France-dossier. A Marseille, «on ne va pas lâcher maintenant, après tout ce qu’on a fait»

(Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas)

Par Samuel Ravier-Regnat

Entrée 2C du port maritime de Marseille, 9h30. Des palettes carbonisées, un brasero froid et des tags rouges sur les murs rappellent les multiples mobilisations qui ont perturbé l’activité du site depuis le début du mouvement social.

Pour ce 28 mars, la CGT appelle à une grève de 24 heures, puis à des grèves de quatre heures par jour jusqu’à la fin de la semaine. Et après? «On ne va pas lâcher maintenant, après tout ce qu’on a fait. Il faut qu’on montre au gouvernement qu’on est capables de s’inscrire dans la durée», énonce Pascal Galéoté, le secrétaire général CGT du Grand Port, pas découragé par l’adoption du texte via le rejet de la motion de censure contre le gouvernement, le 20 mars.

«Le 49.3, c’est limite de la provocation»

Autour de lui, ses collègues sautent dans leur voiture pour rejoindre la manifestation intersyndicale qui part du Vieux-Port, comme de coutume dans la préfecture des Bouches-du-Rhône.

«Le 49.3 (utilisé par la première ministre le 16 mars), c’est limite de la provocation. Quand on voit la manière dont se comporte ce gouvernement, alors que la majorité de la population est contre la réforme, on se demande si on est encore en démocratie», enrage Valentin (prénom modifié), employé dans les cuisines du port.

Didier, 55 ans, dont plus de trente-cinq passés dans les activités portuaires à travailler en trois-huit, abonde: «On nous impose une réforme injuste sans aucune discussion.» Celui qui exerce désormais le métier de docker du côté de Fos-sur-Mer raconte sa fatigue chronique, ses difficultés à trouver le sommeil et ses conversations avec son médecin, qui lui répète que «le corps n’est pas fait pour travailler la nuit».

Ils ont perdu le compte de leurs jours de grève: 15? 20?

«Mais ce n’est pas seulement une question de pénibilité», opposent Philippe et Carine, deux agents portuaires qui ont perdu le compte de leurs jours de grève – 15? 20? «Il y a une réflexion philosophique à avoir sur la manière dont les travailleurs peuvent disposer de leur temps. Quand on entend qu’on devrait travailler plus parce qu’on vit plus, c’est violent. On veut pouvoir vivre en bonne santé après le travail», exposent-ils.

Un peu avant 11 heures, le pré-cortège des salarié·e·s portuaires, fort de quelque 200 personnes, débarque sur le Vieux-Port et se fond dans la foule qui martèle pour la dixième fois son opposition à la réforme des retraites.

Etudiant·e·s nombreux et bruyants qui scandent leur détermination au rythme du tambour, salarié·e·s de l’énergie qui défilent derrière un camion bleu Enedis [gestionnaire du réseau de distribution d’électricité] sur lequel est monté un militant en surchauffe, manifestants de la CFDT rassemblés derrière une banderole «Le temps ne fait rien à l’affaire, quand on dit non, on dit non», en forme de clin d’œil à Georges Brassens…

Au total, 11 000 personnes sont présentes, selon la police, et 180 000, selon l’intersyndicale. Un chiffre considérable, mais en nette baisse par rapport à jeudi dernier, quand l’intersyndicale avait annoncé 280 000 manifestants, un record depuis janvier. (Article publié dans L’Humanité, le 29 mars 2023)

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Face au 49.3, symbole d’un régime autoritaire, des secteurs de la jeunesse lycéenne et étudiante rejoignent la mobilisation sociale sur les retraites

Par Hugo Boursier

Une trentaine de lycéens discutent, deux par deux, le long d’un étroit trottoir du 20e arrondissement de Paris. Il est 8 heures du matin, c’est le moment d’aller en cours de sport. Les discussions rebondissent. «C’est hyper bien qu’on aille aux manifs parce que les gens comptent sur nous, en fait», lance Claire* [le prénom a été changé, comme tous ceux suivis d’un astérisque] à son camarade. Lui scrute les vidéos qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux.

