Par socialistworker.org
Le massacre de 16 civils afghans sans armes [dont neuf enfants] au milieu de la nuit [le dimanche 11 mars 2012] par un soldat de l’armée américaine [le sergent-major Robert Bales, âgé de 38 ans, ayant deux enfants, ayant servi trois ans en Irak et enrôlé dans l’armée depuis 2001; il a été incarcéré dans la prison militaire de Fort Leawenworth, dans l’Etat du Kansas, après avoir été transféré sur une base militaire états-unienne au Koweït, donc ayant échappé à une procédure judiciaire en Afghanistan] constitue une confirmation effrayante de la brutalité à l’état pur qu’est la guerre que les Etats-Unis mènent en Afghanistan, une guerre maintenant ancienne de plus de dix ans. [Selon les informations établies dès le 17 mars 2012, depuis sa base de Belambay, située dans le sud de l’Afghanistan – à Panjwal dans la province de Kandahar – il a effectué ses massacres dans trois villages: Alkozal, Najeeban et un lieu-dit Ibrahim Khan Houses.]
Ce dernier cauchemar pour le peuple afghan indique l’ampleur des barbaries que la machine de guerre américaine est en mesure d’infliger: que cela soit par les actes d’un seul soldat lourdement armé ou des méthodes plus «chirurgicales» du Pentagone, telles que le lancement de missiles dirigés par des drones [avions sans pilote, dirigés depuis les Etats-Unis et dont les missiles tuent de nombreuses personnes].
Barack Obama a immédiatement fait part de ses regrets pour cette dernière atrocité, affirmant que «les Etats-Unis prennent cela aussi sérieusement que si cela était nos propres citoyens et nos propres enfants qui avaient été assassinés […]. Cela ne représente pas ce que nous sommes comme pays, et cela ne représente pas notre armée.»
Si la population d’Afghanistan a toutefois appris quelque chose de cette guerre américaine qui dure depuis plus de dix ans, c’est bien que ces massacres et ces destructions révèlent exactement ce qu’est l’armée des Etats-Unis.
La démonstration a été faite depuis longtemps que les prétentions selon lesquelles la guerre et l’occupation américaines libéreraient les Afghans de la tyrannie politique, affranchiraient les femmes et rebâtiraient le pays n’étaient que des phrases creuses. Le dernier massacre est pourtant la preuve que la guerre des Etats-Unis est depuis le début un désastre complet pour le commun des Afghans, parce que cette guerre ne les a jamais aidés, ayant été menée uniquement pour assurer les intérêts impériaux des Etats-Unis dans la région.
Les meurtres qui se sont déroulés dans le sud de l’Afghanistan sont une monstruosité causée par l’impérialisme. La seule façon de mettre un terme à une telle violence est de mettre un terme à l’occupation américaine.
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Selon les rapports, au cours de la nuit du 11 mars, un sergent-major de la 3e Stryker Brigade [Stryker est le terme qui désigne un type de véhicule blindé transportant des troupes utilisé par l’armée, baptisé du nom de deux soldats américains, l’un mort au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’autre au Vietnam], âgé de 38 ans, a quitté le camp de Belambay, à quelque 32 kilomètres à l’ouest de la ville de Kandahar.
Le soldat s’est dirigé un village situé moins de 2 kilomètres au sud du camp. Il est alors entré dans une maison. Les voisins ont entendu des hurlements, des tirs et une explosion tandis que le soldat pourchassait les femmes et les enfants, tirant et donnant des coups de poignard, avant de placer certains corps sur un feu. [Puis, il se dirigea vers deux autres villages, avant de se rendre à sa base.]
Au total 16 civils non armés – dont neuf enfants – ont été assassinés et de nombreux autres blessés.
