Brésil. 200 000 morts, chômage et misère: Bolsonaro brise le pays

Editorial d’Esquerda Online

Il a été très débattu du discours du président Jair Bolsonaro à un de ses partisans, disant que «le pays est en faillite» et qu’il ne peut rien faire. Mais les comptes publics ne le confirment pas, même avec une crise économique mondiale qui traîne depuis plusieurs années et le recul de l’activité pendant la pandémie. Le Brésil n’est pas «brisé»: il dispose de 1,24 trillion de reais dans le Trésor national (Tesouro Nacional), de réserves de devises et d’un excédent de plus de 50 milliards de dollars de sa balance commerciale. En d’autres termes, même selon les critères impitoyables du «marché», le pays dispose de ressources.

Ce qui est en train de se briser, c’est la vie des Brésiliens. Le Brésil a dépassé le chiffre tragique de 200 000 morts par le Covid-19 le 7 janvier. Le nombre de cas augmente dans presque tout le pays et on compte plus de 1200 décès par jour. Néanmoins, Bolsonaro persiste à faire campagne contre le vaccin et ne présente pas de plan de vaccination efficace, alors que plus de 50 pays ont déjà commencé à vacciner la population.

La dette sociale historique s’est aggravée pendant la pandémie. Le nombre de personnes en situation de misère et de pauvreté a augmenté, un drame qui va s’amplifier avec la fin de l’aide d’urgence, atteignant 48 millions de personnes [le 27 janvier 2021, avec possible extension jusqu’en mars 2021]. Le gouvernement a encore pu restreindre l’accès au BPC [Benefício de Prestação Continuada – pour les personnes de plus de 65 ans ne disposant pas d’une retraite et pour les personnes handicapées; pour être obtenu, le revenu doit être inférieur à un quart du salaire minimum qui est de 230 euros!). Le chômage a augmenté pour atteindre 14,6% de la population active et 30% de la main-d’œuvre est sous-employée, c’est-à-dire qu’elle travaille moins d’heures qu’elle ne le souhaiterait. Hors loyer, 66,3% des familles étaient endettées en décembre 2020. La vie est plus difficile, surtout pour les Noirs et les personnes de couleur, les femmes, les LGBTQI+ ainsi que les travailleurs et travailleuses du Nord et du Nord-Est.

Trois mesures pour sauver des vies et prévenir la misère extrême des travailleurs

Le Brésil est en faillite pour la grande majorité. Et cela n’est pas dû à un manque de ressources, mais aux choix et aux décisions de ce gouvernement. Jair Bolsonaro brise le pays et la vie des gens, tout en sauvant les profits des banques et des grandes entreprises et en leur transférant nos ressources et celles de l’État [ce qui est le propre de la politique du ministre de l’Economie Paulo Guedes]. Il existe une autre voie alternative, pour éviter ce type de faillites.

1 – Assurer la vaccination maintenant, pour tous et gratuitement par le SUS [Service universel de santé]

La vaccination est la seule mesure qui permettra de protéger des vies et de relancer l’économie. Le Brésil se trouve aujourd’hui parmi les dernières positions dans le monde, et le gouvernement semble s’en moquer. Dans le même temps, les entrepreneurs de la santé profitent de l’occasion pour essayer d’offrir un vaccin payant, en faisant en sorte que le revenu des gens décide de qui va vivre ou mourir.

2 – Garantir l’aide d’urgence jusqu’à la fin de la vaccination de la population

Il est absurde d’interrompre l’aide d’urgence. En décembre, 36% des familles bénéficiaires avaient l’aide comme seule source de revenus. Cette mesure va jeter des millions de personnes dans la misère.

3 – Interdiction des licenciements pendant la période de pandémie et embauche de chômeurs par le biais d’un plan de travaux publics

Les mesures du gouvernement et du Congrès national ont supprimé des droits, mais n’ont pas garanti l’emploi et le revenu. Il est possible d’avancer dans la lutte contre le chômage et en même temps d’engager les travaux dont le pays a besoin pour développer son économie ainsi que le combat contre le Covid-19.

