face à ces attaques, la colère, légitime, prend de l’ampleur. Des appels à « manifester » le samedi 17 novembre, à « bloquer des routes ou des ronds-points » ou à « mettre un gilet jaune sur son tableau de bord » circulent. Ces appels se limitent à la question du prix de carburants, cible privilégiée du patronat du secteur routier, ce qui a conduit à un soutien de la part de divers courants ou personnalités d’extrême droite.

Nous refusons de manifester avec l’extrême droite, les ennemis les plus farouches du mouvement ouvrier, de tout progrès social. De plus, la défense de notre pouvoir d’achat ne saurait se limiter à la seule baisse des carburants.

TouTEs ensemble, pour nos revendications

Oui, tout augmente sauf les salaires, et les hausses du prix des carburants, des prix en général, nous rendent chaque jour la vie plus difficile. Pour augmenter les salaires de 300 euros et avoir un SMIC à 1700 euros, il faut prendre sur les profits des capitalistes et des multinationales. Nous demandons la gratuité des transports en commun. Une nouvelle organisation sociale est nécessaire, où nous n’aurions pas à nous serrer la ceinture pour mettre 10 litres de plus dans le réservoir de notre véhicule pour aller bosser pour des salaires de misère…

Le NPA propose qu’une grande mobilisation pour l’augmentation des salaires soit organisée par les syndicats, les associations, les partis du mouvement ouvrier. Nous le dirons également touTEs ensemble, dans la rue, par la grève, avec les enseignantEs le 12 novembre, avec les chômeurEs et les précaires le 1er décembre et, chaque jour, au côté des salariéEs en lutte pour leur condition de vie et de travail.

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Contre la baisse du niveau de vie, il faut augmenter les salaires et les pensions, et les indexer sur les hausses de prix 

Lutte ouvrière, éditorial

Extrait de la couverture de l’hebdomadaire de Lutte ouvrière

« Je fais ça pour mon porte-monnaie », a expliqué à la radio une ouvrière de l’agroalimentaire, à l’initiative d’une page Facebook de mobilisation contre la hausse des carburants. « Aller travailler devient un luxe, il faut se révolter ! », ajoutait, dans ce reportage, une factrice du même département d’Ille-et-Vilaine. Partout, la colère que suscite la hausse des carburants continue de s’exprimer, parmi les « professionnels de la route », patrons du transport ou du BTP, mais aussi parmi les travailleurs qui n’ont pas d’autre choix que de prendre la voiture. Et il y a de quoi être en colère !

Les vingt à trente euros qu’il faut rajouter pour le carburant, lorsqu’on a encore les moyens d’avoir une voiture, s’ajoutent au reste pour rendre les fins de mois impossibles. Fioul domestique, gaz, loyers, fruits et légumes : oui, tout augmente, sauf les salaires. Sauf les pensions de retraite, qui ont même baissé avec l’ajout de la CSG. Sauf les indemnités journalières des chômeurs, auxquels on explique pourtant qu’ils doivent être prêts à faire des dizaines de kilomètres pour retrouver du travail !

Face au mécontentement, Édouard Philippe a assuré que le gouvernement ne reculerait pas, affirmant que « c’est difficile, mais il n’y a pas le choix ». Les milliards supplémentaires prélevés iront soi-disant à la lutte contre la pollution. À l’heure des coupes claires dans les budgets de la Fonction publique, des économies dans tous les secteurs publics nécessaires à la vie de la population, le gouvernement veut nous faire croire qu’il prélève des milliards supplémentaires dans les poches du monde du travail pour le bien collectif ! Il faudrait non seulement supporter le racket, mais aussi les mensonges qui l’accompagnent !

