Par Waldemar Rossi
Le 7 septembre dernier, pour la dix-huitième année consécutive, le Cri des Exclus retentissait à travers tout le Brésil. Lancée par des secteurs dits progressistes de l’Eglise catholique, en 1995, la mobilisation se tient à l’occasion des festivités célébrant le jour de l’Indépendance du Brésil (7 septembre 1822). Elle fait entendre la voix des “Exclus”: de fait, la majorité de la population du pays, sans-terre, sans-toit, pauvres privés d’accès à une éducation et un système de santé de qualité, travailleurs sur-exploités, etc. A Aracaju – capitale de l’Etat du Sergipe – les sans-terre du MST, les sans-toit, les ambulanciers en grève du SAMU, les travailleurs de la santé et de l’éducation, les étudiants en lutte pour une école publique de qualité ont manifesté à la suite du cortège officiel. Il était formé par un défilé des troupes de la police, puis par des écoliers. Les syndicats d’enseignants (professeurs d’universités en grève, professeurs de l’école obligatoire et des collèges en lutte pour le respect du minimum salarial) étaient particulièrement combatifs. Ils revendiquaient notamment l’investissement de 10% du Produit intérieur brut (PIB) pour l’éducation. Comme le soulignent, cette occasion, les amis du MST d’Aracaju : «Quand la manifestation s’est approchée de la loge du gouverneur Marcelo Déda (PT, Parti des travailleurs) et de sa suite, ce dernier a fait augmenter le son des haut-parleurs officiels pour qu’il couvre les revendications des exclus. Tout un symbole.» Nous publions ci-dessous un texte de Waldemar Rossi, publié dans le Correio de la Cidadania, qui traduit l’actualité des revendications essentielles lancées par ce mouvement (Rédaction A l’Encontre).
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Depuis qu’il a été lancé pour la première fois en 1995, des tréfonds d’une vallée de misère, le Cri des Exclus avance. Il produit beaucoup d’écho et arrive dans les villes brésiliennes les plus éloignées, motivant et entraînant les nouvelles générations qui ne se résignent pas face à la barbarie qui s’est implantée dans le pays et qui croît chaque jour.
Une barbarie qui, en même temps qu’elle concentre la richesse entre les mains de quelques favorisés, génère de la misère en écartant de plus en plus de personnes de la participation aux richesses créées par le travail collectif. C’est un modèle d’Etat qui génère tout type de corruption, de violences, fauchant çà et là des vies de manière indiscriminée.
Chaque année un nouveau thème est lancé, visant à réveiller la conscience du peuple des travailleurs et travailleuses exploités et c’est le fruit du travail de nombreux hommes et femmes engagés dans les luttes populaires. Les thèmes ne sont pas choisis au hasard. Tous expriment en premier lieu l’indignation de beaucoup de gens face aux dérégulations pratiquées par l’Etat, régulations qui se font au détriment de l’immense majorité de la nation et au bénéfice du capital spoliateur et prédateur. Les thèmes choisis chaque année se proposent donc d’indiquer un chemin de reconstruction de l’Etat dont le peuple soit le véritable protagoniste.
Ainsi, le thème du Cri de cette année 2012 traite directement du rejet de l’Etat bourgeois criminel et excluant ainsi que de l’importance d’aller vers la construction d’un nouvel Etat dans lequel les droits de toute la population soient véritablement respectés. Un Etat dans lequel le peuple aurait une voix active et décisionnelle sur tous les thèmes nationaux d’intérêt public, une voix qui aille au-delà du pseudo droit de vote (faux et trompeur) de l’idéologie bourgeoise dans lequel, afin de diriger le pays, les Etats [composant la fédération] et les municipalités, vous «choisissez» ceux qui ont déjà été sélectionnés et financés par le pouvoir économique.
Les revendications populaires les plus diverses seront présentes dans ce Cri, revendications qui sont élémentaires pour la qualité de vie du peuple, telles que l’urgente et nécessaire réforme agraire, des services publics de santé, l’éducation, des logements populaires, le transport collectif, les loisirs et tant de choses encore. En un mot, des services publics de qualité répondant aux besoins et à la dignité de tout le peuple des travailleurs, et non plus seulement aux intérêts de couches de la population minoritaires privilégiées. C’est un pas important de plus dans le processus de conscientisation et d’organisation de la société en vue de la construction future d’un Etat nouveau, un instrument indispensable pour l’édification d’une Société du Bien Vivre pour tous.
Si nous nous ne disposons pas encore de l’accumulation nécessaire de forces populaires pour imposer de tels changements structuraux, il faut cheminer en accord avec la longueur du pas collectif, sans jamais cependant perdre de vue le fait qu’au-delà de l’horizon de l’Etat bourgeois, on doit avoir devant les yeux l’horizon de l’édification d’un autre Etat, véritablement démocratique, d’une société de solidarité humaine et de partage de laquelle sera bannie toute exploitation par le travail aliéné.
C’est dans ce contexte qu’a lieu la 5ème Semaine Sociale Brésilienne que les secteurs sociaux de la CNBB (Conférence Nationale des Evêques du Brésil) viennent de lancer avec l’approbation de l’Assemblée de celle-ci et la participation de divers mouvements sociaux organisés. La 5ème Semaine Sociale Brésilienne a comme thème d’étude et d’actions politiques transformatrices. « Un nouvel Etat, chemin pour une nouvelle société du bien-vivre » et comme fil conducteur la question : «Un Etat pour quoi et pour qui ?»
Ce que l’on espère, c’est qu’au-delà des dénonciations et revendications justes et urgentes, le Cri des Exclus constituera aussi un levier fort et solide pour le déroulement de la 5ème Semaine Sociale Brésilienne (2012-2013) et qu’il pourra contribuer à l’avancée organisationnelle des mouvements populaires et des luttes de ceux-ci en défense des droits de tout le peuple brésilien. (Traduction A l’Encontre)
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Waldemar Rossi est un métallurgiste à la retraite, coordinateur de la Pastorale Ouvrière de l’Archevêché de São Paulo.
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