Les comptes rendus effectués par les médias dominants se sont interrogés, sur une tonalité choquée, afin de comprendre comment un tel crime avait pu être réalisé par un soldat américain. Ils ont suggéré que le sergent-major devait assurément être sous le coup d’une dépression nerveuse. Bien que les détails soient [encore] rares, nous savons que le soldat est un engagé d’expérience de plus de 11 ans, qu’il a servi à trois reprises en Irak, avant son service actuel en Afghanistan. Un compte rendu suggère qu’il pourrait avoir subi une blessure traumatique au cerveau lors de son dernier service en Irak [1].
«Il n’y avait pas de talibans ici. Aucun échange de tirs n’avait lieu», a déclaré une femme de la localité, parente de nombreuses victimes, à la chaîne de télévision états-unienne MSNBC. «Nous ne savons pas pourquoi ce soldat étranger est venu et a tué les membres innocents de notre famille. Soit il était ivre, soit il appréciait de tuer des civils.»
Quelles que soient les explications que l’on puisse trouver au comportement du sergent-major, les médias ont tort de présenter ses crimes comme un acte isolé. Au cours de la dernière décennie, de pareils crimes de guerre et massacres constituent une caractéristique des occupations militaires de l’Afghanistan et de l’Irak.
Un groupe de 12 soldats américains de la 5e Stryker Brigade, par exemple, en 2009, aurait pris part à un «jeu de massacre» de trois civils afghans puis participé à le dissimuler. Seulement quatre des 12 soldats ont été condamnés pour crime. Devant la cour martiale, le sergent-major Calvin Gibbs, le plus haut gradé parmi les accusés, a décrit la manière dont il a coupé les doigts des corps et extrait une dent d’une victime pour les conserver comme trophées de guerre, «comme on garde les bois d’un cerf après l’avoir tué». [Ce genre de trophée que la candidate à la vice-présidence des Etats-Unis, Sarah Palin, en 2008, aimait afficher.]
Voilà la réalité de la guerre: une déshumanisation totale des Afghans aux yeux de leurs prétendus «libérateurs».
Le général Stanley McChrystal, anciennement responsable des opérations militaires en Afghanistan, a fait part, au début de l’année 2010, d’une inhabituellement franche appréciation de l’occupation: «Nous avons tiré sur un nombre incroyable de personnes et nous en avons tué beaucoup. A ma connaissance, il n’a jamais été prouvé qu’il y a eu une réelle menace pour notre force [armée]. Au cours des plus de neuf mois durant desquels j’ai été ici, à ma connaissance, il ne s’est pas avéré une seule fois, lors d’incidents et d’affrontements avec des personnes, que nous nous soyons engagés dans une épreuve de force avec un véhicule qui aurait contenu des explosifs pour des bombes «suicides» ou des armes. Il y avait, par contre, dans de nombreux cas, des familles à l’intérieur [des véhicules].»
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Cette dernière abomination du 11 mars 2012 fait suite à d’autres épisodes au cours desquels le comportement raciste et inhumain des troupes américaines s’est révélé. Le mois dernier, de nombreux Corans ont été brûlés par du «personnel militaire» américain. Ce fait a engendré de furieuses protestations qui se sont répandue à travers tout l’Afghanistan et a conduit à une augmentation des morts parmi les soldats des Etats-Unis et de l’OTAN [tués, entre autres, par des soldats de l’armée afghane «construite» par les Etats-Unis, le France, etc.]. En janvier 2012, une vidéo montrant des soldats américains urinant sur les corps de plusieurs Afghans a été diffusée.
La haine contre les Etats-Unis et les forces d’occupation a atteint un nouveau pic. Cela pour de bonnes raisons. Pourtant, à entendre Leon Panetta, le secrétaire à la Défense, les Etats-Unis sont en fait la victime. «Nous avons été confrontés à une série d’événements difficiles au cours de ces dernières semaines en Afghanistan», a déclaré Panetta après le massacre. «Il semble que nous allons être soumis à des épreuves presque chaque jour.»