Dans cette période de crise, les seules poches qui ne se vident pas sont celles du grand patronat, arrosé de subventions et de cadeaux fiscaux. Cette grande bourgeoisie, servie par le gouvernement, règne sur l’économie et c’est vers elle que convergent les milliards. C’est elle qui tire les salaires vers le bas pour continuer à assurer ses profits malgré la crise de son économie. Et c’est elle aussi qui continue à fabriquer des chômeurs. Ford, Ascoval, Happy Chic : la menace du chômage pèse sur des milliers de travailleurs. Le trust General Electric, qui a racheté la branche énergie d’Alstom en 2015 en s’engageant à créer 1000 emplois, qui a distribué plus de huit milliards de dollars de dividendes à ses actionnaires en 2017, prétexte aujourd’hui des pertes pour justifier une prochaine saignée des emplois.

Les travailleurs n’ont aucune raison d’accepter de subir les bas salaires, le chômage, les retraites de misère. Aucune raison de voir leur niveau de vie amputé. Mais ils ne pourront s’opposer à ce recul qu’en défendant leurs propres intérêts, sans disparaître derrière d’autres catégories sociales qui protestent également contre la hausse des carburants. Les patrons des entreprises de BTP comme du transport routier expliquent déjà qu’ils seront contraints d’augmenter leurs prix, voire de baisser les salaires ou de licencier, si le gouvernement ne leur donne pas satisfaction. Ils défendent leurs intérêts. Mais qu’ils arrachent des concessions au gouvernement ou qu’ils jouent sur les prix ou les salaires, cela se fera au détriment du monde du travail.

Les travailleurs, eux, n’ont pas de possibilité de compenser les hausses de prix. Pour les salariés, les retraités, les chômeurs, la seule façon de s’opposer à la baisse continue de leur niveau de vie est d’exiger l’augmentation des salaires, des retraites et des allocations. Et pour que cette augmentation ne soit pas annulée ensuite, il faut que les revenus du monde du travail suivent automatiquement les hausses de prix et l’inflation.

Pour ne pas se laisser appauvrir, il faut faire payer le patronat. Il faut contraindre les grands groupes à utiliser les milliards tirés de l’exploitation pour augmenter les salaires et garantir les emplois plutôt que pour gaver les actionnaires. Cela veut dire engager la lutte contre la classe riche, mais en nous battant sur notre terrain. En bloquant les entreprises par la grève, nous avons des moyens infiniment plus puissants de paralyser l’économie et de nous faire entendre. (7 novembre 2018)

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«Pollution: taxer les vrais responsables»!

Article Lutte ouvrière

À propos de la hausse des carburants, le président et le Premier ministre répètent à l’envi qu’il n’y a pas d’autre choix possible, si l’on veut répondre au dérèglement climatique. 

Pour Édouard Philippe, «il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux». Macron s’en prend lui aussi aux automobilistes, disant que «les mêmes qui râlent sur la hausse du carburant réclament aussi qu’on lutte contre la pollution de l’air».

À en croire ces dirigeants, les responsables du réchauffement de la planète seraient donc les automobilistes, et plus spécialement ceux situés au bas de l’échelle sociale, qui n’ont pas les moyens de s’offrir des voitures électriques ou des engins neufs moins polluants. Ben voyons ! Il est tellement facile d’incriminer les travailleurs et de vouloir leur faire honte, afin de les inciter à payer sans protester ! Ces hommes politiques, qui se présentent comme des dirigeants éclairés, ne voient-ils donc pas les fumées d’usines polluantes contre lesquelles ils ne font rien, les énormes pétroliers, porte-conteneurs ou bateaux de croisière qu’ils laissent libres de souiller la mer, les transports routiers qui engorgent les routes et empoisonnent l’air, y compris les «cars Macron» qui, selon leur promoteur, seraient l’avenir du transport pour les moins riches [alors que l’actualité [1]?

Pour parfaire la mauvaise foi et l’hypocrisie, Macron a osé déclarer qu’il préférait «la taxation du carburant à la taxation du travail». Mais qui sont les plus taxés, sinon une majorité de salariés qui n’ont pas d’autre choix que d’emprunter leur véhicule pour se rendre à leur travail, surtout en province et en milieu rural où, de plus, un couple a bien souvent besoin de deux voitures.