«A Toulouse, il y a eu des poubelles de cramées pour bloquer le périphérique et à Bordeaux, des gens ont brûlé la mairie», énumère-t-il. Jeudi 23 mars, la neuvième journée de grève nationale avait rassemblé 500 000 jeunes, dont 150 000 à Paris, selon les chiffres de l’Unef (Union nationale des étudiants de France). Un record, atteint une semaine, jour pour jour, après l’annonce du 49.3. Cet article a fait l’effet d’une bombe parmi les jeunes.

«Ça a mis tout le monde d’accord sur le déni de démocratie», explique Tao, 19 ans, en deuxième année de licence à la Sorbonne. «Beaucoup d’amis sont venus, jeudi, pour la première fois. Et ceux qui se disaient à gauche, mais pas trop, ont manifesté à cause du 49.3», confirme-t-il. Comme si l’on passait d’une révolte sociale à une colère plus universelle, sur les institutions.

Une note de renseignement souligne ce nouvel afflux. Des jeunes ont «rejoint le mouvement le 23 mars, indignés par le recours à l’article 49.3 de la Constitution», est-il écrit sur le document consulté par Le Parisien. «Ils pourraient alors être beaucoup plus nombreux à prendre part aux actions lancées le 28 mars.» Une crainte qui encombre l’esprit de l’exécutif depuis le premier jour du mouvement social, le 19 janvier.

C’est cette peur qui leur a fait décaler une réforme des bourses initialement prévue pour le mois de janvier. La même qui a reporté des annonces sur une éventuelle généralisation du Service national universel. Tout était fait pour ne pas emballer la jeunesse. Le 49.3 a tout renversé. Avec, comme cible principale, la figure d’Emmanuel Macron.

Cette nouvelle journée de manifestation intervient alors que les blocages de lieux d’étude se poursuivent et s’intensifient sur tout le territoire. Sur huit jours entre le 15 et le 27 mars, pas moins de 44 universités et écoles ont été bloquées, dont une nette augmentation les 22, 23 et 27 mars avec respectivement 70, 80 et 61 actions d’occupation.

Réseaux sociaux et casquettes CGT

Des facs prestigieuses et peu habituées aux actions ont aussi connu leurs barrières et autres pancartes à l’entrée des campus: c’est le cas à Panthéon-Assas, réputé à droite, jeudi 23 mars. Mais aussi à Dauphine, dans le chic Ouest parisien, lundi 27 mars. «C’est historique. Quelque chose se passe», commente-t-on sur Twitter. «Le 49.3 a été un point de bascule», explique Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef. «Le jour de son utilisation, spontanément, des milliers de jeunes en France sont sortis dans la rue. Et depuis, ça n’arrête pas.»

Cet engouement n’a pas laissé indifférents des influenceurs très populaires parmi les jeunes. Si ces créateurs de contenus, sur Instagram, TikTok (une plateforme de partage de vidéos) ou Twitch (un réseau centré sur le jeu vidéo en ligne) ne sont pas toujours connus pour leurs prises de position politiques, depuis l’annonce du 49.3, certains d’entre eux ont mis un pied dans l’arène des contestataires contre la réforme des retraites.

C’est le cas de Polska, 23 ans, suivie par plus de 200’000 abonné·e·s sur Instagram. Présente sur la place de la République, à Paris, lors d’une manifestation déclarée par Solidaires, l’influenceuse beauté encourage, avec sa collègue Tootatis, 19 ans et 550’000 abonné·e·s, à venir manifester. Elle partage aussi des publications engagées, comme celles d’Alternatiba ou du député insoumis de 22 ans Louis Boyard, entre deux vidéos d’elle.