C’est plutôt le peuple afghan qui est soumis à des «épreuves» et cela chaque jour au cours des dix dernières années: celles des bombardements, des raids et des brutalités commises par l’armée américaine, sans même mentionner la répression et la corruption d’un Etat central [Karzaï et ses clientèles] mis en place par les occupants.
Il y a actuellement 91’000 soldats américains en Afghanistan. L’administration Obama prévoit de réduire ce nombre à 68’000 d’ici à la fin de l’année 2012. dans la perspective d’une proposition de retrait des troupes d’ici à 2014.
Même lorsque la guerre sera «terminée», elle ne sera pourtant pas achevée. Les dirigeants américains ont l’intention de maintenir leur présence militaire en Afghanistan, comme d’un poste avancé «impérial» dans une région cruciale, pour de nombreuses années.
Il n’est dès lors pas surprenant qu’au moment où il condamne le massacre du 11 mars, Barack Obama mette également en garde contre l’idée que les Etats-Unis «se précipitent vers la sortie». Les meurtres, a-t-il déclaré, indiquent «l’importance pour nous d’une transition en conformité avec mon plan selon lequel les Afghans sont en train de prendre une part supplémentaire dans la direction de leur propre sécurité et que nous pouvons commencer à ramener nos soldats à la maison».
Une telle logique met la réalité cul par-dessus tête.
Depuis le début de cette guerre, il y a dix ans, les dirigeants autant des partis républicain que démocrate ont parlé de l’Afghanistan comme étant une «guerre juste»: une guerre qui libérerait le peuple Afghan de la brutalité des talibans. Au lieu de cela, les Etats-Unis eux-mêmes ont conduit des attaques brutales au cours desquelles des civils ont été massacrés et les droits humains bafoués. Dans le même temps, le gouvernement afghan du président Hamid Karzaï, mis en place par les Etats-Unis, dirige un régime profondément corrompu où les droits humains les plus élémentaires, y compris ceux ayant trait à «la condition des femmes», ne se sont pas améliorés.
L’hypocrisie d’Obama est évidente. Le président Prix Nobel de la paix (en 2009) peut condamner ce massacre. Mais il semble convaincu que larguer des bombes sur des civils non armés à partir de drones – pratique courante de l’armée américaine, bien plus meurtrière dans ses conséquences – est quelque chose de préférable que de les tuer à bout portant.
La machine de guerre américaine continue, dans le même temps, de traiter ses propres soldats comme s’ils étaient des outils, lesquels sont contraints d’effectuer des déploiements très longs et font face à des problèmes de santé mentale et physique qui ne sont pas traités.
La base Lewis-McChord située dans l’Etat de Washington – et qui serait la base, située sur le territoire national, à laquelle est rattaché le soldat qui a commis le plus récent massacre – a été déclarée par Stars and Stripes [étoiles et bandes, la formule fait référence au drapeau des Etats-Unis; il s’agit du journal officiel des forces armées américaines] comme étant la base la «plus inquiétante et dérangée» de toute l’armée, en 2010. L’année dernière, 12 soldats de Fort Lewis se sont suicidés, un nombre record. Les soldats accusés en 2009 d’avoir tué trois civils Afghans comme «sport» étaient également attachés à Fort Lewis.
Selon Jorge Gonzales, directeur exécutif de G.I. Voice, qui anime le centre Coffee Strong destiné aux soldats près de Fort Lewis, la base «a produit une équipe de tueurs, une épidémie de suicides, le refus de traitement pour des troubles de stress post-traumatique, des atteintes aux droits humains au sein de la brigade, de la violence conjugale et le waterboarding d’une fille [«technique» de torture qui consiste à simuler une noyade en versant de l’eau sur une personne dont le visage est couvert par un tissu], le meurtre de civils (y compris celui d’un gardien de parking), la croissance des crimes à caractère sexuel, la toxicomanie, la conduite de véhicule par des personnes sous influence de stupéfiants ou d’alcool, des coups de feu de la police contre les G.I., la violence policière contre des contestataires […] et bien d’autres choses encore. Ces abus n’ont pas pour origine quelques “pommes pourries”, mais plutôt la déshumanisation systématique des soldats et des civils qui se pratique dans la base, ici et en pays occupé.» [2]
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La seule manière d’empêcher que d’autres massacres ne soient commis est de mettre un terme à la guerre.
