Allemagne. Codécision: enfin une nouvelle loi sur les comités d’entreprise. Mais quel «partenariat social» dans l’actuel «marché du travail»?

Par Kathrin Gerlof

Tout comme il nous est difficile de comprendre la monstruosité syntaxique qu’est la loi sur l’accélération de la planification des infrastructures de transport, la loi sur la modernisation des comités d’entreprise n’est pas non plus une grande réussite linguistique. D’autant plus qu’il ne s’agit pas tant de moderniser les comités d’entreprise eux-mêmes que d’atteindre un niveau minimum d’adaptation dans le domaine de la codécision (Mitbestimmung). Dans un monde du travail en constante évolution, où le dernier développement complet de la loi sur l’organisation sociale des entreprises (Betriebverfassungsgesetz) remonte à près de cinquante ans. En 2001, une petite réforme a eu lieu, mais les comités d’entreprise (Betriebsräte) n’ont pas pu en bénéficier.

Nous avons donc maintenant une loi de modernisation qui tient au moins compte du fait que même les jeunes de 16 ans peuvent avoir leur mot à dire en ce qui concerne leurs droits, leur travail et l’élection de leurs représentants. C’est bien. Surtout pour les apprentis.

Comme beaucoup de législations, cette modernisation n’est pas le résultat d’une politique «avant-gardiste», mais rattrape ce qui aurait dû être re-réglementé depuis longtemps. C’est comme si on mettait enfin une veste chaude, même si la température est inférieure à zéro depuis des jours.

La coprésidente d’IG Metall (depuis 2015), Christiane Brenner, affirme dans une déclaration sur la loi de modernisation que, dans ce pays, actuellement, un comité d’entreprise sur six est empêché d’être créé. Et ce, comme elle le dit, avec des méthodes en partie «brutales et des conséquences personnelles, qui sont aussi socialement discutables». Ce n’est pas du tout surprenant, mais c’est un constat plutôt amer. D’autant plus que les méthodes brutales sont rejointes par une série de procédés assez subtils lorsqu’il s’agit d’empêcher la mise en place d’une représentation des intérêts des travailleurs et travailleuses qui, eux et elles, se trouvent sans propriété des moyens de production. Or, Christiane Brenner déclare: «Nous sommes une grande famille, nous avons une hiérarchie plate, nous tirons tous dans la même direction, tout cela peut certainement être clarifié dans une conversation directe avec le patron…»

Les chiffres donnent à réfléchir. Neuf pour cent de toutes les entreprises de cinq employés ou plus, 25% de celles de plus de 21 employés et seulement 44% des entreprises de plus de 51 employés disposent d’un comité d’entreprise, en 2019, selon la Fondation Hans Böckler. Ce n’est certainement pas seulement dû aux méthodes parfois de voyou dont parle Christiane Brenner, même si elles ont leur part.

Cela est d’autant plus regrettable que la modernisation décidée laisse également imparfaite la protection contre le licenciement de ceux/celles qui initient des élections et de ceux/celles qui les préparent (les deux noms composés – Wahlinitiator et Vorfeldorganisator – apparaissent comme des monstres), comme le critique la Fondation Böckler. Le DGB aurait souhaité une protection en deux temps et rétroactive contre les licenciements. Mais on entend déjà les associations d’employeurs, qui devraient en fait s’appeler associations de preneurs de travail, s’écrier que cela serait tout à fait inapproprié en période difficile, où une grande flexibilité est nécessaire pour ramener l’économie sur la voie de la croissance.

Modernisé n’est pas moderne

Peut-être pour rappel: en 2015, le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales a entamé un dialogue sous le label «Arbeiten 4.0» et a déclaré que cela était devenu nécessaire parce que le travail en réseau et la mise en connexion croissante de l’homme et de la machine, ainsi qu’un changement des valeurs sociales, la mondialisation et un changement fondamental du mode de production (pas des rapports de production, juste pour qu’il n’y ait pas d’erreur!) rendent nécessaire de repenser tout ce qui a trait au travail et, si nécessaire, de le moderniser, et de mieux protéger ceux et celles qui ne peuvent que «livrer leur peau» sur le marché.

Depuis lors, une quantité incroyable de choses ont été flexibilisées, mais pas vraiment modernisées. Au moins, il y a un salaire minimum, dès lors il ne se passe rien. Cela s’explique aussi par le fait que, d’un côté, de nombreux syndicats facilitent la mise en veilleuse de tout cela, mais que, de l’autre, ils se battent au moins pour que quelque chose soit fait contre la précarisation des emplois non protégés.

Les premières organisations de travailleurs sont apparues à la fin du XVIIIe siècle; de là, le chemin a été long jusqu’à ce qu’une loi sur l’organisation sociale des entreprises voie le jour, une loi qui contient en même temps le compromis de ce qu’on appelle le partenariat social. Comme si ceux qui possèdent les moyens de production pouvaient avoir tellement de choses en commun avec ceux qui n’ont rien d’autre que leur force de travail à jeter sur le marché pour que cela suffise à établir un véritable partenariat.

D’une certaine manière, la loi sur la modernisation des usines ramène les rêveurs sur terre. C’est un progrès – sans aucun doute. Il ne s’agit pas d’un compromis volontaire, altruiste et proactif, mais d’un énième compromis qui ne reflète guère les luttes actuelles et futures dans et autour du monde du travail. En fait, il s’agit d’une rubrique du passé. (Article publié par l’hebdomadaire Der Freitag, 21/2021; traduction rédaction A l’Encontre)

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