Politique et divertissement, un cocktail que l’émission «Quotidien», pourtant habituée à ce tandem, s’est permis de moquer, jusqu’à la tenue des deux jeunes femmes. «Toi, Yann Barthès, tu trouves normal qu’en 2023 on puisse toujours faire des chroniques hyper sexistes et hyper misogynes?», a répondu Polska, qui, à la suite de cet échange, s’est vu offrir une casquette sertie de faux diamants par la CGT.

Loin d’être anecdotique, cet échange virtuel permet d’entrer dans une zone grise pour les syndicats, encore peu ouverts aux nouveaux usages sur les réseaux sociaux. Et d’approcher de nouveaux manifestants. «Ces influenceurs ont un impact parmi des jeunes qui peuvent être éloignés du militantisme classique», explique Eléonore Schmitt, porte-parole du syndicat étudiant L’Alternative, qui rappelle qu’à l’université Rennes-II l’organisation L’Union pirate utilise des dérivés d’affiches de film pour varier les visuels.

«Ils balaient très large, commente Colin Champion, président de la Voix lycéenne. Mais ils se réveillent un peu tard. Avec la répression que l’on se prend en ce moment, les simples textes sur les réseaux ne suffiront pas.»

«Plein de jeunes se radicalisent»

Pour de nombreux lycéens, étudiants ou jeunes travailleurs, cette violence agit comme un catalyseur. D’abord, elle choque. «Jeudi [23 mars], les policiers étaient fous. Je n’avais jamais vu ça», souffle Tao. «On était à côté d’un camion de Solidaires, et on se faisait violenter, nasser, matraquer, alors que normalement à côté des syndicats, c’est safe. On s’est fait détruire», décrit celui qui «fait des manifs depuis le lycée».

Puis, elle nourrit la détermination. «La Brav-M me fait peur mais ça me motive à ne pas me laisser faire. Ce sentiment, plein de potes l’ont», explique Mathis, en L1 administration économique et sociale à l’université Paris-Nanterre. En terminale au lycée Colbert, Pierre*, 19 ans, a passé la nuit en garde à vue, alors qu’il ne participait pas à la manifestation sauvage du soir.

«Pendant que j’étais au sol, je me suis fait frapper aux jambes avec des matraques.» En attendant d’être emmené au commissariat, les intimidations fusent. «Fils de pute», «PD». Les policiers l’ont laissé sortir, libre, à midi le lendemain. A peine deux petites heures avant son épreuve du bac. «Je n’avais jamais marché contre la réforme des retraites. Mais là, c’est révoltant. Un policier est censé nous protéger. Ça m’a donné envie de manifester.»

Tina, 16 ans et scolarisée en première dans le cossu lycée Charlemagne, à Paris, reste partagée. «Depuis la violence sur la place de l’Opéra, il y a une part de moi qui a envie d’entrer dans l’action, mais aussi de la peur d’être frappée par la police.» S’il ne va pas au contact des forces de l’ordre, Gaston, lui aussi en première, justifie le rapport de force. «Me battre contre les policiers, ce n’est pas trop mon délire même si je pense que c’est nécessaire», détaille-t-il. Mathis, lui, en est sûr: «Avec cette répression, plein de jeunes se radicalisent.»

Ce rapport à la police reste situé socialement. Pour Julien Talpin [auteur de Les quartiers populaires ne sont pas des déserts politiques, éditions Le Bord de l’eau, 2022], chercheur en sciences politiques à l’université de Lille, les jeunes des quartiers populaires se rendent moins facilement dans les manifestations sauvages qui ont égrené ces dernières nuits, depuis l’annonce du 49.3. «C’est un mouvement plutôt blanc et de classe moyenne, constitué de militants souvent anarchistes ou autonomes», explique-t-il.

Pour des jeunes précaires et racisés, déjà victimes de contrôles au faciès, le risque d’une interpellation est trop important. «Même en dehors des manifs, les jeunes des quartiers se font tout le temps contrôler. Alors dans le cortège, ça peut vite dégénérer», indique Diangou Traoré, militante aux Francs-Moisins, à Saint-Denis.

