Une grève de détenus [voir l’article publié à ce propos sur le site alencontre.org en date du 22 août 2018] prend racine dans les institutions carcérales d’Amérique du Nord, des rapports indiquant des actions de protestation sporadiques allant de la Californie à l’Etat de Washington au nord-est, de la Floride au sud jusqu’à la Nouvelle-Ecosse, au Canada.
Les détails restent incomplets. Ils apparaissent à mesure que l’information traverse les murs poreux des pénitenciers du pays. Des groupes en faveur d’une réforme carcérale, en contact avec des organisateurs de la grève, ont déclaré mercredi 22 août que des mouvements étaient confirmés dans trois Etats alors que des rapports non confirmés provenaient de Floride, Géorgie, Caroline du Sud et Caroline du Nord.
Les cas confirmés portent sur une grève de la faim dans la prison d’Etat de Folsom, en Californie. Un détenu âgé de 26 ans, du nom d’Heriberto Garcia, est parvenu à communiquer au monde extérieur un enregistrement sur smartphone dans lequel on l’entend refuser de se nourrir. La vidéo a ensuite été postée sur Twitter.
Alors qu’on lui dit quel est le menu du jour, on peut entendre Garcia répondre: «des burritos ou non, je ne mange pas aujourd’hui. Je proteste. Je suis désormais en grève de la faim.»
La deuxième action à avoir été confirmée vient du centre de détention du Northwest, à Tacoma, dans l’Etat du Washington, où au moins 200 détenus immigrés ont rejoint la grève nationale. La protestation canadienne a eu lieu à Halifax, Nouvelle Ecosse, où les prisonniers de la prison Burnside ont émis une déclaration de solidarité avec les grévistes des Etats-Unis, se plaignant qu’ils étaient «entreposés en tant que détenus et non traités comme des êtres humains.»
La grève qui doit durer 10 jours est la première action à l’échelle nationale de ce type aux Etats-Unis, depuis deux ans. Elle a été provoquée par les émeutes qui ont éclaté en avril dans l’établissement carcéral de Lee, en Caroline du Sud, au cours desquelles sept détenus ont été tués.
Le début de la grève, lundi 21 août, visait à correspondre symboliquement avec le 47e anniversaire de la mort du dirigeant des Black Panther George Jackson, tué dans la prison de San Quentin en Californie.
L’un des objectifs des organisateurs de l’actuelle grève est d’attirer l’attention du public sur la vague de morts en détention, qui a atteint dans certains États des proportions épidémiques. Au Mississippi, 10 détenus sont morts dans leurs cellules au cours des trois dernières semaines seulement, sans que l’on connaisse avec certitude la cause de leur décès.
Outre les décès, les grévistes, menés par un réseau d’activistes détenus qui se sont donné le nom de Jailhouse Lawyers Speak, mettent en avant un ensemble de 10 revendications visant à remanier un système carcéral américain qui craque. Au sommet de la liste figure l’abolition du travail forcé sous-payé, lequel est vu par les grévistes comme une forme d’esclavage moderne.
Kevin Rashid Johnson, condamné à une peine à vie dans la prison d’Etat à Sussex, Waverly, dans l’Etat de Virginie, a écrit dans le Guardian qu’il considérait le travail en prison comme un «travail esclave, lequel existe toujours en 2018 aux Etats-Unis. En réalité, l’esclavage n’a jamais disparu dans ce pays».
Parmi d’autres revendications portées par les grévistes figurent une hausse des financements des services de réhabilitation ainsi qu’un meilleur suivi médical des prisonniers souffrant de maladies psychiques.
Dans de nombreux Etats les détenus ont émis leurs propres revendications. En Caroline du Nord, un manifeste a été publié en juillet, ciblant l’abrogation de l’enfermement en cellule de confinement solitaire ainsi que l’abolition des peines à vie. «Aucun humain ne devrait être condamné à une peine de mort par incarcération» peut-on y lire.
Plus tôt cette semaine, environ 100 prisonniers de l’institution correctionnelle Hyde de Fairfield, en Caroline du Nord, ont été vus dans la cour du pénitencier portant des banderoles sur lesquelles il était écrit: «liberté conditionnelle», «une meilleure alimentation» et «en solidarité».
Les principales tactiques utilisées dans la grève sont celles du refus de travailler, le boycott des magasins d’intendance des prisons, les sit-in et les grèves de la faim.
Des groupes militants tels que l’Incarcerated Workers Organizing Committee ont souligné qu’eu égard à la nature des prisons de haute sécurité, les actions de grève peuvent prendre plusieurs jours pour atteindre le monde extérieur, pour autant que des informations sortent.
Les comptes rendus sur ce qui se passe émis par les autorités carcérales et les militants extérieurs sont déjà contradictoires. En Floride, des rapports non confirmés indiquent que 11 des prisons des 143 prisons de l’Etat seraient touchées par les actions de protestation.
Ces rapports s’opposent à la déclaration du porte-parole de département correctionnel de Floride, lequel a déclaré: «il n’y a pas eu d’arrêt, de protestations ou de confinements en lien avec la grève» [1]. (Article paru le 23 août 2018 sur le site de l’édition étatsunienne du Guardian; traduction A L’Encontre)
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[1] Un article de David Brown, publié dans le quotidien fort répandu USA Today, daté du 23 août 2018, publié à 16h15, indique que des manifestations de solidarité avec la grève des détenus sont prévues dans plusieurs villes du pays. Il est intitulé : «Vous ne pouvez juste traiter les personnes comme des animaux»: la grève dans les prisons U.S. déclenche des manifestations de solidarité».
Sur le site de The Mother Jones, en date du 20 août 2018, était souligné un des exemples de soutien aux grévistes des prisons:
«Le système de messagerie téléphonique de fortune mise au point par Dorsey relie les prisonniers qui peuvent être séparés les uns des autres de quelques centaines de centimètres seulement, ainsi que par les murs, les clôtures et les règles qui les empêchent de se rassembler. Les prisonniers sont membres de l’Industrial Workers of the World (IWW), le syndicat militant qui soutient la grève dans les prisons qui doit commencer cette semaine. A partir du 21 août, les détenus d’au moins 17 Etats devraient refuser d’aller travailler; des sit-in seront organisés dans les aires communes; le boycott des economats ou engager des grèves de la faim, selon Dorsey. Ce dernier est un monteur de lignes électriques qui est membre du Comité d’organisation des travailleurs incarcérés de l’IWW. Depuis que la grève a été annoncée pour la première fois en avril, ses organisateurs emprisonnés ont lutté pour se coordonner entre eux et avec les milliers de prisonniers qu’ils espèrent se joindre à leur protestation. Ils ont souvent compté sur l’Incarcerated Workers Organizing Committee et sur des activistes de l’extérieur comme Dorsey qui ont trouvé des moyens créatifs de faire entrer les messages dans la boîte noire du système carcéral.»
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