Par Union syndicale Solidaires
Les connexions de notre action avec les questions européennes sont nombreuses: lois travail en Europe, inégalités, réactions de repli, voire de nationalisme à l’extrême droite dans de nombreux pays sur un fond de racisme exacerbé, expressions politiques sur le sujet en France, avenir de l’Europe…
Un résultat qui n’est pas si surprenant…
En dépit des positions, pressions et menaces des classes politiques européennes, des «élites» médiatiques, économiques, universitaires ou culturelles et du positionnement des principaux dirigeants de l’opposition comme de la majorité, le vote pour la sortie a été majoritaire. L’immigration extra ou intra-européenne a été au cœur des débats qui ont pris une connotation raciste et xénophobe ouverte et qui ont dominé le débat public. Le leave britannique est une sortie par la droite, par l’extrême droite même, d’un certain point de vue. Une partie de ce vote s’alimente de la crise de l’accueil des réfugié-e-s en Europe et de son instrumentalisation par les partis nationalistes; une partie de ce vote est issue d’une peur de «l’étranger» entretenue par la classe politique – directement, pour l’extrême droite, ou indirectement par les politiques européennes de stigmatisation et de criminalisation des migrant·e·s et exilé·e·s.
Mais ce vote exprime aussi le rejet par les classes populaires des politiques sociales et économiques européennes et en particulier de celles menées par le Royaume-Uni. Ces politiques ultralibérales n’ont eu de cesse d’accélérer la déréglementation du travail et le démantèlement des services publics en particulier. Si le contexte de ce vote était différent de celui de la France et des Pays Bas en 2005 ou de la Grèce en 2014, il exprime en partie le même rejet d’une Europe du capital, de la finance, bref de l’injustice sociale.
Au Royaume-Uni
Dans ce contexte la question de l’avenir du Royaume-Uni est posée avec le retour des questions nationales en son sein. La façon dont le mouvement syndical et le mouvement social pourront peser pour un changement des politiques sociales est une question essentielle dans un contexte où l’extrême droite va vouloir profiter de la victoire qu’elle s’attribue.
Dans l’Union européenne
Le Royaume-Uni n’a jamais été en reste en matière de politiques de déréglementation du travail, de pratique du dumping social ou fiscal, d’évasion fiscale, de politiques anti-écologiques. Il a été en permanence porteur en Europe d’exigences de limitation des décisions d’ordre social, de dérogations – par exemple sur le temps de travail. Actuellement, le Royaume-Uni est au cœur de la négociation sur le Tafta, et on peut parier que la sortie de l’UE ne changera rien à cela, bien au contraire.
Mais on se souvient également que Thatcher a laminé les droits sociaux et le droit du travail dans le pays, avec une violence inouïe, jetant dans la plus grande précarité une grande partie des travailleurs et travailleuses… Elle n’a eu pour cela besoin d’aucune recommandation européenne…
Et il est sans doute utile de rappeler ici que l’Union européenne n’est pas un «empire dans un empire», un pouvoir au-dessus des pouvoirs; ce sont les chefs d’Etat qui décident collectivement des politiques européennes. Se méprendre sur ce point comporte le risque d’alimenter le discours des extrêmes droites européennes.
Ainsi les résultats de ce vote doivent nous conduire à nous reposer des questions essentielles sur la conception que nous défendons de l’Europe et sur les drames actuels et à venir provoqués par celle qui a été construite par les élites financières:
• Les politiques d’austérité, de libre-échange généralisé, d’inégalités couplées à des fermetures des frontières pour les personnes doivent cesser. Elles ne produisent que repli et désespérance sociale. Le premier élément doit être l’arrêt des négociations sur le Tafta et le Ceta.
• Néanmoins toute la question du dumping reste ouverte au plan social et fiscal, montrant que la question du in ou de l’out ne règle pas tous les problèmes. Les gouvernements européens vont tenter de maintenir les avantages liés à ce dumping dans les négociations de sortie qui auront lieu. Nul doute que ces négociations ne seront pas au désavantage des capitalistes. Nous devrons travailler ensemble avec les fédérations et syndicats nationaux qui sont particulièrement confrontés à ces questions.
Pour l’heure:
• Il est urgent de renforcer nos liens avec les syndicats de Grande-Bretagne qui luttent contre les politiques de casse sociale à tous les niveaux, dans les campagnes et actions auxquelles ils participent. La façon dont nous serons capables de travailler ensemble sur les questions sociales comme sur les questions de migration est particulièrement importante pour une solidarité réelle contre un modèle qui va favoriser la montée de l’extrême droite.
• Les enjeux européens vont être à nouveau portés sur la place publique avec les risques d’éclatement nationaliste, de tentation d’intégration européenne plus poussée sur des bases néolibérales, austéritaires, antisociales, anti-ouvrières, répressives et militaristes. Il est donc primordial de participer à la construction et au renforcement de tous les réseaux syndicaux – comme le Réseau syndical international de solidarité et de luttes et le Réseau européen des syndicats alternatifs et de base, notamment, comme les réseaux européens dans la santé, les finances, etc. ou bien l’Altersommet, en intégrant les forces syndicales combatives de la façon la plus large possible, et au développement des mouvements sociaux européens, afin d’établir un véritable rapport de force, pour une Europe sociale.
Il est également nécessaire:
• de continuer à porter une analyse critique des politiques des gouvernements nationaux comme celles des institutions européennes et de recentrer le débat sur la domination des grands intérêts capitalistes à tous les niveaux.
• de promouvoir une autre Europe, une Europe des solidarités, une Europe sociale et solidaire et donc de construire un front de lutte au niveau européen et plus largement international.
La convergence des luttes au niveau européen – notamment avec les syndicats belges en lutte contre «leur» loi travail, la loi Peeters – constitue un enjeu primordial. (Juillet 2016)
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