Allemagne. Le SPD entre Macron et Corbyn?

Sigmar Gabriel reçoit un cadeau d’Emmanuel Macron: un lapin

Par Daniel Vernet

A quelques jours d’intervalle, le candidat social-démocrate à la chancellerie, Martin Schulz, a félicité Jeremy Corbyn puis Emmanuel Macron pour leur succès respectif aux élections législatives au Royaume-Uni et en France. Angela Merkel a également envoyé ses meilleurs vœux au président français. Ce qui montre la confusion régnant dans la gauche allemande à trois mois du renouvellement du Bundestag. Après avoir fait jeu égal avec Angela Merkel dans les sondages, Martin Schulz, le candidat à la chancellerie, a ramené le SPD au niveau qu’il avait avant sa candidature, quelque 15 points derrière la démocratie-chrétienne (CDU-CSU).

Les dirigeants politiques allemands n’ont pas attendu le deuxième tour des élections législatives françaises pour manifester leur soutien à Emmanuel Macron. Dès le soir du premier tour, ils ont envoyé leurs félicitations.

«La chancelière Merkel: Mes vœux sincères à Emmanuel Macron pour le grand succès de son parti lors du premier tour des élections législatives. Un vote fort en faveur des réformes», a tweeté Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel.

«Pour l’Europe»

Voilà pour la droite. La gauche n’a pas été en reste. «Félicitations Emmanuel Macron (en français dans le texte). Ce nouveau succès le montre. Macron ne convainc pas seulement en France mais aussi en et pour l’Europe », a déclaré Sigmar Gabriel, vice-chancelier, ministre des affaires étrangères et ancien président du Parti social-démocrate.
«Je me réjouis du bon résultat d’Emmanuel Macron. Pour réformer l’Europe nous avons besoin du changement aussi en Allemagne », a écrit Martin Schulz, le candidat social-démocrate à la chancellerie, qui aspire à remplacer Angela Merkel après le renouvellement du Bundestag du 24 septembre.

Trois jours avant, il avait félicité Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste, pour avoir gagné 32 sièges à la Chambre des communes et brisé la majorité absolue des conservateurs au scrutin anticipé du 8 juin. Un retour inattendu pour un homme politique, député depuis plus de trente ans, représentant la gauche travailliste qu’on pensait démodée après la vague du New Labour incarné par Tony Blair.

Schizophrénie

«Schizophrénie politique», a critiqué le député européen Alexandre Lambsdorff du Parti libéral. Une manière de poser la question du positionnement de Martin Schulz. Est-il plus proche du socialisme à la Corbyn ou du social-libéralisme d’Emmanuel Macron?

Le premier a réussi à mobiliser les jeunes qui s’étaient largement abstenus au référendum sur le Brexit et les électeurs traditionnels du Labour dans ses bastions. Il a développé un programme qui fleurait bon le travaillisme d’antan: nationalisations, hausses des impôts, investissements publics, préservation du système de santé… Sur l’Europe, Jeremy Corbyn n’a jamais manifesté un enthousiasme débordant. S’il ne remet pas en cause la sortie du Royaume-Uni, il est partisan d’un Brexit « mou » qui sauverait les principaux liens avec l’Union européenne.

C’est peu dire que le nouveau président français n’adhère pas aux propositions du vieux Labour. «Macron prépare entre autres exactement la libéralisation du marché du travail sur lequel vous [Schulz] voulez revenir en arrière en Allemagne. Vous trouvez que les réformes sont une bonne chose, mais ailleurs?», a déclaré Jens Spahn, un des responsables de la CDU.

La fin de non-recevoir de la «gauche radicale»

Martin Schulz a donné l’impression de changer l’orientation de sa campagne après sa chute dans les sondages. Au lendemain de sa nomination comme président du SPD, en remplacement de Sigmar Gabriel, et candidat à la chancellerie, sa popularité s’est envolée. Homme neuf dans le paysage politique allemand malgré ses 61 ans, il a haussé le SPD au même niveau que la CDU-CSU et faisait jeu égal avec Angela Merkel en tant que chef du gouvernement. Il avait choisi une thématique résolument à gauche: mise en cause des réformes Schröder, critique de la politique de la grande coalition à laquelle participaient ses camarades social-démocrates, dénonciation des inégalités, allusions à une nouvelle alliance gouvernementale avec les Verts et la«gauche radicale« de Die Linke (La Gauche).

Depuis que la «bulle» s’est dégonflée et que les intentions de vote pour le SPD sont revenues à l’étiage des mois précédents – 39% pour la CDU-CSU et 25% pour le SPD selon les derniers sondages – Martin Schulz a recentré son discours. Il insiste moins sur la justice sociale par une redistribution des revenus que sur la nécessité d’investir dans les technologies modernes et dans la formation, dès la maternelle. Avec un accent sur l’Europe qu’il n’a jamais chercher à cacher, comme Emmanuel Macron.

Si les chiffres des sondages étaient confirmés le 24 septembre, le SPD n’aurait une fois encore le choix qu’entre le rôle de force d’appoint d’un gouvernement Merkel ou le retour à l’opposition. Une coalition « de gauche » apparait d’autant moins réaliste que lors du congrès qui s’est tenu le dimanche 11 juin à Hanovre Die Linke a fermé la porte à une entente avec les frères ennemis du SPD. (Article publié dans Boulevard extérieur, 12 juin 2017)

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