RDC. Les Nations unies sur la même ligne que les pays de la région

Martin Fayulu: il revendique sa victoire… et met en cause les «opérations du clan Kabila»

Par Colette Braeckman

La Cour constitutionnelle de Kinshasa ne s’est pas encore prononcée sur le scrutin. Et, au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Afrique du Sud comme la Chine semblent se satisfaire des résultats.

A l’issue des élections en République démocratique du Congo (RFC), sans se laisser troubler par les informations faisant état de désordres ou de manipulation des votes, et sans tenir compte des «fuites» révélant un autre ordre d’arrivée des candidats à l’élection présidentielle – selon lequel Martin Fayulu serait arrivé en tête – des instances importantes de la communauté internationale font preuve d’une prudence extrême.

C’est ainsi que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, à l’initiative de la France [1], un communiqué qui salue le «bon déroulement» des élections en RDC, rappelant que s’il y a des litiges, ils doivent s’exprimer dans le cadre de la Cour constitutionnelle. Tandis que la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe) s’est contentée d’appeler les acteurs politiques congolais «à obtenir des réponses à leurs doléances électorales dans le respect de la Constitution et des lois électorales concernées», sans demander de recomptage des bulletins.

Deux éléments expliquent cette retenue: le premier, c’est que la Cour constitutionnelle, saisie par l’opposant Martin Fayulu qui exige un nouveau décompte des voix, n’a pas encore rendu son verdict, attendu pour ce vendredi; le deuxième élément concerne les divergences entre les Occidentaux et deux pays membres du Conseil de sécurité, à savoir la Chine et l’Afrique du Sud.

Ces derniers se satisfont des résultats annoncés et ont accepté une déclaration saluant le bon déroulement du scrutin et prenant note des résultats annoncés par la Céni (Commission électorale nationale indépendante). Si la position de la Chine, alliée déclarée de Kinshasa, ne surprend guère, en revanche la Belgique, elles aussi membre du Conseil de sécurité, semble avoir échoué à convaincre l’Afrique du Sud de partager ses réticences. Et cela alors que les observateurs africains déployés en RDC dans le cadre de la Communauté des Etats d’Afrique centrale avaient relevé de nombreux dysfonctionnements.

• Les élections en RDC ayant provoqué un certain malaise dans la région, entre autres à Brazzaville où le président Sassou-Nguesso avait demandé un recomptage des voix, le président rwandais Paul Kagame, qui préside l’Union africaine, a pris l’initiative de convoquer un mini-sommet consacré à la RDC, auquel ont participé quatorze chefs d’Etat de la sous-région.

Il est apparu, comme au Conseil de sécurité de l’ONU, que l’Afrique du Sud, alliée de Kinshasa et très attachée au principe de la souveraineté des Etats africains, avait fait marche arrière, n’exigeant plus un recomptage des voix et ne souhaitant même plus la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale.

Lors de l’ouverture de la réunion, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a cependant reconnu que des «doutes sérieux» pesaient sur le résultat de l’élection présidentielle du 30 décembre dernier, et il a ajouté que «même si la situation sur le terrain restait heureusement globalement calme, elle n’en demeurait pas moins hautement préoccupante».

Aucune communication n’était prévue à l’issue de cette réunion mais, de source gouvernementale congolaise, on affirme que le ton des ministres africains fut très modéré, que le gouvernement de la RDC et la Céni ont été félicités pour l’organisation et la conduite des élections et surtout que les participants au sommet africain auraient demandé à la communauté internationale de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC. Si elle devait se confirmer, une telle mise en garde serait surprenante car à aucun moment du processus électoral, l’intégrité territoriale du Congo n’est apparue menacée…

• Par contre, des informations très inquiétantes nous sont parvenues de Yumbi, dans le Maï-Ndombe, une région voisine du Bandundu: le 17 et 18 décembre dernier, 890 personnes ont été victimes de tueries présentées comme des affrontements entre deux groupes ethniques. En réalité, il se serait agi d’une expédition moins punitive que préventive, destinée à semer la terreur dans une région considérée comme acquise à Martin Fayulu et à Monseigneur Monsengwo. A la suite de ce massacre, sur lequel les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas encore commencé à enquêter, les élections ont été différées de trois mois, comme à Beni et Butembo dans le Nord-Kivu. (Colette Braeckman est grande reporter auprès du quotidien Le Soir; elle tient un blog fort utile)

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[1] La volonté du pouvoir politique français et des groupes économiques visent et espèrent la «stabilité» dans la région et une voie de sortie à la crise politique présente avec de possibles répercussions voisinant une guerre civile. La «stabilité» renvoie au besoin, à moyen terme, de disposer des conditions adéquates aux investissements et, dans l’immédiat, d’éviter un «engagement» (ouvert ou indirect) d’une projection militaire supplémentaire des forces armées françaises placées sous la direction de la ministre de la Défense Florence Parly; forces armées qui sont déjà sous tensions physiques et financières (des armements aux troupes, en passant obligatoirement par le budget consacré). (Réd. A l’Encontre)

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Les nouveaux prédateurs: Politique des puissances en Afrique centrale

Un ouvrage de colette Braeckman datant de 2009. Toutefois son analyse éclaire encore les «intérêts» des «prédateurs» sur la situation en RDC et dans les pays voisins.

 

 

 

 

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