La vie avant le profit

Les grandes entreprises et les banques ont reçu toutes sortes d’aides. Le résultat est que, même durant la pandémie, le groupe restreint des milliardaires a réussi à s’enrichir: ils ont augmenté leurs profits de 34%. Ils ne se sont pas «brisés». Pour sauver la vie de dizaines de milliers de personnes et éviter que des millions d’entre elles ne soient jetées dans la misère, il est nécessaire de s’attaquer aux bénéfices de ceux résidant au dernier étage. Pour cela, il faut mettre en œuvre:

1) Suppression du plafond des dépenses [Teto de Gastos adopté en 2016 sous la présidence de Michel Temer] afin de libérer des ressources pour les investissements dans la santé, l’emploi et l’aide sociale

La loi qui gèle les dépenses publiques est criminelle. Si elle avait été en vigueur depuis plus longtemps, le SUS aurait été encore plus démantelé et nous aurions perdu plus de vies suite à la pandémie. En raison de ce plafond, les dépenses discrétionnaires du gouvernement en 2021 pourraient diminuer de 67,8 milliards de reais, ce qui, selon les analystes, pourrait provoquer ce qu’ils appellent un arrêt, une paralysie générale des services publics, par manque de ressources. Jair Bolsonaro et Rodrigo Maia [président de la Chambre des députés depuis juillet 2016, membre des Démocrates] ne sont pas en désaccord sur le maintien du plafond des dépenses et veulent toujours promouvoir la réforme administrative, en désignant les fonctionnaires comme l’ennemi.

2) Imposer les grandes fortunes et les banquiers

Plusieurs pays, tels que l’Argentine, l’Espagne et la Bolivie, ont créé des lois et des impôts sur la richesse et les bénéfices pour financer la lutte contre la pandémie. Au Brésil, où le 1% le plus riche du pays concentre 28,3% du revenu total, il ne se passe rien. Selon l’Unafisco [Association des nationales des auditeurs fiscaux], le gouvernement pourrait lever jusqu’à 59,79 milliards de reais, avec un changement du système fiscal, sur les bénéfices et les dividendes. Mais Bolsonaro préfère garder intact le barème des impôts sur le revenu, en imposant ceux qui ne gagnent que 2000 reais par mois [quelque 300 euros].

3) Utiliser une partie des réserves en dollars

Selon l’Audit citoyen de la dette [Auditoria Cidadã da Dívida], le Brésil dispose de 1836 milliards de reais de réserves de devises. Ce «matelas» est utilisé pour se protéger des attaques monétaires à la baisse, finançant ainsi l’action des spéculateurs et les taux d’intérêt du marché, alors que des millions de Brésiliens souffrent de la faim.

4) Suspendre le paiement des intérêts de la dette publique aux principaux créanciers

Les intérêts et l’amortissement de la dette publique ont consommé 38,3% des dépenses fédérales en 2019, contre 4,6% pour la santé. En 2020, en août, cette hémorragie a atteint 45,7%. Chaque jour, selon l’Audit citoyen, le pays y consacre 4,4 milliards de reais, sans que la dette prenne fin. Nous devons interrompre les paiements aux banquiers et aux grands fonds vautours afin que l’argent puisse être utilisé pour des besoins sociaux d’urgence.

Bolsonaro dehors, maintenant!

Bolsonaro n’adoptera aucune de ces mesures. Son gouvernement combine des attaques permanentes contre la démocratie avec la mise en œuvre d’un programme économique visant à démanteler l’État. Alors qu’il brandit des menaces pour ne pas reconnaître une éventuelle défaite aux élections de 2022, il poursuit un programme radical de contre-réformes et de privatisations. Son gouvernement ne se soucie pas de la pandémie et en profite même pour faire passer une déréglementation dans le domaine agricole et du code forestier, de concert avec le Congrès.

Pour que le pays ne se «brise» pas pour de bon et pour que nous n’atteignions pas 300 000 morts (en ne considérant que les chiffres officiels, notoirement sous-estimés), il est nécessaire d’écarter Bolsonaro du pouvoir. Le « Bolsonaro dehors» est urgent. Le gouvernement a déjà donné toutes les preuves qu’il ne respecte pas les lois et s’attaque à la vie des gens. Son commentaire sur l’assaut sur le Capitole par des trumpistes aux États-Unis montre qu’il est prêt à recourir de même à la violence s’il ne remporte pas les prochaines élections. Nous ne pouvons pas attendre jusqu’en 2022. Nous devons exiger que Rodrigo Maia ouvre immédiatement la procédure de mise en accusation, basée sur la revendication populaire, déposée en août et signée par des centaines d’entités et ignorée par lui, comme par ses complices.

Les partis de gauche, les syndicats, les mouvements sociaux et de lutte contre l’oppression devraient s’unir pour exiger: la vaccination gratuite de tous ceux et toutes celles qui sont déjà intégrés au SUS, un revenu d’urgence et une garantie d’emploi. Il s’agit d’articuler ces revendications avec le «Dehors Bolsonaro» et avec des actions de solidarité. Il est nécessaire de faire de 2021 une année de résistance et d’actions unitaires, dans la rue – tout en respectant les normes sanitaires – contre ce gouvernement génocidaire. (Article publié sur le site Esquerda Online le 9 janvier 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

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