Argentine: «Toutes les cinq minutes un adolescent meurt aux mains de la police. C’est l’Etat qui est responsable»

Par la Rédaction de Conclusion

Cette phrase a été prononcée par Julieta Herrera. Il s’agit de la sœur de Jonatan tué de plusieurs balles par «des inconnus», le 4 janvier 2015, Des «inconnus» finalement incriminés et jugés pour crime en mars 2017, suite à une longue enquête menée par le juge Gonzalo López Quintana. Les 5 policiers appartenaient à un commando de police, qui fait partie du corps policier nommé la PAT (la Police d’Action Tactique), Jonatan, lui, travaillait. Il lavait une voiture devant une station d’essence. Julietta Herra a participé à cet entretien avec la rédaction de Conclusion, dans le cadre de l’appel à la troisième Marche nationale contre la Violence institutionnelle qui aura lieu cet après-midi, lundi 28 août 2017 à Rosario (troisième ville d’Argentine) se joint à cette initiative pour la première fois.

A partir de 17 heures, ce lundi, se déroulera donc la troisième «Marche nationale contre la gâchette facile». Elle se déroulera dans différentes localités du pays et, pour la première fois, la population de Rosario participera à ce message qui, sous forme de cortège, va parcourir les villes de plusieurs provinces.

La mobilisation aura lieu devant les Tribunaux provinciaux locaux, y compris le siège du gouvernement. Sous la consigne: «Pas un ado de moins, pas une balle de plus. L’Etat est responsable», la mobilisation se tiendra à Tucuman, à Cordoba, à Buenos Aires et à Mar del Plata.

Dans l’entretien avec Conclusion, Julieta a insisté sur la «complicité du système judiciaire avec la violence institutionnelle».

Elle précise: «Nous dénonçons une terrible complicité des responsables de la violence institutionnelle. Les juges et les avocats sont responsables de pair avec la police. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’adhérer à la Marche. Et nous n’allons pas seulement adhérer, mais aussi nous mobiliser. Même si c’est la troisième marche à l’échelle nationale, c’est la première fois que nous participons à cette marche ici, à Rosario, et je pense que cette mobilisation doit se faire en force.»

Dans un communiqué diffusé dans les médias de Rosario, l’Organisation communautaire multisectorielle a indiqué qu’aussi bien la violence institutionnelle que la «gâchette facile» sont systématiquement niées par l’Etat, qui ne met pas en place des moyens politiques adéquats pour leur prévention, leur détection et leur sanction.

«L’Etat ne s’occupe pas non plus de garantir aux victimes et à leurs proches l’accès à la justice. Cette question ne concerne donc pas seulement les forces de sécurité, mais aussi les trois pouvoirs de l’Etat, et ce au niveau national et au niveau provincial comme local.»

Dans le même ordre d’idées, Julieta a rappelé que ces cas de violences sont en augmentation: «Non seulement nous subissons systématiquement des incidents comme celui de l’assassinat de mon frère, mais en outre les proches reçoivent des menaces et des intimidations qui rendent de plus en plus difficiles les réclamations et nous éloignent de plus en plus d’un accès à la justice». «Parfois, il est très difficile de trouver la force de continuer d’aller en avant… mais ils nous ont arraché ce que nous avions de plus cher, et il ne nous reste qu’à lutter.»

En ce qui concerne cette «complicité» qui est dénoncée, Julieta n’a pas hésité à dénoncer le procureur Adrian Spelta: «Il est lamentable que nous ayons des procureurs comme lui. ¡l n’a pas enquêté correctement sur le cas de mon frère, et maintenant il fait la même chose en ce qui concerne David Campos et Emanuel Medina… Dans le cas de Jonatan il y a eu une foule d’obstacles et beaucoup de carences, qui ont ensuite influé sur la décision des juges.» «Nous savons comment il travaille et de quel côté il est. Nous l’avons souvent dénoncé publiquement, et je ne sais pas ce qu’il faudra faire pour qu’il se dessaisisse, car il a toujours fait son possible pour couvrir la police, même lorsque les preuves étaient claires et incriminantes. Mais nous savons aussi que cette impunité et cette violence viennent d’en haut.»

Lors du communiqué émis par l’Organisation communautaire multisectorielle contre la violence institutionnelle, Julieta Herrera a souligné que l’Etat était responsable et qu’il s’agissait d’une «problématique qui concerne tout le pays». «Toutes les 24 heures, un gamin meurt suite aux actes policiers (…) En tant que proches nous continuons à constater que les policiers imputés restent en liberté ou ne sont condamnés qu’à des peines minimales. C’est justement la complicité étatique que nous dénonçons, celle qui passe par des juges et des procureurs».

«Nous ne marchons pas uniquement pour la justice, mais aussi parce que nous voulons démontrer qu’il s’agit d’une problématique qui nous concerne tous, et qui ne fait que s’aggraver avec le gouvernement actuel. Nous voulons que nos gamins vivent et nous disons stop à la gâchette facile. L’Etat est responsable.»

La manifestation est convoquée devant les tribunaux provinciaux de Rosario ce lundi 28 août à 17 heures, et depuis-là la marche se déplacera jusqu’au carrefour de Moreno et Santa Fé, où se trouve siège du gouvernement de la province de Santa Fé.

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Le communiqué de l’organisation communautaire multisectorielle
contre la violence

«Nous savons que la violence institutionnelle est une des débilités les plus importantes de notre démocratie et qu’elle est actuellement en recrudescence dans un contexte politique, social et culturel qui avalise et autorise de manière de plus en plus résolue ces pratiques répressives et violatrices des droits humains. La violence institutionnelle se réfère à un phénomène systématique, étendu dans le temps et focalisé contre un groupe social spécifique que sont les jeunes des secteurs populaires. Elle inclut des pratiques des forces dites de sécurité qui vont des détentions pour vérification d’identité, en passant par des tortures et des exécutions sommaires, jusqu’à des disparitions forcées de personnes qui sont ensuite tuées.

Ces pratiques sont systématiquement niées par l’Etat, qui ne met pas en place des mesures politiques adéquates pour leur prévention, leur détection et leur sanction, pas plus qu’il ne se préoccupe de garantir l’accès à la justice des victimes et de leurs proches. Cela ne concerne donc pas seulement les forces dites de sécurité, mais les trois pouvoirs de l’Etat, aussi bien à niveau national qu’à niveau provincial et local. Dans la ville de Rosario, des événements récents montrent un accroissement de ces pratiques. L’année 2003 a enregistré un record d’homicides hostiles et une intensification des cas de “gâchette facile”.

Dans ce sens, au sein de l’Organisation communautaire multisectorielle nous pensons que c’est uniquement par l’organisation et par l’activisme des victimes et de leurs proches et amis, avec le travail incessant des organisations sociales, politiques, académiques, syndicales et des droits humains, que nous pourrons influer sur les décisions qui doivent être prises pour détecter, prévenir, sanctionner, arrêter et éradiquer ces pratiques.

Stop à la gâchette facile! Pas un seul gamin ou gamine de moins! Plus une seule balle de plus! L’Etat est responsable! (Article publié dans Conclusion, en date du 28 août 2017, traduction A l’Encontre)

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