Nul ne niera que la pollution augmente et qu’à terme la planète est en péril. Mais ce n’est pas le fait des travailleurs à qui on fait la morale. Il faut se tourner vers les grandes compagnies pétrolières, les grosses entreprises qui cherchent le maximum de profit en économisant sur les procédés qu’il leur serait possible de mettre en œuvre afin de réduire cette pollution, et les politiciens qui s’inclinent devant ces capitalistes avides et irresponsables. (7 novembre 2018)

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[1] Le Monde daté du 14 novembre écrit à propos des «cars Macron»: «Une page se tourne donc dans l’aventure française des cars Macron, ces services de transports par autocar sur longue distance libéralisés en 2015 par le ministre de l’économie d’alors, un certain Emmanuel Macron. L’un des leaders du secteur (55 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et environ 40 % de parts de marché) quitte le giron de la SNCF pour celui de Blablacar, fleuron français de cette nouvelle économie dite de plate-forme, où le savoir-faire est essentiellement numérique et dans laquelle tout l’art consiste à faire porter le risque opérationnel à des prestataires ou même parfois à ses clients. Il y a deux façons de voir ce coup à plusieurs bandes. La première correspond au message officiel résumé dans le communiqué annonçant la nouvelle: la création d’une alliance stratégique gagnant-gagnant pour les deux parties. Du point de vue de la SNCF, l’opération est destinée à développer la multimodalité de son offre, puisque Blablacar va intégrer pleinement le site d’e-commerce de la SNCF, Oui. sncf. Le géant du ferroviaire pourra ainsi proposer dès 2019 à ses clients des combinaisons train + bus ou bus + covoiturage ou train + covoiturage. Le but ultime, étant d’arriver à construire, à l’été 2019, un assistant numérique personnel de mobilité capable d’offrir à chacun une offre de déplacement sur mesure et de porte à porte.

Mais il y a aussi une autre façon de considérer ce chambardement.Dans l’opération, la SNCF se soulage d’un fardeau financier. Depuis sa création en 2012, IDBus devenu Ouibus à la faveur de la libéralisation, n’a jamais réalisé le moindre profit. Il a plutôt accumulé les pertes : près de 190 millions d’euros en tout, dont 36 millions au titre de l’exercice 2017 et, selon nos informations, autour de 20 millions cette année. Alors pourquoi Blablacar fait-il le choix de s’alourdir de tels déficits ? D’abord parce que la plate-forme de covoiturage récupérera en 2019, lors du bouclage de l’opération, une entreprise restructurée. Le jour même de la proclamation de la vente, la direction de Ouibus a annoncé à ses salariés l’ouverture d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) portant sur 102 postes, soit 44 % de ses effectifs. Parmi les emplois supprimés figurent ceux des 89 derniers conducteurs salariés travaillant encore pour Ouibus.

«Tous les salariés touchés par le PSE seront reclassés au sein du groupe SNCF,assure Roland de Barbentane, directeur général de Ouibus, qui, comme l’ensemble du management, va passer avec armes et bagages dans la maison Blablacar. Ces décisions sont l’aboutissement d’une transformation de l’entreprise qui, dans un marché très concurrentiel, ne peut plus embaucher de conducteurs en propre.»

Les salariés de Ouibus, eux, encaissent ces nouvelles, «abasourdis et écœurés»,selon un responsable syndical. Fini le temps des autocars façon SNCF et de ses plus de 200 chauffeurs bien rémunérés. C’était juste avant la libéralisation Macron.Depuis, les effectifs de conducteurs ont fondu, au gré des licenciements pour faute, des incitations au départ ou de cette cession du dépôt de Lyon (46 salariés) aux autocars Faure en juin 2017.»

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