«Il y a aussi des questions très concrètes: comment rentrer chez moi, en pleine semaine, passé minuit? Comment se reposer si je bosse tôt le lendemain matin?», ajoute-t-elle. Eric Marlière, professeur de sociologie à Lille, note aussi la présence de CRS venus contrôler les voyageurs dans plusieurs gares du 93, à Saint-Denis, Sevran ou Stains.

Cet évitement de l’affrontement policier, dans la capitale, ne doit pas être compris comme une forme de désintérêt pour le mouvement social. N’en déplaise à Pascal Praud [animateur radio-TV], qui moquait sur CNews [chaîne contrôlée par Vincent Bolloré, considérée comme l’équivalent français de Fox News] l’absence, selon lui, des habitants des quartiers populaires dans les journées nationales de manifestation. «Je ne les vois pas», se permet-il. «Ce n’est pas vrai», lui répond Ulysse Rabaté, fondateur de l’association d’éducation populaire Quidam. Et le chargé de cours à Paris-8 de citer comme exemples les parents aux métiers pénibles, ceux qui ont des responsabilités syndicales, certains jeunes travailleurs ou des étudiants politisés à l’université.

«La réforme va les impacter au premier chef, donc une partie se mobilise», assure Eric Marlière, bien que «des hésitations puissent poindre face à des manifestations plutôt traditionnelles et toujours organisées, pour l’Île-de-France, à Paris», complète Ulysse Rabaté. La concentration du débat public sur la dureté de certains métiers essentiels – un leitmotiv dans le discours militant des quartiers – a encouragé, selon ce dernier, de nombreux jeunes à venir manifester.

Contre le passage en force

Une thématique qui renvoie vers une période particulièrement difficile pour les jeunes: le Covid-19. Ses confinements. Ses restrictions. Une violence autour de laquelle cette «génération sacrifiée» s’est positionnée. «Par sa brutalité, la crise sanitaire a été un moment de politisation. Elle a suscité des prises de conscience, une volonté de se réapproprier l’espace public, les lieux d’étude», analyse Ulysse Rabaté.

Une «sédimentation politique» centrée, aussi, autour du refus des décisions arbitraires et des passages en force, si nombreux pendant le Covid-19. «Il y a une génération très attachée au respect de la démocratie et qui a très envie de se faire entendre», décrit, sur France Culture, Camille Peugny, sociologue à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines. «Depuis 2017, Macron a fait beaucoup de mal à la jeunesse», estime Eléonore Schmitt, porte-parole du syndicat étudiant L’Alternative.

Le 49.3 semble être le énième coup de menton du président. La marque d’un passé institutionnel dont il faut tourner la page. «Ce qui est en train de craquer, c’est ce système politique qui n’est plus capable de prendre en compte les nouvelles revendications démocratiques des jeunes», poursuit Camille Peugny.

Cet article 49.3 tant décrié apparaît comme l’ultime coup de marteau sur leur avenir. «On nous promet à un avenir de précarité», regrette Imane Ouelhadj. Traversés par la crise climatique, les jeunes aspirent à d’autres lendemains. «On veut choisir notre futur», assure Mathis, qui assure qu’il sera de toutes les prochaines mobilisations. Comme Gaston, Tina, Tao, et les autres. (Article publié par l’hebdomadaire Politis, le 28 mars 2023)

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Cantonnés à des «métiers pénibles», les travailleurs immigrés au cœur des cortèges

Par Nejma Brahim

«On est mobilisés contre cette réforme depuis le début, comme dans tous les mouvements sociaux d’ailleurs, clame Bchira Ben Nia, place de la République, à Paris, peu avant que le cortège ne s’élance à 14 heures [le 28 mars]. Il ne faut pas oublier qu’on fait partie des travailleurs, même si on est étrangers ou sans-papiers.»

