Etats-Unis-Gaza. «Une jetée temporaire et un blocus permanent. Biden et sa mascarade» 

Rafah, 2 mars 2024.

Par Jonathan Cook

Quelques remarques sur la construction par le président Biden d’une «jetée temporaire» – ou ce que ses collaborateurs appellent pompeusement un «port» – pour acheminer l’aide à Gaza.

1.- Bien que personne ne le mentionne, Joe Biden viole en fait le blocus israélien de Gaza, qui dure depuis 17 ans. Gaza n’a pas de port maritime, ni d’aéroport, parce qu’Israël, la force occupante, lui a depuis longtemps interdit d’en avoir.

Israël a bloqué l’entrée à Gaza de tout ce qui ne passait pas par les points de passage terrestres qu’il contrôle. Israël a empêché, souvent violemment, les flottilles d’aide internationale d’atteindre Gaza pour y apporter des médicaments. Le blocus a également créé un marché captif pour les produits israéliens de mauvaise qualité, tels que les fruits et légumes abîmés. Il a permis à Israël de prélever, aux points de passage terrestres, l’argent qui aurait dû revenir aux Palestiniens sous forme de droits et de taxes.

2.– Il faudra de nombreuses semaines aux Etats-Unis pour construire cette jetée en mer et la mettre en service. Pourquoi ce retard? Parce que toutes les capitales occidentales, y compris les Etats-Unis, depuis 17 ans soutiennent le blocus.

Le siège de Gaza a provoqué une malnutrition progressive chez les enfants de l’enclave. Depuis quelques mois, la famine décime à un rythme rapide. En aidant Israël à infliger une punition collective à Gaza pendant toutes ces années, les Etats-Unis et l’Europe se sont rendus complices d’une violation flagrante et durable du droit international, avant même le génocide actuel.

Avec sa jetée maritime, Biden ne renverse pas cette collusion de longue date dans un crime contre l’humanité. Biden a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une mesure temporaire. En d’autres termes, les choses reviendront ensuite «à la normale» à Gaza: les enfants qui auront pu survivre dépériront, de nouveau, de malnutrition au ralenti. Donc à un rythme qui ne sera pas pris en compte par les médias de l’establishment et qui ne fera pas pression sur Washington pour qu’il soit perçu comme voulant faire quelque chose.

3.- S’il le voulait, Joe Biden pourrait acheminer l’aide à Gaza bien plus rapidement qu’en construisant une jetée. Il pourrait simplement insister pour qu’Israël laisse passer les camions d’aide par les points de passage terrestres [des masses de nourriture sont avariées car les camions sont bloqués beaucoup trop longtemps aux portes de Rafah, ce que dénonce une responsable de l’UNRWA] et le menacer de graves représailles s’il n’obtempère pas. Il pourrait menacer de cesser d’envoyer les bombes américaines qu’il transfère, bombes qui tuent encore plus d’enfants à Gaza. Il pourrait aussi menacer de supprimer les milliards d’euros d’aide militaire que Washington fait parvenir chaque année à Israël. Il pourrait aussi menacer de refuser d’opposer le veto américain au Conseil de sécurité de l’ONU, veto qui protège Israël des retombées diplomatiques. Il pourrait faire tout cela et bien plus encore. Mais il choisit de ne pas le faire.

4.- Même si Biden achète à Israël quelques semaines de plus pour continuer à affamer massivement les Palestiniens de Gaza, pendant que nous attendons que sa «jetée temporaire» soit achevée, rien ne changera dans la pratique. Israël continuera à effectuer les mêmes contrôles que ceux qu’il effectue actuellement aux points de passage terrestres, mais ces contrôles seront aussi faits à Larnaca, à Chypre, là où l’aide sera chargée sur les navires [Ursula von der Leyen qui a apporté son «soutien inconditionnel» à Israël n’a pas manqué d’être présente à Chypre pour annoncer cette «aide», alors que la «jetée temporaire», aboutissement du corridor maritime, nécessite six semaines pour son installation]. En d’autres termes, Israël pourra toujours créer les mêmes entraves interminables en prétextant des «problèmes de sécurité».

5.- Biden ne change pas de cap – temporairement – parce qu’il se soucie soudainement des habitants, ou même des enfants, de Gaza. Ils souffrent dans leur prison à ciel ouvert, à des degrés divers, depuis des décennies. S’il s’en était soucié, il aurait fait quelque chose pour mettre fin à ces souffrances après son accession à la présidence. S’il avait fait quelque chose à ce moment-là, le 7 octobre n’aurait peut-être jamais eu lieu, et toutes ces vies perdues des deux côtés – des vies qui continuent d’être perdues du côté palestinien toutes les quelques minutes – auraient pu être sauvées.

Et s’il s’en souciait vraiment, il n’aurait pas aidé Israël dans ses efforts pour détruire l’UNRWA, l’agence de secours de l’ONU pour les Palestiniens et une bouée de sauvetage vitale pour Gaza, en gelant son financement, sur la base d’allégations non prouvées d’Israël contre l’agence de l’ONU.

Non, Biden ne se soucie pas de la souffrance des Palestiniens, ni du fait que, pendant qu’il était occupé à manger des glaces [le mardi 27 février, Biden annonçait qu’un accord potentiel de cessez-le-feu était possible, tout en savourant une glace], des dizaines de milliers d’enfants ont été assassinés, mutilés ou rendus orphelins – et les autres sont morts de faim. Il se soucie des sondages électoraux. Son calendrier d’aide aux Palestiniens est strictement dicté par le calendrier de l’élection présidentielle. Il doit passer pour le sauveur de Gaza au moment où les démocrates décident pour qui ils vont voter.

Lui et le Parti démocrate misent sur le fait que les électeurs et électrices sont assez stupides pour se laisser prendre à cette mascarade. S’il vous plaît, ne leur donnez pas raison. (Article publié sur le blog de Jonathan Cook le 8 mars 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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