Chine. Une vague d’accidents de grues à tour, suite au régime de sous-traitance

Par China Labour Bulletin

La Chine a connu une série d’accidents de grues à tour (à pylône) sur les chantiers de construction au cours des deux dernières semaines, alors que les travaux sur les projets de construction et d’infrastructure reprennent après l’arrêt de la pandémie de Covid-19.

La carte des accidents du travail du China Labour Bulletin a enregistré au moins huit accidents en 11 jours entre le 14  et le 24 mai dans le Hunan, l’Anhui, le Sichuan, le Yunnan, le Shandong, le Zhejiang et la région extrême occidentale du Xinjiang. Il semble que ces accidents aient fait plusieurs morts, mais le nombre exact de blessés et de morts n’est pas clair.

L’accident le plus grave s’est produit le 22 mai dans la ville côtière de Weifang, dans le Shandong. Une grue à tour d’un grand projet de construction s’est soudainement effondrée et s’est écrasée sur une autre située à proximité. Au moins un travailleur est mort et un autre a été blessé dans l’accident. Un autre travailleur est mort quatre jours plus tôt lorsqu’une grue à tour s’est effondrée sur un chantier de construction dans la zone de développement économique et technologique de Xuancheng, dans l’Anhui. Les dégâts étaient si importants que les travaux de construction sur l’ensemble du site ont dû être suspendus.

Lors des autres incidents, les travailleurs ont pu échapper à la mort. Lors de l’effondrement d’une grue sur un chantier de Changsha, par exemple, le grutier a réussi à se mettre à l’abri lorsque sa cabine s’est accrochée sur le côté du bâtiment en construction.

En Chine, les accidents de grues à tour sont régulièrement imputés à des erreurs de l’opérateur ou à des grues qui soulèvent des matériaux de construction au-delà de la capacité de charge de la grue. Cependant, il existe un problème plus fondamental et systémique dans le secteur de la construction qui a indéniablement contribué à la récente vague d’accidents.

Dans les années 2000, les grutiers étaient généralement des travailleurs qualifiés attachés à des entreprises de construction publiques qui travaillaient en équipes régulières. Cependant, lors du boom des infrastructures qui a suivi la crise économique mondiale de 2008, on a assisté à une explosion du nombre de sociétés privées de location de grues qui ont souvent embauché des travailleurs migrants ruraux sans formation adéquate de grutier. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés de location de grues n’embauchent même pas directement des opérateurs, mais sous-traitent le recrutement à des entrepreneurs de main-d’œuvre, etc.

Les problèmes ont été aggravés par le départ à la retraite de grutiers plus âgés et expérimentés et par un afflux de grutiers plus jeunes et inexpérimentés qui ne perçoivent qu’un salaire minimal et doivent donc travailler durant des heures très longues, simplement pour gagner un salaire décent. Il est assez courant qu’une grue soit utilisée par un seul travailleur toute la journée, plutôt que par plusieurs travailleurs effectuant des quarts de travail courts, ce qui entraîne un risque accru d’accidents dus à la fatigue.

Les bas salaires et les conditions de travail dangereuses ont été mis en évidence il y a deux ans par les dizaines de grèves et de manifestations organisées par les grutiers à l’occasion de la fête du travail de 2018. La carte des grèves du China Labour Bulletin (CLB) a enregistré les protestations dans le Sichuan, le Gansu, le Henan, le Fujian, le Hunan, le Jiangsu, le Guizhou, le Jiangxi, le Hubei et le Guangxi au cours de la semaine précédant le jour férié, et même le journal Global Times (1er mai 2018) soutenu par l’État a rapporté que «les grutiers ont protesté dans toute la Chine pendant la fête du travail pour demander un meilleur salaire et une journée de travail de huit heures».

Il existe des réglementations gouvernementales très claires et détaillées concernant l’exploitation en toute sécurité des grues à tour et tous les opérateurs sont censés détenir un certificat d’exploitation spécial délivré par le gouvernement avant de pouvoir être employés.

En réalité, l’application de ces normes a été très laxiste et très peu a été fait pour sauvegarder les intérêts des grutiers. En fait, la concurrence accrue entre les sociétés de location de grues a entraîné une nouvelle réduction des coûts et un manque d’entretien indispensable, ce qui s’est traduit par des fissures structurelles dans les grues, des boulons desserrés et des défaillances des joints.

Étant donné l’incapacité des autorités locales à superviser correctement les entreprises de grues à tour, il est clairement nécessaire que le syndicat officiel intervienne dans cette situation et joue un rôle beaucoup plus actif dans le secteur de la construction, comme le propose le CLB dans son dernier rapport de recherche, intitulé Holding China’s trade unions to account: An in-depth investigation into the All-China Federation of Trade Union’s reform initiative (Tenir les syndicats chinois pour responsables: une enquête approfondie sur l’initiative de réforme de la Fédération syndicale chinoise nationale). (Article publié dans le China Labour Bulletin, le 2 juin 2020; traduction rédaction A l’Encontre)

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