Déléguée de la Coordination des sans-papiers de Paris (CSP75), la Tunisienne a participé à toutes les manifestations contre la réforme des retraites, aux côtés de ses «camarades». Elle ne pensait pas venir ce mardi, trois jours seulement après la mobilisation contre la loi immigration de Gérald Darmanin organisée à Paris.

Mais elle se devait de venir soutenir les autres. «Les étrangers sont surreprésentés dans les métiers manuels et pénibles. Les femmes le sont particulièrement dans les métiers du soin. Vous pensez qu’iels vont tenir jusqu’à 64 ans?», interroge-t-elle, expliquant que cette lutte est «aussi la leur».

Après avoir travaillé sans papiers durant six ans en tant qu’aide à domicile, Bchira Ben Nia a pu régulariser sa situation en 2021. «Même si on est déclaré·e, on ne cotise pas toujours pour la retraite si on n’a pas de numéro de Sécurité sociale. On est des travailleurs et travailleuses mais on n’est pas sur un même pied d’égalité avec les autres. Les gens ne le voient pas, mais nous on le vit au quotidien.»

Dans le cortège parisien, elle retrouve Joëlle, un soutien de la CSP75, venue elle aussi dénoncer la réforme des retraites et ses effets sur les Français·es comme sur les étrangers et étrangères. Elle évoque la loi Darmanin, pour laquelle «il faut sensibiliser l’opinion publique», y compris dans le cadre de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites.

«Ils ont repoussé l’examen du texte puis annoncé une loi à la découpe. Mais ça risque d’être bien pire. On est sur une criminalisation en puissance des étrangers», alerte-t-elle. Bchira et Joëlle arborent des tracts, collés sur leur veste ou leur jean, qui donnent le ton: «Darmanin ne fera pas sa loi!»

Boulevard Voltaire, toutes deux retrouvent les grévistes du groupe La Poste, qui luttent pour leur régularisation depuis près d’un an et demi et sont de toutes les manifestations contre la réforme des retraites. Au micro et au rythme des tam-tam, la trentaine d’hommes scande: «41 ans de taff, ça use, ça use; 42 ans, ça use, ça use; 43 ans, c’est NON!» ou encore «Macron nous fait la guerre, les patrons aussi!».

Sur le bas-côté, Carlos, retraité, les félicite une pancarte à la main et un sourire aux lèvres. «Ce sont eux, les travailleurs de l’ombre, qui ont tenu le pays pendant le Covid, les aides-soignants, les éboueurs, les livreurs et les ouvriers. Et c’est à eux qu’on va faire payer deux années de plus. C’est insupportable.»

Aboubacar Dembele, un des leaders du mouvement de grève chez Chronopost, à Alfortville, dénonce le «mépris» du gouvernement et de la préfecture, qui se renvoient sans cesse la balle quant à leur sort. «On dit non à cette réforme. C’est important qu’on soit là car on est les premiers concernés, en tant que travailleurs manuels et ouvriers. C’est une réforme injustifiée: on nous dit qu’il n’y a pas d’argent, c’est une insulte à l’intelligence. Qu’ils arrêtent de supprimer des emplois et il y aura plus de cotisants», résume-t-il, estimant qu’Emmanuel Macron veut «faire plaisir» au patronat et au monde de la finance.

Ses amis et lui tiennent à associer les deux luttes, celle contre la réforme d’une part, celle contre la loi Darmanin d’autre part, en faisant avancer les travailleuses et travailleurs étrangers et français main dans la main. «Le gouvernement veut faire croire aux gens que le problème, c’est l’immigration. Mais en réalité, ce sont les patrons voyous. On est face à un gouvernement libéral qui ne veut écouter personne.»

