Les enfants de migrants en situation irrégulière sont profondément affectés par la précarité de l’illégalité. Et le payent de leur santé.
De nombreuses études l’ont prouvé, le fait d’être en situation illégale sur un territoire a un impact considérable sur la santé physique et mentale des personnes: anxiété, travail au noir (et peur de l’accident), difficulté d’accès aux soins…
Alors qu’aux Etats-Unis, Donald Trump s’apprête à probablement détricoter une mesure de protection de migrants en situation illégale, une étude américaine publiée vendredi 1er septembre dans la revue Science s’est intéressée à la situation des enfants de ces migrants. Dans quelle mesure sont-ils affectés par la situation de leurs parents?
Les obstacles affrontés par les enfants d’«illégaux» vont au-delà des défis socio-économiques, soulignent les chercheurs qui estiment qu’il faut prendre en compte l’anxiété parentale, la peur de la séparation et le stress de s’adapter à une nouvelle culture. L’étude s’intéresse donc spécifiquement à l’impact psychologique. «Examiner les troubles de la santé mentale qui apparaissent dans l’enfance est important parce qu’ils sont associés à des problèmes de santé à long terme (dépression, obésité, maladies cardiovasculaires), un faible niveau d’éducation et une dépendance aux aides sociales, ce qui génère des coûts considérables tant à titre personnel que pour la société.»
Problème: les troubles psychologiques sont multifactoriels. Il est méthodologiquement délicat de prouver de manière catégorique que c’est la situation des parents qui est à l’origine des maux. Sans compter qu’il est difficile de trouver un échantillon large de familles, étant donné qu’elles ont tout intérêt à rester sous les radars.
L’écueil a finalement pu être contourné grâce à… Obama
En 2012, le président américain avait lancé le programme Daca [1], sorte d’amnistie de deux ans renouvelable, destinée aux jeunes migrants en situation illégale et permettant d’obtenir un permis de travail et d’étude. Pour en bénéficier, les personnes devaient avoir au maximum 31 ans au 15 juin 2012. Protéger les mères améliore la santé des enfants.
Les chercheurs se sont appuyés sur les données de Medicaid (assurance maladie pour individus et familles à faible revenu et ressource, gérée par les Etats) pour comparer les situations des enfants des mères migrantes nées entre 1980 et 1982 (5’653 femmes ayant donné naissance à 8’610 enfants). Celles nées après le 15 juin 1981 ont bénéficié de l’amnistie, les autres non. Il ressort que le nombre d’enfants présentant des troubles psychologiques est moitié moins important après une période d’amnistie. Entre 2013 et 2014, ils étaient 3,3% contre 7,8% parmi les enfants des mères trop âgées pour bénéficier du programme.
Ces conclusions viennent conforter scientifiquement un constat posé depuis des années par les acteurs de terrain, relayés par les associations de défense des migrants: le traitement réservé aux migrants en situation irrégulière a un impact sur leurs enfants. Or, les associations regrettent régulièrement que l’intérêt supérieur de l’enfant ne prime pas dans les choix posés par l’administration ou l’orientation de la politique nationale (ouverture de places destinées aux familles en centre fermé, réforme de l’accès des enfants à la nationalité…). Surtout dans le cadre d’une législature Trump où le «rapatriement des migrants illégaux» est affiché comme un objectif prioritaire. (2 septembre 2017, publié dans Le Soir)
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[1] La Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA) renvoie à un aspect de la politique migratoire mise en place par l’administration Obama en 2012. Il accordait une prolongation (avant déportation ou alors obtention d’un permis de résidence) de deux ans du permis de «résidence» à des mineurs rentrés de manière «illégale» aux Etats-Unis. The Pew Research Center estimait, initialement, à 1,7 million les personnes aptes à jouir de ce programme. En juin 2016, selon United States Citizenship and Immigration Services, le programme DACA a reçu quelque 850’000 demandes pour ce statut; 740’000 ont été acceptées (88% exactement); 7% ont essuyé un refus et 5% sont en voie d’examen. L’essentiel des requêtes se concentrent au Texas et en Californie: une migration «hispano-aéricaine» qui «répond» à des besoins de travail dans l’agriculture, le nettoyage, la construction. La procédure DACA a été suspendue par l’administration Trump le 16 juin 2017. (Rédaction A l’Encontre)
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