Start-up berlinoise au développement exponentiel, l’entreprise de vente en ligne Zalando a passé une bien mauvaise semaine. Désormais baptisée « Sklavando » sur les réseaux sociaux, elle a été vilipendée par la presse allemande et mise à l’index par le syndicat des services Verdi, à la suite d’un reportage diffusé lundi 14 avril sur les conditions de travail dans l’un de ses trois centres logistiques, à Erfurt (Thuringe).
Une journaliste de la chaîne de télévision RTL s’y était fait embaucher pour trois mois, et a tourné en caméra cachée ses journées de magasinière. Résultat : des salariés contrôlés et mis sous pression en permanence, des temps de repos réduits au minimum, des journées de travail épuisantes, passées à courir entre les étagères de l’entrepôt pour aller chercher les articles commandés. Au moins quinze à vingt kilomètres de déplacement chaque jour, a calculé la journaliste. Elle précise que les chefs d’équipe n’aiment pas ceux qui s’assoient et que des ambulances seraient appelées quotidiennement pour des employés défaillants.
Un reportage à des années-lumière de l’image que la jeune pousse de la nouvelle économie berlinoise aime à donner d’elle-même. Pour le public allemand, Zalando est en effet cette étoile montante de la mode en ligne, installée dans une vaste usine désaffectée du quartier branché de Berlin-Prenzlauer Berg. Quelque mille personnes de 40 nationalités travaillent au siège berlinois – avec une moyenne d’âge de 29 ans.
« La présentation des faits ne correspond pas du tout à la culture au sein de l’entreprise », a réagi le porte-parole de Zalando sur Facebook, citant un sondage réalisé de façon anonyme et selon lequel 88 % des employés seraient satisfaits de leur sort. La start-up berlinoise a par ailleurs porté plainte contre la station privée RTL pour divulgation d’informations portant atteinte à son activité.
Des CDI au compte-gouttes
Ce n’est pas la première fois en Allemagne qu’un spécialiste du commerce en ligne est la cible d’un reportage en caméra cachée, révélant des conditions de travail douteuses. En 2013, le géant américain Amazon en avait fait les frais. La chaîne publique ARD avait en effet dévoilé comment des salariés, venus d’Europe du Sud pour la plupart, étaient hébergés dans des conditions proches de l’esclavage pour trimer dans l’un des centres logistiques de la firme américaine en Allemagne. Et toucher un salaire moins élevé que promis.
Le syndicat des services Verdi s’est emparé du dossier et cherche à imposer à Amazon la négociation d’une convention collective relevant du commerce et non de la logistique, moins rémunératrice pour ses employés. Pour appuyer ses revendications, Verdi organise régulièrement des journées de grève, la dernière ayant affecté le 17 avril deux des centres du groupe, à Leipzig (Saxe) et Bad Hersfeld (Hesse).
Chez Zalando, le syndicat n’a pas encore ses entrées. Créée en 2008, l’entreprise est trop jeune et ne délivre des CDI qu’au compte-gouttes, malgré ou en raison de son expansion rapide. Ainsi, 80 % des salariés du site d’Erfurt (2000 au total) sont en CDD. Difficile dans ces conditions d’y installer des structures de représentation du personnel. Verdi précise aujourd’hui que son objectif est désormais de créer au plus vite chez Zalando un comité d’entreprise (« Betriebsrat »), puisque l’entreprise n’en possède pas.
En février, le numéro un européen de la mode en ligne avait annoncé le doublement de son chiffre d’affaires en 2013 (1,8 milliard d’euros) par rapport à 2012, mais la compagnie qui emploie aujourd’hui près de 5000 personnes n’est pas encore parvenue à dégager des bénéfices. (Article publié par le quotidien français Le Monde, 21 avril 2014)
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