Les grévistes de la société d’intérim RSI, qui luttaient à leurs côtés, ont obtenu 83 récépissés avec six mois d’autorisation de travail depuis le début de leur mobilisation fin 2021. A Alfortville, le nombre de grévistes a grimpé, passant à 200. «On veut être régularisés et on veut avoir une retraite digne», conclut Aboubacar.

Pour Mehdi Zenda aussi, il est nécessaire d’«élargir» la mobilisation contre la réforme des retraites à d’autres luttes, dont celle des sans-papiers. Nous le retrouvons à l’approche de la place de la Nation, où s’achève la manifestation en fin de journée. L’étudiant algérien, inscrit à l’université Paris VIII, fait l’objet d’un harcèlement en ligne depuis qu’il a tenu un discours en ce sens, samedi 25 mars, à l’occasion de la manifestation contre la loi Darmanin.

«J’ai dit que la tour Eiffel avait été faite par les travailleurs immigrés. C’est peut-être faux, mais tout le monde a compris ce que j’entendais par là. On ne peut pas nier que les immigrés ont beaucoup contribué à la construction des infrastructures en France. Tout comme ils faisaient tourner l’économie durant le Covid», explicite-t-il, regrettant que l’extrême droite s’acharne sur lui depuis cette prise de parole sur les réseaux sociaux.

Sur CNews [chaîne contrôlée par Vincent Bolloré, considérée comme l’équivalent français de Fox News], Jean Messiha est allé jusqu’à appeler au retrait de son titre de séjour, raconte-t-il, éberlué. «L’extrême droite comme le gouvernement ne supportent pas l’idée qu’on puisse s’unir dans des luttes différentes», estime le militant du Poing levé et de Révolution permanente.

«La réforme des retraites, pour les étrangers, c’est un avenir de misère. On imagine mal des mères immigrées arrivées à 30 ans ou des étudiants qui finissent leurs études à 30 ans travailler 43 ans. C’est juste inconcevable, surtout quand on sait qu’ils font des métiers pénibles», conclut-il. (Article publié sur le site Mediapart le 28 mars 2023)

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«L’intersyndicale déterminée donne rendez-vous le 6 avril»

Par CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU, Unef, la Voix lycéenne, FAGE, FIDL, MNL

A l’appel de l’intersyndicale ce sont plus de deux millions de travailleuses et travailleurs, jeunes et retraités qui se sont mis en grève et ont manifesté. Le monde du travail s’est une nouvelle fois mobilisé dans toute la France de façon massive et déterminée, pour le retrait de la réforme des retraites. La jeunesse a encore une fois été très présente dans les mobilisations.

Après deux mois d’un mouvement social exemplaire et inédit depuis 50 ans, très largement soutenu par la population, et un parcours parlementaire chaotique, l’absence de réponse de l’exécutif conduit à une situation de tensions dans le pays qui nous inquiète très fortement.

En ne répondant pas à la demande de retrait, en usant du 49.3, l’exécutif a fait le choix d’accentuer la crise démocratique et sociale. Pourtant, dès le début, les organisations syndicales et de jeunesse avaient prévenu l’exécutif du risque d’explosion sociale que pouvait provoquer cette réforme injuste, injustifiée et brutale.

Le gouvernement a la responsabilité de garantir la sécurité et le respect du droit de grève et de manifester. Alors que le calme a toujours caractérisé le mouvement, l’intersyndicale déplore le nombre de blessés.
Depuis des semaines, nos organisations ont fait preuve d’une grande responsabilité. Aujourd’hui encore, nous demandons au gouvernement de prendre la sienne.

L’intersyndicale soutient les mobilisations, manifestations, les actions intersyndicales et grèves qui perdurent depuis janvier. Elle appelle les millions de travailleurs et travailleuses, les jeunes et les retraité.es à continuer de se mobiliser.

Elle appelle à des rassemblements syndicaux de proximité définis localement et à une nouvelle grande journée de grève et de manifestations le jeudi 6 avril partout dans le pays. (Le 28 mars 2023 au soir, publié l)

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