L’administration peut prétendre être en voie de mettre un terme à la guerre, mais il n’existe pas quelque chose qui se nomme un «calendrier responsable» pour le retrait des troupes. Chaque jour que des soldats américains restent en Afghanistan est un jour de plus durant lequel le peuple Afghan n’est pas en mesure de déterminer lui-même la destinée de son propre pays.
Ici, aux Etats-Unis, la meilleure manière de soutenir le peuple afghan est de s’opposer à la guerre – en construisant une opposition aux guerres et occupations américaines et en s’opposant à des événements comme le sommet de l’OTAN qui se tiendra les 21 et 21 mai à Chicago. Les états de service d’Obama en Afghanistan sont clairs. Personne ne devrait avaler le matraquage selon lequel les démocrates devraient recevoir les votes «antiguerre». «Troupes dehors des pays occupés» devrait rester notre mot d’ordre.
Ainsi que le militant anti-guerre chevronné et écrivain [pakistanais, vivant à Londres] Tariq Ali l’expliquait [3]: «Dans la plupart des guerres coloniales, des gens ont été arrêtés, torturés au hasard et tués. Pas même une façade de légalité était considérée comme nécessaire. L’“unique” tireur américain qui a massacré des innocents en Afghanistan dans les premières heures de dimanche matin est loin d’être une exception. Car ce n’est pas l’acte d’un maniaque fou, tuant des écoliers dans une ville américaine. L’“unique” tueur est un sergent-major de l’armée des Etats-Unis. Ce n’est pas le premier et cela ne sera pas le dernier à tuer de cette manière […]. C’est un secret de polichinelle que la plupart des Afghans sont opposés à l’occupation de leur pays. Les soldats d’occupation sont bien conscients de ce fait. L’“ennemi” n’est pas masqué. C’est le public. Anéantir des femmes et des enfants fait ainsi partie de la guerre. Des hélicoptères de combat, des bombardiers et des drones sont des tueurs plus efficaces que des “uniques” hommes armés. Que faut-il donc faire? Partez maintenant. Ces guerres qui déshumanisent l’“ennemi” déshumanisent aussi les citoyens des nations belliqueuses.» (Traduction par A l’Encontre)
* Texte publié en date du 14 mars 2012 sur le site socialistworker.org.
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[2] http://socialistworker.org/2012/03/13/soldiers-waiting-to-explode
Le nom Coffee Strong fait référence aux cafés ouverts durant la guerre du Vietnam par des vétérans et des soldats d’active. Il s’agit de l’un des trois cafés de ce type (Under the Hood café proche de Fort Hood au Texas et Off Base à Norfolk dans l’Etat de Virginie constituent les deux autres). Coffee Strong est situé à 300 mètres de la base de Fort Lewis. Selon Zoltan Grossman, membre du comité de Coffee Strong, «le but du café pour G.I. est de fournir aux soldats, à leur famille et aux nouveaux vétérans un endroit en dehors de la base où ils peuvent se procurer des ressources mises à leur disposition, rencontrer des conseillers juridiques pour G.I. et avoir accès à des informations alternatives. Le café organise des projections de films chaque semaine, reçoit des intervenants, organise des concerts de hip-hop, de punk et folk entre autres choses qui sont organisées.» Voir leur site internet : http://www.coffeestrong.org/ (Réd.)
[3] http://www.lrb.co.uk/blog/2012/03/12/tariq-ali/the-not-so-lone-gunman/
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