Que va-t-il se passer si Chavez n’est plus là?

Castro et Chavez

Par Mike Gonzalez

De manière surprenante, une partie de la droite vénézuélienne craint que le pouvoir radical du président prenne fin. Hugo Chavez est apparu au balcon du palais présidentiel à Caracas le 5 juillet 2011, le jour de l’Indépendance du Venezuela. Il sort de son opération du cancer, début juin à Cuba. Il est visiblement très malade. Il est retourné le 16 juillet 2011 à Cuba pour se faire soigner.

Un grande partie de la presse de droite a réagi avec son venin habituel mais on a vu quelques réactions surprenantes. Teodoro Petkoff, l’éditeur du journal férocement anti-chaviste Tal Cual, dans un entretien accordé au quotidien britannique The Guardian a exprimé une préoccupation sérieuse.

C’est un paradoxe, mais qui est révélateur. Les foules en larmes qui ont salué Chavez dans les rues étaient un témoignage de son énorme popularité. Mais on ne peut pas en dire autant de ceux qui manoeuvrent pour lui succéder. La plupart des gens qui occupent les postes gouvernementaux clés ne jouissent pas de la confiance du peuple. La corruption sévit dans le gouvernement Chavez et les travailleurs et les pauvres du pays le savent bien. Les gens parlent de la «Bolibourgeoisie», les nouveaux bureaucrates du régime qui se sont extraordinairement enrichis.

Mais, bien sûr, les membres du gouvernement font attention de s’identifier à la Révolution bolivarienne de Chavez. Ils sont adeptes de l’emploi du langage de la révolution et on ne les voit jamais sans leurs T-shirts rouges et leurs caquettes de baseball qui symbolisent ce mouvement «Rojo-rojito» (rouge, vraiment rouge).

Et pourtant la révolution que les partisans de Chavez attendaient reste très éloignée. Comme il l’avait promis, Chavez a consacré une partie significative du revenu des exportations de pétrole du Venezuela à des programmes sociaux pour les pauvres. Il a aussi diminué la pauvreté.

L’économie vénézuélienne a crû durant les années 1960 et 1970, mais elle est entrée en crise dans les années 1980. Le gouvernement d’alors, sous Carlos Andrés Perez [1], a imposé un programme d’austérité violent – d’une sorte qui nous est familière aujourd’hui, en Europe et en Grande-Bretagne – mais qui ne l’était pas en 1989. Il a réprimé les protestations contre l’austérité et dans la décennie suivante, ce sont 65% de la population du Venezuela qui se sont trouvés dans la misère.

Chavez a promis de redresser la balance et aujourd’hui la pauvreté a été réduite de moitié. Un impressionnant programme d’éducation fait que tout le monde peut entrer à tout niveau de scolarité, depuis des programmes d’alphabétisation jusqu’à l’université.

Le programme de santé publique a apporté les soins de base aux quartiers les plus pauvres. Quelque 20’000 soignants cubains, envoyés au Venezuela en échange du pétrole, soignent les gens.

Chavez n’a pas rempli sa promesse de construire des logements adéquats, mais des dizaines de milliers de familles rendus sans abri par les récentes inondations (2008 et 2010) ont reçu un abri.

Des mobilisations de masse ont arrêté une tentative de coup d’Etat contre Chavez en avril 2002. Et une grève des patrons, cherchant à détruire l’industrie pétrolière nationale, a échoué à cause de la résistance déterminée de la classe ouvrière.

C’est après cela que la révolution a pris un virage radical. Le sens en était que la révolution allait vers une démocratie participative qui déplacerait le pouvoir des riches vers les pauvres, et d’un Etat essentiellement gouverné par des gens du régime corrompu d’avant Chavez vers des organes de démocratie populaire.

En 2005, Chavez déclarait que la révolution allait construire «le socialisme du XXIe siècle».

Ces choses ne se sont pas concrétisées.

Le pouvoir est revenu graduellement vers un Etat où les classes qui le contrôlent se comportent souvent comme leurs prédécesseurs. Ce qui est plus important, c’est que la bourgeoisie n’a pas été contestée. Les médias occidentaux, qui sont systématiquement contre Chavez, se plaignent d’un manque de liberté d’expression. Mais je n’ai jamais été nulle part où l’opposition parle plus librement, et plus méchamment, contre le régime.

Cette même bourgeoisie vit dans le luxe, malgré quelques mesures monétaires mineures. Elle réalise des vastes profits en élevant constamment les prix des biens qu’elle contrôle et en spéculant sur la monnaie (bolivar-dollar) et l’immobilier. Elle bénéficie aussi de l’absence d’un système d’impôt sur le revenu qui représenterait vraiment un déplacement du pouvoir et de la richesse.

Les revenus du pétrole ont permi de maintenir les programmes sociaux. Mais il n’y a pas eu de révolution sociale. Pourquoi les gens ont-ils accepté que les promesses de la révolution soient toujours reportées à plus tard? Je pense que c’est parce que les gens croient que Chavez est toujours encore déterminé à réaliser une révolution d’en-bas.

Le peuple a démontré de nombreuses fois son pouvoir en se mobilisant de façon répétée pour défendre la révolution. C’est sur ce pouvoir qu’il doit compter pour faire avancer la révolution, et pas sur quelque dirigeant. (Traduction A l’Encontre)

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[1] Carlos Andres Pérez dirigeait l’Action Démocratique, un parti membre de la IIe Internationale sociale-démocrate au sein de laquelle Pérez a occupé les plus hautes responsabilités. Il fut président du Venezuela de mars 1974 à mars 1979 et de février 1989 (à cette date explose le soulèvement appelé Caracazo, qui fut violement réprimé) à mai 1993. Son second mandat présidentiel a été marqué par l’application d’un plan d’ajustement structurel (FMI) brutal qui débouchera sur de nombreux soulèvements populaires. Carlos Andres Pérez est, de plus, un emblème de la corruption propre à l’économie de la rente pétrolière. Pérez sera d’ailleurs destitué pour corruption en 1993. De plus, sous son second mandat, deux tentatives de coups d’Etat ont lieu en 1992 (février et novembre). Chavez sera un des instigateurs d’une des deux tentatives. Carlos Andres Pérez décède en décembre 2010, à Miami. (Réd.)

* Mike Gonzales a écrit cet article pour l’hebdomadaire du SWP anglais Socialist Worker. Historien, Mike Gonzalez a enseigné à l’Université de Glasgow. Actuellement, il réside souvent au Venezuela.

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